[Tribune] Trouver un équilibre entre la protection du marché européen et les objectifs de transition énergétique

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Le réseau Solar Industry Regions Europe (SIRE) plaide collectivement pour une transition énergétique européenne compétitive, résiliente et durable. Composé de plusieurs régions européennes (Andalousie, Carinthie, Liberec, Saxe, Saxe-Anhalt, Sicile, Grand Est), SIRE s’engage à renforcer l’industrie solaire européenne. Depuis la publication de sa dernière prise de position en octobre 2023, et à la lumière des actualités récentes dans le secteur de l’énergie solaire photovoltaïque, le réseau SIRE estime qu’il est essentiel de réévaluer la situation et de proposer des recommandations pour faire face aux défis actuels et continuer à contribuer aux objectifs énergétiques de l’UE en termes d’énergie solaire.

Bien que les régions contribuent de manière conséquente, en fonction de leurs forces et compétences, à soutenir l’industrie solaire en Europe, elles ne sont pas compétentes pour toutes les décisions exécutives et font donc appel au soutien de l’Union européenne et de ses États membres.

Dernières actualités dans le secteur européen de l’énergie solaire PV et risques associés

SIRE reconnaît les efforts de l’UE pour soutenir l’industrie solaire PV, comme en témoignent les initiatives récentes au niveau de l’UE (passage à 320 GW de solaire PV d’ici 2025 et à près de 600 GW d’ici 2030 dans le cadre de la stratégie de l’UE pour l’énergie solaire ; initiatives sur l’autorisation des projets d’énergie renouvelable reflétées dans la directive RED III ; objectifs définis dans l’Acte pour une industrie Net Zero, et plus particulièrement l’atteinte d’une capacité de fabrication européenne de 30 GW sur l’ensemble de la chaîne de valeur du PV d’ici 2030, etc.).

Toutefois, les développements récents dans le secteur PV soulignent les défis importants qui continuent de menacer la viabilité de l’industrie :
Dépendance à l’égard des importations chinoises : Malgré des objectifs ambitieux en matière d’expansion de la capacité solaire, l’UE reste fortement dépendante des modules PV fabriqués en Chine, qui représentent plus de 95 % des importations. Cette dépendance présente des risques pour la sécurité économique et compromet les objectifs de l’UE en matière de développement durable ;

Les difficultés de l’industrie : De nombreux fabricants européens de modules PV (Meyer Burger, Norsun) ont rencontré d’importantes difficultés au cours des derniers mois, entraînant des arrêts de production et des fermetures. Ces développements sont dus à l’afflux de modules chinois à bas prix qui ont faussé la concurrence et exacerbé les pressions du marché ;

Volatilité des prix : L’offre excédentaire de modules PV importés a fait baisser les prix en dessous des coûts de production, mettant en péril la viabilité des fabricants européens. Alors que la demande d’énergie solaire continue d’augmenter, la dépendance de l’UE à l’égard des importations bon marché menace la viabilité de l’industrie. Il existe actuellement dans l’UE un excédent de modules PV importés en stock estimé entre 70 et 85 GW (ce qui équivaut à au moins 140 à 170 millions de modules PV). En effet, la production en Chine est actuellement environ 35 % moins chère qu’en Europe.

Recommandations

Pour sauvegarder le marché solaire européen sans compromettre les objectifs de transition énergétique de l’UE, SIRE préconise l’approche suivante de la part de l’UE :
Mesures immédiates : Bien que l’Acte pour une industrie « zéro net », Net Zero Industry Act (NZIA) soit un outil clé pour renforcer la compétitivité des modules solaires produits en Europe à moyen et long terme, des mesures immédiates et à court terme sont également nécessaires. A cet égard, SIRE réitère la nécessité d’une action rapide. Ces actions pourraient inclure une interdiction immédiate des produits solaires fabriqués avec du travail forcé et le rachat par l’UE de l’excédent de modules solaires PV invendus stockés en Europe, ainsi que l’utilisation de fonds européens pour des mesures de soutien à court terme et des incitations stratégiques (par exemple, l’achat de modules PV européens via l’encadrement temporaire de crise et de transition). Au-delà d’un financement de l’UE, les possibilités de financements nationaux devraient également être explorées (par exemple, la « prime de résilience » en Allemagne, pour les produits fabriqués en Europe).

Solutions à court terme : Des stratégies alternatives telles que l’accélération du déploiement de l’énergie solaire (par exemple via l’installation de panneaux solaires sur les toits), la constitution de stocks stratégiques et la diversification des sources d’importation de matières premières et de composants peuvent contribuer à atténuer les préoccupations immédiates en matière de dépendance. Les mesures immédiates et à court terme sont d’autant plus importantes considérant le temps qui s’écoule entre une prise de décision au niveau européen et les effets concrets de celle-ci (par exemple, le vote récent sur NZIA et son acte d’exécution à paraitre dans neuf mois).

Solutions à long terme : En termes d’amélioration de la durabilité tout au long du cycle de vie du PV, SIRE demande une attention et un financement accrus pour les initiatives de recyclage des panneaux solaires. SIRE souhaite également réitérer l’importance de l’amélioration des compétences des travailleurs du secteur, afin de répondre aux demandes d’avancées technologiques. En investissant dans des programmes de formation et des initiatives éducatives, ainsi qu’en encourageant la collaboration entre les établissements d’enseignement, les acteurs de l’industrie et les organismes gouvernementaux, l’UE veillera à ce que l’industrie reste compétitive et durable à long terme.

Cadre réglementaire : La mise en œuvre de mesures relatives aux procédures de marchés publics (par exemple, les appels d’offres et autres formes d’intervention publique pour lesquelles les critères de durabilité et de résilience doivent être pris en compte), ainsi que de normes sociales, y compris sur les panneaux importés, et la taxation des émissions pendant la production et le transport, peuvent uniformiser les règles du jeu et promouvoir des pratiques respectueuses de l’environnement. En outre, alors que les régions augmentent leurs investissements pour le déploiement du PV, ces investissements ne seront d’aucune utilité si l’UE ne met pas en place un cadre qui permettra aux entreprises européennes de sécuriser leurs investissements.

Mesures commerciales : grâce à la politique commerciale commune, l’Union Européenne est en mesure de prendre les décisions nécessaires pour protéger son industrie contre la concurrence déloyale d’autres régions du monde (par exemple des mesures antidumping). Dans le cas des panneaux PV, il est essentiel que l’Union européenne surveille et analyse les déséquilibres commerciaux et prenne les décisions appropriées, au moment opportun, pour s’assurer que ses efforts en matière de politique industrielle ne soient pas sapés par des pratiques déloyales, tout en gardant à l’esprit à la fois les objectifs énergétiques et climatiques et les préoccupations de souveraineté.

Au-delà de cette liste de recommandations, l’UE doit veiller à ce que la thématique de l’énergie solaire reste une priorité. En particulier à l’approche des prochaines élections européennes, l’UE devrait reconnaître le rôle central de l’énergie solaire, ce qui impliquera d’inclure ce sujet dans le prochain programme de travail de la nouvelle législature.

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