Programmation énergétique : le gouvernement renonce à la voie parlementaire et opte pour un décret

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Le ministre de l’Industrie Roland Lescure a confirmé jeudi 11 avril que la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui doit fixer les objectifs de production par filière d’énergie jusqu’en 2035, sera adoptée par décret et non sous la forme d’une loi. Une manière pour le gouvernement d’éviter la voie parlementaire et la mise au vote à l’Assemblée nationale et au Sénat, où il risque de ne pas obtenir une majorité suffisante, entre les pro-nucléaire et les pro-renouvelables. « Il y a une vraie guerre de religion », a déclaré le ministre au quotidien Le Figaro et le décret permettra de gagner en « efficacité et en visibilité ».

« En renonçant à se doter d’un cadre stratégique législatif, la France sous-estime la nécessité d’une assise politique forte pour conduire dans la durée les changements qu’implique la transformation de notre système énergétique, critique cependant Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER). La France rate ainsi l’occasion de graver dans le marbre les engagements qu’elle a pris au travers de l’accord de Paris pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Par ce choix, elle se met en porte-à-faux vis-à-vis des engagements européens qu’elle a pris en matière de développement des énergies renouvelables, puisqu’elle maintient dans le code de l’énergie des objectifs en-deçà de ceux définis dans la directive RED 3 ».

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, Bercy a indiqué que la production d’électricité bas carbone devra passer de 450 térawattheures (TWh) actuellement, à 650 TWh par jour en 2035. Pour cela, la filière du nucléaire reviendra à son plus haut niveau historique, avec une production de l’ordre de 400 TWh et la construction de six EPR 2 devant entrer en production entre 2035 et 2042.

Parallèlement, les renouvelables ne sont pas oubliées puisque la PPE prévoirait une multiplication par 5 de la production d’électricité solaire (soit 100 GW de capacités installées) d’ici 2050, un doublement de la capacité de production éolienne terrestre (soit 40 à 45 GW) et une capacité de 45 GW d’éolien en mer.

Débat public

Le décret devrait donc être adopté d’ici la fin de l’année, à l’issue d’une concertation publique de deux à trois mois devant débuter en mai. La Commission nationale du débat public (CNDP) sera saisie dans la semaine par courrier. Cette consultation n’abordera toutefois pas la stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui doit faire l’objet d’une autre consultation à une date encore non définie.

« Le point positif, c’est la référence à la « stratégie française énergie climat » (SFEC) qui avait été largement débattue tout à long de l’année 2023, poursuit Jules Nyssen. Mais on se demande l’intérêt de la soumette à nouveau à un débat public, au risque de perdre encore un temps précieux ».

En décidant de faire reposer la définition de la stratégie française énergie et climat uniquement sur les décrets de la programmation pluriannuelle de l’énergie et de la stratégie nationale bas carbone, le gouvernement français commet une grave erreur qui risque d’être lourde de conséquences, abonde de son côté l’ONG Greenpeace France. « Concrètement, un prochain gouvernement pourra d’une simple signature modifier complètement les engagements climatiques et énergétiques de la France, créant une instabilité totale à l’opposé de l’esprit de planification », analyse Nicolas Nace, son chargé de campagne Transition énergétique.

« Un débat parlementaire est fondamental pour construire une vision partagée et pérenne sur l’ambition en termes d’économies d’énergie et de développement des énergies renouvelables, rappelle Bastien Cuq, Responsable Énergie au Réseau Action Climat. Sans loi sur l’énergie, le gouvernement se met hors la loi. Et surtout, cette consultation ne doit pas impliquer un report des décisions à la fin de l’année. D’autant plus que la France doit remettre son plan national intégré énergie climat à la commission européenne en juin ».

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