La Cour des Comptes a publié un rapport sur la faisabilité des projets nucléaires présentés par le gouvernement en 2022, concluant que l’industrie est « loin d’être prête » et qu’elle « doit encore surmonter de nombreux défis dont certains sont préoccupants ». L’instance indique ainsi que le plan de développement des réacteurs nucléaires EPR2 – réacteurs à eau pressurisée conçus par EDF et Framatome – reste flou.
« La rentabilité attendue du programme EPR2 reste, à ce stade, inconnue, d’autant plus que les conditions de financement de ce programme ne sont toujours pas arrêtées, écrivent les auteurs du rapport. Lorsque ces conditions seront claires, il faudra encore une année supplémentaire ou plus pour obtenir leur approbation par la Commission européenne. Ces retards et incertitudes, qui concernent également le nombre de centrales à construire, réduisent la visibilité dont ont besoin les acteurs du secteur pour s’engager dans des projets industriels d’une telle envergure et obtenir des financements ». Le rapport a noté que le programme EPR2 manque encore d’une estimation finale des coûts et d’un plan de financement, tandis que l’entreprise publique EDF reste lourdement endettée. La Cour des Comptes a recommandé de ne pas prendre de décision finale d’investissement tant que le financement n’est pas assuré.
Explosion des coûts
Ces précautions visent à éviter des dépassements de coûts similaires à ceux observés dans le projet Olkiluoto EPR en Finlande, la centrale de Hinkley Point au Royaume-Uni, et l’installation Flamanville 3 en France, intervenu avec 12 ans de retard. Dans son rapport de 2020, la Cour estimait que le coût total d’investissement à terminaison de l’EPR de Flamanville était d’environ 19,1 Md€ (selon la valeur de l’euro en 2015). Ce montant se décomposait en un coût de construction de 12,4 Md€ et des coûts complémentaires de 6,7 Md€ (dont 4,2 Md€ de frais financiers intercalaires). Dans cette estimation, le coût de construction représentait près des deux tiers du coût total d’investissement à terminaison, et le coût de financement plus de 20 % de ce coût total.
Aujourd’hui, EDF estime le coût total à terminaison à 19,3 M€ (au cours de 2015), soit 22,6 Md€ (au cours de 2023), coût de financement compris. L’élément principal de ce montant est le coût de construction, de 13,2 Md€.« Les réacteurs EPR en service en Chine et en Finlande ont connu plusieurs dysfonctionnements techniques ces dernières années, avec des impacts financiers importants et des conséquences dommageables pour la crédibilité du programme EPR2. EDF a dû enregistrer dans son rapport financier de 2023 une amortissement de cet actif qui a réduit ses résultats de 11,5 milliards d’euros », poursuit la Cour des Comptes en faisant référence au projet Hinkley Point C, dont les coûts ont grimpé à 33 milliards de livres (40 milliards d’euros), soit une augmentation de 100 % par rapport au coût initialement estimé.
La cour a également mentionné qu’une proposition d’extension de la centrale de Sizewell au Royaume-Uni pourrait être rejetée si l’entreprise française ne réduit pas son exposition financière pour le projet Hinkley Point C. Elle a averti que la stratégie industrielle mise en œuvre par EDF ne garantit pas encore la responsabilité des parties prenantes et a souligné que les incitations essentielles au succès du programme EPR2. « La stratégie du groupe EDF, qui prévoit de continuer à promouvoir les réacteurs nucléaires à l’international, ne devrait plus faire d’engagements excessifs en fonds propres ni prendre de risques excessifs en termes de rentabilité et de coordination opérationnelle entre les différents projets », a déclaré la cour, notant que ces risques financiers pourraient ralentir le calendrier du programme EPR2 en France. Le rapport a conclu que les efforts pour renforcer l’industrie nucléaire demeurent insuffisants, notamment pour reconstruire les compétences et la capacité.
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