Le soutien public au photovoltaïque dans le viseur de Bercy

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Sans surprise, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a reporté la publication des tarifs applicables du 1er février 2025 au 30 avril 2025 pour les installations photovoltaïques en métropole continentale installées sur bâtiment, hangar ou ombrière, d’une puissance inférieure ou égale à 500 kWc (dits tarifs S21). Ceux-ci seront, selon l’autorité, « communiqués prochainement ».

Cette annonce intervient dans le contexte de la consultation lancée auprès de la filière du photovoltaïque par le nouveau gouvernement de François Bayrou, et qui s’est achevée le 27 janvier. Si officiellement, cette consultation portait sur l’évolution des dispositifs de soutien au photovoltaïque, tous segments confondus, elle se focalise en réalité principalement sur les pistes envisagées pour maîtriser les dépenses publiques sur l’arrêté S21.

A la tribune du Sénat, le ministre de l’Économie et de l’Énergie Marc Ferracci ne s’en est d’ailleurs pas caché : le ministre veut en effet « rationaliser le soutien public en se concentrant sur les installations photovoltaïques les plus efficaces », à savoir les installations de plus grande taille.

« Nous allons opérer un certain effort sur les installations entre 0 et 9 kWc, ce qui permettra une économie de 214 millions d’euros en 2025 », Marc Ferracci, ministre chargé de l’Energie, au Sénat le 20 janvier 2025.

Dans sa consultation, le gouvernement a ainsi présenté plusieurs scenarii pour maîtriser les CSPE liés au solaire résidentiel, allant de la suppression de tout soutien à la suppression de la prime à l’autoconsommation, en passant par le maintien de la prime et la suppression des tarifs de rachat ou leur division au moins par deux. D’après des calculs réalisés par Effy, spécialiste de l’efficience énergétique, l’économie de 214 millions d’euros avancée par le ministre au titre des CSPE correspondrait à un arrêt de la prime à l’autoconsommation pour les particuliers.

Une vision court-termiste selon la filière des renouvelables

De quoi provoquer l’inquiétude et l’ire au sein de la filière du solaire. Selon une note publiée fin janvier par la CRE, le coût du seul soutien s’élèverait à 103€/MWh sur le segment 0-3 kWc et 88€/MWh sur le segment 3-9 kWh. « Ce qui fait du solaire résidentiel le segment avec le coût de soutien le plus faible du guichet ouvert PV (jusqu’à 500 kWc), répond Laetitia Brottier, vice-présidente du syndicat Enerplan. De plus, en 2025 avec le cadre de soutien actuel, 1 GW de nouvelles installations résidentielles coûteraient 157,5 millions d’euros de CSPE, tout en rapportant 309 millions d’euros de TVA et 273 millions d’euros de cotisations sociales. Ces chiffres montrent que réduire le soutien de l’État à ce segment coûterait plus qu’il ne rapporterait ».

C’est donc de l’un des axes de défense de la filière : montrer que couper les soutiens publics, pour une économie de l’ordre de quelques centaines de millions d’euros, est une vision à court terme qui ne prend pas du tout en compte la création de valeur généré par le secteur. « Les chiffres parlent d’eux-mêmes, rappellent les syndicats Enerplan et SER dans un communiqué commun. Depuis 2021, le solaire a connu une évolution majeure : la puissance installée chaque année a presque doublé, passant de 2,8 GW en 2021 à plus de 5 GW en 2024. Le secteur emploie aujourd’hui 67 000 personnes (emplois directs et indirects). La qualification professionnelle a explosé : plus de 5 000 entreprises artisanales possèdent la certification RGE, contre moins de 1 000 en 2021. Le chiffre d’affaires atteint 14 milliards d’euros en 2024, soit autant que le marché des véhicules électriques. Les retombées fiscales annuelles s’élèvent à plus de 2 milliards d’euros, dont 85 millions d’euros qui reviennent directement aux collectivités locales ».

Qui plus est, « des milliers de professionnels du bâtiment, confrontés à de très grandes difficultés économiques, ont trouvé un nouvel élan avec le solaire, assurant la continuité de leur activité tout en développant des compétences d’avenir », terminent les deux organisations qui insistent sur le fait que « le soutien public porte ses fruits ».

Une campagne de dénigrement

Alors que le gouvernement s’apprête à arbitrer la prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie, le photovoltaïque fait l’objet d’une campagne de dénigrement, surtout de la part des pro-nucléaire qui accusent les énergies renouvelables de tous les maux et appellent à un moratoire sur leur développement. « On sent une pression qui monte, qui monte et un procès fait au solaire », regrette Xavier Daval, vice-président du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Pourtant, le solaire est l’énergie de ce siècle, car elle est l’un des vecteurs les plus agiles pour réussir la transformation énergétique. Nous avons déjà gagné ». C’est pourquoi la filière se doit d’être force de contre-propositions.

Si le gouvernement confirmait sa volonté de supprimer la prime à l’autoconsommation, elle l’appelle donc à maintenir dans le budget 2025 la proposition d’’abaissement de la TVA à 5,5 % sur les installations résidentielles équipées d’un dispositif de stockage d’énergie par batterie ou d’un dispositif de pilotage de la consommation du logement, comme ce qui avait été proposé dans un amendement. Le pilotage permettra ainsi de maximiser l’autoconsommation par le ménage, réduisant d’autant l’électricité réinjectée sur le réseau et donc les CSPE associées au tarif d’achat du surplus. De son côté, Effy propose également comme alternative de maintenir la prime à l’autoconsommation résidentielle mais de réduire la durée de l’obligation d’achat du surplus, aujourd’hui fixée à 20 ans. A long terme, cette proposition permettrait de générer une économie de CSPE supérieure à la suppression de la prime.

« Dans ces temps incertains, nous devons aussi nous préparer au “coup d’après” et repenser nos modèles », poursuit Xavier Daval. Lors des Universités d’Hiver du photovoltaïque 2025, plusieurs thématiques ont ainsi mises sur la table et doivent désormais faire l’objet d’une réflexion commune : comment produire moins chez pour anticiper la fin prévisible des soutiens publics et comment mieux envisager le partage de la valeur entre tous les acteurs ?

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