La concertation publique nationale sur le projet de révision de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3) pour la période 2024-2028 s’est achevée le 16 décembre 2024. Si la date de publication de la PPE3, déjà très en retard, n’est pas encore en vue, l’examen des cahiers d’acteurs adressés par les représentants (syndicats, entreprises, associations…) de la filière des énergies renouvelables sont riches en propositions à étudier pour permettre à la filière de se continuer à se développer. pv magazine France s’est penché sur certaines d’entre elles.
Les objectifs pour le photovoltaïque
Dans sa première mouture, la PPE3 fixe un objectif de 54 à 60 GW de photovoltaïque en 2030 et de 75 à 100 GW en 2035, soit un rythme annuel de 5,5 à 7 GW. La plupart des entreprises et organisations du PV se disent satisfaites, mais certains comme Hespul, France Nature Environnement (FNE) ou Enerplan insistent sur le fait que « ces objectifs doivent être considérés comme des planchers à atteindre a minima et non comme des plafonds ». Atlansun, syndicat des professionnels dans le Grand Ouest, estime pour sa part que les objectifs sont complètement réalisables : « La dynamique actuelle de la filière permettrait déjà d’atteindre 75 GW en 2035 », souligne-t-il.
A l’inverse, EDF voit dans ces objectifs à horizon 2035 un déséquilibre de l’offre et de la demande. « La fourchette évoquée, a fortiori sa borne haute de 100 GW en 2035, nous apparait significativement trop élevée à cet horizon, écrit l’énergéticien. Un tel niveau conduirait à déséquilibrer le mix de production électrique français et l’adéquation offre/demande. En particulier, les débouchés du parc nucléaire se réduisent d’ores et déjà ; ainsi, les fortes variations de puissance demandées au parc, sur de courtes durées, font apparaître des contraintes, sur les équipements et sur les organisations, jamais rencontrées jusqu’alors. Il en résultera par ailleurs une augmentation du coût agrégé du système électrique au détriment de la collectivité ».
L’Académie des sciences met à son tour en garde contre la « baisse des moyens de production pilotables et à l’augmentation des EnR non pilotables, qui pourraient induire un énorme besoin de transfert, de l’ordre de 60 TWh, qui ne pourrait pas être assuré par la flexibilité de la demande, les interconnections européennes et le stockage (batteries, STEP…) », peut-on lire dans le document.
La ventilation par segment de marché fait débat
La ventilation par segments de marché fait également débat. Pour l’heure, le texte évoque 55 % des volumes pour les petites et moyennes toitures, 10 % pour les petites installations au sol et 35 % pour les grandes installations, dont 70 % au sol et 30 % en toiture. Pour France Renouvelables, « l’enjeu serait de tendre vers une répartition entre centrales au sol (55 %), toitures (35 %) et autoconsommation (10 %) pour valoriser le segment de marché le plus compétitif ». A l’inverse, pour le producteur Iberdrola, il semble indispensable d’exclure les installations en autoconsommation dans la mesure où le marché a pour vocation à être autoporté. Mais comme on peut le lire dans le cahier d’acteurs d’Enerplan, le syndicat estime que cette répartition précise « est prématurée et qu’elle devra être revue avec les acteurs ».
Revoir les appels d’offres
De très nombreux acteurs ont aussi profité de la concertation publique sur la PPE3 pour faire des propositions d’évolution concernant les appels d’offres PV. « Un MW sélectionné en appel d’offres ne signifie pas un MW construit, rappelle ainsi le développeur Valorem. Le décret PPE doit donc prévoir dès la première année des AO couvrant plus d’un cinquième des objectifs nationaux pour anticiper les retards et les échecs de projets ». L’entreprise propose également de mettre en place un système permettant de financer les projets non retenus pour un surcoût minimal (1 à 2 euros/MWh).
De son côté, Energies renouvelables pour tous suggère de « régionaliser les appels d’offres pour une meilleure répartition géographique, ce qui permettrait de réduire les délais de raccordement et les coûts de renforcement du réseau ». Enfin, Photosol estime qu’il faudrait créer un appel d’offres spécifique pour l’agrivoltaïsme et fournir une circulaire aux Commission Départementale de Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (CDPENAF).
La CRE se positionne pour l’introduction dans les appels d’offres de critères relatifs aux enjeux industriels et territoriaux, comme cela est prévue dans le mise en œuvre du règlement européen NZIA. « La PPE devra par ailleurs tenir compte dans la fixation des objectifs de développement par filière d’un calendrier réaliste permettant aux filières de se préparer à la montée en cadence. Cela est notamment particulièrement vrai pour la filière photovoltaïque pour laquelle un doublement du rythme annuel de développement est prévu », note l’autorité.
Quelles ambitions pour l’agrivoltaïsme ?
L’agrivoltaïsme fait l’objet de plusieurs réactions et suggestions de la part d’acteurs. A commencer sur les objectifs-cibles. France Agrivoltaïsme table ainsi sur 20 GW installés dès 2030 et 45 GW d’ici à 2035, au rythme de 2 GW en 2025, 3 GW entre 2026 et 2028 et 4 GW entre 2029 et 2031. Selon l’organisation, cela correspondrait à environ 90 000 hectares, soit 0,3 % de la Surface agricole utile (SAU). De son côté, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) défend la faisabilité de 50 000 hectares, soit environ 25 GW. A l’heure actuelle, l’ensemble des projets en développement dans l’agrivoltaïsme en France totalisent environ 26 GW.
« Le scénario de 20 GW dès 2030 et de 45 GW d’ici à 2035 conduit à générer une recette fiscale locale (Imposition Forfaitaire sur les Entreprises de Réseaux d’énergie, IFER) de 58 millions d’euros pour 2030 et 122 millions d’euros pour 2035, poursuit France Agrivoltaïsme. En prenant l’hypothèse d’un loyer moyenne de 2 000 euros/hectares, les revenus annuels versés aux exploitants agricoles seraient de 84 millions d’euros en 2030 et 180 millions d’euros en 2035 ». D’où la question majeure, soulevée par de nombreux acteurs de l’agri-PV, de la juste répartition entre les agriculteurs et les producteurs d’électricité, mais aussi entre exploitations agricoles elles-mêmes.
Une meilleure répartition géographique et de la valeur
Pour favoriser un accès aux bénéfices apportés par les EnR et une répartition soutenable de leurs impacts, l’association Hespul, œuvrant pour la transition énergétique dans les territoires, préconise « la mise en place d’une modulation tarifaire géographique, permettant de garantir une rentabilité suffisante mais non excessive quelle que soit la zone d’implantation ».
De son côté, le syndicat régional Atlansun insiste également sur l’intérêt des projets locaux : « la compétitivité du solaire est souvent évaluée au regard de l’économie d’échelle. Or, en 2023, les petites et moyennes installations ont représenté 75 % de la puissance raccordée et la baisse du kWh se poursuit. Les petits projets génèrent davantage de retombées (emploi, économie) et améliorent l’acceptation. en fin, la valorisation en circuit court permet de réduire le soutien financier public et de contribuer au réseau et finances publiques (TURPE, Accise, TVA) ». Pour finir sur ce thème, plusieurs acteurs suggèrent la création d’une clé de répartition de la valeur pour le partage des retombées (territoires, SPCI).
Quid du stockage ?
« Le projet de PPE identifie les batteries et les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) comme des flexibilités complémentaires à la flexibilité de la demande. La CRE partage l’importance du développement de ces outils de flexibilités, indique l’autorité dans son cahier d’acteur. La PPE prévoit que les moyens de stockage par batterie puissent se développer sans soutien de l’Etat, ce qui est cohérent avec les analyses menées par la CRE et son comité de prospective, dans le cadre notamment du rapport sur la flexibilité et le stockage sur les réseaux d’énergie d’ici les années 2030, qui concluent que le stockage par batterie sera rentable à court terme et pourra fournir une flexibilité quotidienne ou infra-quotidienne ».
Pour autant, quasiment tous les représentants de la filière déplorent l’absence d’objectifs sur le stockage et plus largement sur les batteries. « Ces solutions jouent néanmoins un rôle crucial pour répondre aux besoins de pilotage et d’équilibrage, tout en renforçant le réseau », abonde le développeur et producteur Corsica Sole. Une remarque également reprise par l’Académie des sciences : « Il est étonnant que le stockage inter-saisonnier, le plus critique, ne soit pas abordé ».
Fixer des objectifs chiffrés apporterait pourtant de la visibilité pour rassurer le marché. « La PPE doit prévoir des objectifs de développement du stockage par batteries afin de tester les modèles économiques pertinents, argument France Renouvelables, qui rassemble plus de 360 membres, professionnels des énergies renouvelables électriques en France. En effet, seul un objectif chiffré sera de nature à donner de la visibilité aux acteurs du marché (développeurs, producteurs, agrégateurs…). Ainsi, France renouvelables recommande un objectif de 6 GW en 2030 et 10,5 GW en 2035 ».
NB : cet article n’a pas vocation à présenter tous les points de vue déposés dans le cadre de la concertation nationale. Il s’agit d’une sélection représentative réalisée par pv magazine France.
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