Autrefois associé à la spéculation financière, le solaire en toiture est désormais essentiellement orienté vers l’autoconsommation pour réduire les coûts d’électricité. Et les ménages français l’ont bien compris ! Entre 2022 et 2024, le nombre d’installations ≤ 36 kW en autoconsommation a triplé pour représenter 2,5 GW de capacité au troisième trimestre 2024, soit 61 % de plus qu’à la même période en 2023. Près de 600 000 foyers produisent et consomment aujourd’hui leur électricité solaire en France.
Les aides de l’État, via le tarif d’achat et la prime à l’autoconsommation, sont des piliers de l’attrait des particuliers pour cet investissement qui fait d’autant plus sens que la filière s’est dotée d’un réseau robuste d’installateurs labellisés et d’associations citoyennes pour les énergies renouvelables. La baisse des prix des dispositifs solaires, relativement absorbée par la hausse des taux d’intérêt et par la difficulté à obtenir un emprunt, a toutefois permis une large démocratisation des panneaux solaires en toiture. De 7 500 euros pour un 3 kW à quelque 20 000 euros pour 9 kW, une installation photovoltaïque en autoconsommation se rentabilise désormais entre 10 et 15 ans, voire moins dans un contexte de crise énergétique.
Mais alors, avec près de 18 millions de propriétaires (60 % des ménages français), pourquoi la France reste à la traîne par rapport à ses voisins ? Sa voisine l’Allemagne compte près de 60 GW de solaire installé en toiture en 2024 (les deux tiers de sa puissance totale) pour une pénétration du solaire résidentiel de près de 15 %. L’Espagne a dépassé les 7 GW en autoconsommation cette année et les Pays-Bas affichent une pénétration du solaire résidentiel d’environ 30 %. De quoi faire rêver…
Une perception d’un risque trop élevé
Pour Joël Mercy, président du Groupement des Producteurs Particuliers d’Energie Photovoltaïques (GPPEP), les escroqueries et les pratiques douteuses continuent d’entraver la filière française. Sur 14 000 adhérents, l’association en compte environ 3 000 en procédure juridique. Si ce chiffre est peu parlant au regard des 500 000 producteurs photovoltaïques particuliers en France, il donne tout de même une information : une économie parallèle existe. Rares sont les personnes n’ayant pas encore été démarchées au téléphone par un organisme se revendiquant d’une maison de l’habitat ou commissionné par une grande entreprise pour un devis rapide – et souvent non chiffré.
Grâce au travail des organismes qualificateurs, on ne voit toutefois presque plus d’installations défaillantes : les fraudes portent aujourd’hui plutôt sur des pratiques commerciales abusives comme des surfacturations, des délais de rétraction non respectés ou des promesses contractuelles non tenues. Et quand on plonge dans les affaires en cours, on constate même que certains cabinets d’avocats se sont spécialisés sur ces procédures, utilisant des pseudo-associations de défense de consommateurs comme des « apporteurs d’affaires ».
Pour Hadrien Gerard, de la Fédération Française du Bâtiment (FFB) Grand Est, des interventions au niveau politique sont nécessaires pour rétablir le cap. Selon lui, « les entreprises malveillantes n’opèrent généralement pas plus d’un ou deux ans avant d’être repérées par les organismes de qualification ou le Consuel, mais cela suffit à infliger des dommages ». Et notamment en termes de confiance dans le photovoltaïque. Car malgré des améliorations notables, la méfiance persiste. Elle est notamment liée à la perception d’un risque élevé qui est naturellement mis en balance avec un coût de l’électricité encore relativement bas.
Tenant la barre au niveau local, les associations citoyennes comme le GPPEP, Hespul (photovoltaïque.info) ou les Centrales Villageoises permettent de diffuser une information fiable, de démystifier la démarche et d’informer les citoyens intéressés à la production d’énergie verte.
L’impulsion locale ?
Aujourd’hui, le secteur de la petite installation solaire en toiture représente donc, au-delà de l’enjeu d’emploi local, un vecteur de promotion de l’énergie solaire auprès des ménages. Les équipes d’installation, généralement constituées d’artisans de la région, ne travaillent pas seulement à connecter une installation électrique : elles échangent avec le particulier, montent sur sa toiture, répondent à ses questions et peuvent même le conseiller en fonction de ses besoins et de ses attentes. L’argument du panneau français fait aussi son chemin dans les ménages.
Pour rassurer les futurs producteurs d’énergie solaire, le GPPEP a pris le taureau par les cornes et développé une approche systématique ciblée, en partenariat avec les mairies. Son projet de parcours sécurisé a déjà séduit plusieurs communes dans le sud de la France. En février 2023, la première opération à Escource a permis d’équiper 27 ménages, soit environ 7 % des 410 familles résidentes – sachant qu’une grande partie du parc immobilier local était déjà solarisée. « Au prorata des propriétés résidentielles françaises, sur une moyenne de 3 kW par installations, cela représenterait quelque 4 GW d’énergie solaire à déployer », se réjouit Joël Mercy.
« Le problème ne tient pas à un prix de l’électricité trop bas mais à la perception d’un prix stable par rapport aux autres pays. »,
Le concept vise à diminuer la facture d’achat d’une centrale photovoltaïque par une commande groupée tout en sécurisant le parcours du futur producteur grâce à la maîtrise d’œuvre de l’association qui sélectionne les installateurs locaux. L’approche a convaincu la métropole du Grand Poitiers, qui lance le projet cette année pour accompagner sa politique visant à « massifier la production locale d’énergie renouvelable tout en diminuant la facture énergétique et l’empreinte environnementale ».
La collaboration avec les collectivités locales est aussi un champ d’action nécessaire pour surmonter les difficultés liées aux zones dites ABF (Architectes des Bâtiments de France) dans lesquelles un avis favorable de l’institution est demandé. Même s’il n’est pas contraignant, l’avis ABF est quasi systématiquement suivi par les maires. « Les préconisations ABF ne sont pas encore à jour sur tous les territoires et on se retrouve parfois avec des refus ressentis comme des oppositions de principe », regrette Clara Trevisiol, co-fondatrice de l’entreprise d’installation Monabee.
La filière demande donc des allégements de procédures. « Si l’on veut que ça marche, il faut que ce soit simple », tanne Joël Mercy. A commencer par la TVA. Aujourd’hui, seules les installations ≤ 3 kW peuvent bénéficier d’une réduction de TVA, à 10 % pour les panneaux. Le GPPEP, mais il n’est pas le seul, demande à ce que toutes les installations passent à 5,5 %, un barème connu dans le secteur du bâtiment et qui ferait sens pour déployer des plus grandes installations résidentielles. Une TVA minorée, et donc irrécupérable, qui permettrait aussi de contourner les arnaques à la récupération de TVA, assez fréquentes sur le terrain…
Instabilité administrative
Ailleurs, cela fonctionne. En Allemagne ou en Autriche, le régulateur a passé à 0 % la TVA sur l’autoconsommation. Toujours en Allemagne, le Solarpaket I, adopté en août 2023, a simplifié l’enregistrement des installations de panneaux solaires sur les balcons des bâtiments résidentiels. Résultat : 220 000 nouvelles installations solaires en plug and play (soit l’équivalent de 200 MW) ont été enregistrées rien qu’au premier semestre 2024. Sur ce point, la France a déjà un temps d’avance puisque seule la signature d’une convention d’autoconsommation sans injection avec Enedis est nécessaire – en plus d’une déclaration en mairie dans les zones ABF.
Si certains de ces kits solaires sont à la limite des normes électriques françaises, qui prévoient la consommation mais pas la production des dispositifs connectés, ils demeurent un intéressant outil pédagogique pour intéresser les ménages au photovoltaïque : ils sont abordables, faciles d’utilisation et permettent de créer des mécanismes de transfert des usages vers les moments de production solaire. Leur déploiement progressif en France montre une volonté d’équipement, notamment pour les ménages encore non-propriétaires qui peuvent ainsi tester l’iintérêt d’une installation solaire sur leur facture électrique.
« Les déclarations du gouvernement sur une hypothétique baisse du prix de l’énergie en 2025 sont désastreuses pour le secteur », regrette Clara Trevisiol. Les particuliers regardent le montant de leur facture à la fin du mois. Si on leur promet qu’elle va baisser, ils ne perçoivent pas d’intérêt à changer leur manière de consommer. Dans un contexte où le pouvoir d’achat continue de se fragiliser, avec des taux d’intérêt en hausse et une inflation grimpante, débourser 5 à 20 000 euros pour acheter un système photovoltaïque n’est intéressant que si l’on est sûr de faire de grosses économies sur les factures d’électricité grâce à nos électrons auto-produits.
L’Espagne : un cas d’école
En fait, le problème ne tient pas à un prix de l’électricité trop bas mais à la perception d’un prix bas et stable par rapport aux autres pays. Et les annonces gouvernementales floues entretiennent la confusion entre tarifs de l’électricité, montant de la facture et prix de l’énergie. Pourtant, la fin du bouclier tarifaire, la hausse des taxes pour maintenir et développer le réseau et les prix de l’énergie toujours hauts par rapport à l’avant-crise énergétique ne vont pas faire baisser les factures. Au contraire.
Si, dans ce contexte, le solaire pourrait tirer son épingle du jeu grâce à sa rentabilité naturelle, l’instabilité réglementaire des derniers mois a tendance à retarder la prise de décision chez les particuliers, même intéressés : ils attendent de voir quel sera le meilleur moment et segment pour investir. Or, pour l’autoconsommation, le recul franc de la prime à l’investissement depuis 2023 est un « mauvais signal, qui pose question aux personnes envisageant de s’équiper » souligne Joël Mercy. Et pour soutenir l’investissement, les installateurs demandent l’intégration du solaire au dispositif « éco-prêt à taux zéro », en accord avec le soutien des autres branches de rénovations énergétiques.
Les batteries en perspective
Reste que le tarif d’achat du surplus promet une stabilité de prix appréciée des producteurs, qui peuvent estimer l’amortissement de leur investissement. Il reste stable, à 12,7 c€/kWh au quatrième trimestre 2024 et la filière a même obtenu une revalorisation du prix en fonction de l’inflation. Pour la suite, les Pays-Bas laissent imaginer ce que pourrait être l’autoconsommation sans tarifs d’achat : la perspective de suppression progressive du système de facturation nette à partir de 2027 est accompagnée, dès 2025, d’enveloppes de subventions, notamment pour le stockage couplé au photovoltaïque qui sera destiné à soutenir le réseau.
« Le produit va bientôt devenir la batterie associée au solaire », estime André Joffre, président du bureau d’études Tecsol. Selon lui, la baisse des prix sur les dispositifs de stockage pourrait même suivre la tendance constatée sur les panneaux solaires et souffler un vent de nouveauté sur l’autoconsommation. Les bornes de recharges bidirectionnelles, déjà observées dans certaines opérations innovantes, devraient se démocratiser et changer la donne en augmentant drastiquement le taux d’autoconsommation. La tendance s’observe déjà : les installations ≤ 36 kW équipées de batteries ont bondi de 75 % cette année, représentant près de 15 000 foyers – sans compter les dispositifs « plug and play ». Affaire à suivre…
Edition spéciale de pv magazine France
Ce contenu est protégé par un copyright et vous ne pouvez pas le réutiliser sans permission. Si vous souhaitez collaborer avec nous et réutiliser notre contenu, merci de contacter notre équipe éditoriale à l’adresse suivante: editors@pv-magazine.com.
En transmettant ce formulaire vous acceptez que pv magazine utilise vos données dans le but de publier votre commentaire.
Vos données personnelles seront uniquement divulguées ou transmises à des tierces parties dans une optique de filtre anti-spams ou si elles s’avèrent nécessaires à la maintenance technique du site web. Un transfert de vos données à des tierces parties pour toute autre raison ne pourra se faire que s’il est justifié par la législation relative à la protection des données, ou dans le cas où pv magazine y est légalement obligé.
Vous pouvez révoquer ce consentement à tout moment avec effet futur, auquel cas vos données personnelles seront immédiatement supprimées. Dans le cas contraire, vos données seront supprimées une fois que pv magazine aura traité votre requête ou lorsque le but du stockage des données est atteint.
Pour de plus amples informations sur la confidentialité des données, veuillez consulter notre Politique de Protection des Données.