Amsterdam autorise les panneaux solaires visibles sur bâtiments historiques et crée le débat

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Faut-il toucher au patrimoine historique dans le cadre de la rénovation énergétique urbaine ? La question se posera très concrètement en 2025 à Amsterdam. Et pour cause. Comme plusieurs villes néerlandaises avant elle, la « Venise du Nord » veut assouplir les règles qui encadrent les travaux et les équipements dans les zones urbaines protégées avec, en ligne de mire, le développement du solaire en remplacement du gaz. La ville d’Amsterdam a des objectifs ambitieux en matière d’énergie : elle veut être neutre sur le plan climatique d’ici à 2050 et ne plus consommer de gaz naturel d’ici à 2040.

Alors, en juin 2024, la Mairie a autorisé l’installation de panneaux solaires visibles sur les monuments et bâtiments des zones urbaines protégées. Elle a également prévu de faciliter l’installation de panneaux solaires et de pompes à chaleur en mettant en place des exemptions de permis et des procédures accélérées sur certains travaux – les permis ne sont déjà nécessaires que pour les zones et bâtiments historiques.

Le plan énergétique solaire vise d’abord les grandes toitures, les terrains municipaux, les parkings, les zones industrielles comme le port d’Amsterdam et « les terrains disponibles de manière permanente ou temporaire, tels que les nouvelles îles de Strandeiland et Buiteneiland ». Mais avec un centre historique classé au patrimoine de l’UNESCO, difficile de faire l’impasse sur les 9 800 monuments nationaux et municipaux de la ville et sur les nombreux bâtiments qui s’inscrivent dans des « paysages urbains protégés », comme la fameuse ceinture de canaux.

Un plan énergétique articulé

« À la fin de la période administrative [en 2026], au moins 350 MW de capacité d’énergie solaire auront été réalisés, ce qui permettra d’atteindre l’objectif de 550 MW en 2030 », explique le conseil municipal dans sa feuille de route Our City of Tomorrow et publié en juin dernier. En 2023, Amsterdam accueillait déjà plus d’un million de panneaux solaires répartis dans 120 000 foyers, pour une capacité totale d’environ 250 MW.

La Ville entend poursuivre les services d’accompagnement actuels qui comprennent des conseils gratuits, des prêts à taux réduits et des subventions. Elle veut aussi poursuivre les efforts pour soutenir le développement des communautés énergétiques, la propriété locale, la lutte contre la pauvreté énergétique, la circularité et l’innovation.

« Dans les quartiers typiques d’Amsterdam, la consommation d’énergie est d’environ 70 % pour le chauffage et 30 % pour l’électricité. C’est pourquoi nous ne nous concentrons pas uniquement sur l’électricité, mais aussi sur le chauffage et la climatisation, explique Maarten Verkou, ingénieur de recherche à la TU Delft et développeur de logiciels chez PV Works dans le cadre de la restitution du programme de recherche The Hanging Fruit, le 6 septembre dernier. Dans le quartier à énergie positive d’Amsterdam, où l’espace est limité, la combinaison de panneaux photovoltaïques (PV) et de systèmes solaires thermiques (appelés systèmes PVT) est une option très efficace, surtout si l’on considère la demande du quartier en matière de chauffage, de refroidissement et d’électricité ».

Des craintes pour les bâtiments classés

Certains habitants ne semblent toutefois pas sensibles à cet argument. L’association Erfgoedvereniging Heemschut qui oeuvre pour la protection du patrimoine historique urbain s’est notamment inquiétée de l’assouplissement des règles d’urbanisme. Son président, Karel Loeff, estime même que le statut de site UNESCO pourrait être mis en péril : « les règles concernant le patrimoine mondial sont très strictes. Il s’agit d’une question d’authenticité, également dans l’aménagement des toits. »

Comme ailleurs, l’aspect esthétique des panneaux alimente le débat : « Ces panneaux solaires sont vraiment laids et ils ne devraient pas être autorisés sur les toits visibles depuis le canal, a-t-il déclaré aux médias, cela gâcherait clairement la vue de ce que vous pouvez voir maintenant et notamment ces magnifiques pignons d’origine du XVIIIe siècle. »

Les arguments de la Ville, qui promet « des règles sur la couleur des panneaux et la façon dont ils sont installés », n’ont pas non plus convaincu l’Association des Amis du Centre-ville d’Amsterdam (VVAB) qui espère que l’Agence du patrimoine culturel néerlandaise (RCE) ou que l’UNESCO s’opposeront finalement au conseil municipal.

En 2023, les Pays-Bas, via justement la RCE, ont tablé sur un objectif de réduction des émissions de CO2 des monuments nationaux, provinciaux et municipaux de 40 % en 2030 et de 60 % en 2040. La même année, l’Organisation des villes du patrimoine mondial intimait à « étudier si et comment les valeurs du patrimoine mondial et le désir d’installer des panneaux solaires sur les toits peuvent être combinés ». Nous sommes en plein dedans !

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