Depuis l’annonce du retour du portefeuille énergétique dans le giron du ministère de l’économie suite au remaniement ministériel, plusieurs acteurs de la filière des renouvelables ont exprimé leurs inquiétudes, Bruno Le Maire, nouveau ministre de tutelle, étant connu pour ses positions pro-nucléaire.
« Au moment où les maires doivent travailler sur des zones d’accélération des renouvelables, où se prépare la planification de l’éolien en mer, où des investisseurs s’interrogent sur le fait de soutenir de futures gigafactories françaises, les signaux depuis le début de l’année ne sont clairement pas positifs », a ainsi déclaré à l’agence de presse AFP Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), faisant également référence à l’avant-projet de loi sur la souveraineté énergétique dans lequel aucun objectif n’est cité pour le solaire et l’éolien. Pour lui, la suppression du ministère de la Transition énergétique est donc « un mauvais signal quant au volontarisme politique sur la transition énergétique ».
Retour en arrière pour Greenpeace
En effet, le portefeuille de l’énergie, historiquement rattaché aux ministères de l’Industrie et de l’Économie, avait été placé en 2007 sous la tutelle du ministère de l’écologie suite au Grenelle de l’Environnement, actant ainsi le fait que l’énergie intégrait aussi des enjeux climatiques plus globaux. « Le passage du secteur de l’énergie sous le ministère de l’économie est un scandaleux retour en arrière et une nouvelle illustration que la politique énergétique des gouvernements d’Emmanuel Macron se résume à une obsession de la relance du nucléaire, quoi qu’il en coûte », souligne l’ONG Greenpeace sur son site internet. Le numéro 2 du gouvernement a notamment défendu l’intégration du nucléaire dans la taxonomie verte de l’Union européenne ou encore la volonté d’Emmanuel Macron de doter la France de six EPR supplémentaires.
En visite dans la centrale nucléaire de Gravelines le 15 janvier et répondant aux craintes, Bruno le Maire a toutefois tenu à exprimer son soutien aux énergies renouvelables. « Je veux couper court aux polémiques : ce n’est pas parce que je défends le nucléaire que je ne suis pas résolument engagé dans la réalisation de nos programmes en matière d’énergies renouvelables. Bien entendu que je considère que les champs d’éoliennes offshore, les panneaux photovoltaïques, tout ce qui doit permettre de diversifier notre approvisionnement d’électricité décarbonée est le bienvenu et bénéficiera de mon soutien », a-t-il déclaré, omettant volontairement l’éolien terrestre.
Quid du sort de la DGEC ?
Sur son blog, Arnaud Gossement, avocat et professeur associé à l’université Paris I, a tenu à rappeler que du point de vue strictement juridique, « la politique énergétique et climatique procède, pour l’essentiel, d’objectifs et de principes définis en droit de l’Union européenne ». Par ailleurs, il souligne que, sur le plan économique, les énergies renouvelables connaissent un succès croissant, dans le monde. « Il n’est donc pas certain que la nouvelle organisation de l’appareil administratif, marquée par le souhait du président de la République de procéder à une “relance” de l’énergie nucléaire en France se traduise immédiatement par une modification de l’équilibre des sources d’énergie électrique, tel qu’organisé notamment par la directive RED III du 18 octobre 2023 que l’Etat français doit transposer », estime l’avocat.
Selon lui, cette réorganisation qui décorrèle désormais énergie et climat pose toutefois des questions, à commencer par la répartition des compétences de la DGEC (Direction de l’énergie et du climat), qui pourrait être rattachée à Bercy. Les décrets d’attribution, dont la parution est attendue pour la semaine prochaine, détailleront la répartition de ses différents métiers entre les ministères.
« Du côté des reculs, nous regrettons également la dégradation protocolaire du ministère de la transition écologique [porté par Christophe Béchu] qui est placé en avant-dernière position des ministères de plein exercice. Symboliquement, cela marque clairement le recul de la priorité environnementale au cours de ce second mandat d’Emmanuel Macron », écrit pour sa part l’association France Nature Environnement (FNE) qui poursuit : « nous serons très attentifs à ce que le ministère en charge de l’écologie ait les moyens de sa politique, avec un périmètre large intégrant l’énergie, le logement, les transports, la mer… et l’encadrement des services ministériels correspondants. Il est absolument essentiel que la Direction Générale de l’Energie et du Climat lui reste rattachée ».
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