Pour développer l’énergie photovoltaïque en France, les régions, départements et communes mettent actuellement en place des plans solaires afin de remplir leurs objectifs en matière de production d’énergies renouvelables. Par exemple, Heol Breizh, la feuille de route solaire de la Bretagne dévoilée en décembre 2022 prévoit, entre autres, qu’à horizon 2027, un tiers des consommations électriques des lycées publics bretons sera couvert par le photovoltaïque. En Normandie, c’est via le dispositif IDÉE que les collectivités locales et leurs groupements peuvent bénéficier de soutien financier pour les projets de production d’EnR dont le photovoltaïque. Dans le Rhône (69), 60 sites et bâtiments départementaux sont déjà fléchés pour accueillir des panneaux photovoltaïques.
Pour aiguiller les entités adjudicatrices d’un marché de fournitures ou de travaux d’installations ou d’équipements de production ou de stockage d’énergies renouvelables, la loi d’accélération des énergies renouvelables, adoptée en janvier 2023, fournit, avec son article 90, un cadre autour de l’achat des panneaux photovoltaïques (voir ci-dessous).
Article 90 de la loi d'accélération des EnR
II. – Le I s’applique également à la procédure de mise en concurrence prévue à l’article L. 311-10 du code de l’énergie.
« L’article n°90 permet aux collectivités qui le souhaitent, de valoriser la production locale et de ne plus subir la domination chinoise qui propose des panneaux solaires à très bas prix et dont l’empreinte carbone est plus conséquente. Pour rappel, comme en a fait état l’Ademe en 2021, « l’empreinte carbone de panneaux produits en Chine est de 43,9 gCO2eq/kWh, de 32,3 gCO2eq/kWh pour une production européenne, et de 25,2 gCO2eq/kWh pour une production française », commente Lucas Weiss, Directeur Général du fabricant français Voltec Solar.
Conditions d’application
Afin de comprendre un peu plus en détail les modalités d’application de cet article, pv magazine France a interrogé Laurence Duriez et Sébastien Canton, avocats spécialisés en énergies renouvelables au sein du cabinet BMH Avocats. Selon eux, l’article mérite en effet d’être précisé sur certains points.
Les deux experts nous indiquent que cet article est issu des amendements parlementaires (Assemblée nationale) nos 1681 et 1682 et des sous-amendements nos 3240, 3241 et 3245. Il ressort de la lecture de l’amendement et du compte rendu de la deuxième séance de l’Assemblée nationale du 15 décembre 2020 (JO, p. 7203 et suivantes) que cet amendement avait pour objectif de « favoriser la structuration de filières industrielles françaises pour la production d’installations et d’équipements de production d’énergies renouvelables en excluant des marchés publics de fourniture et de travaux afférents, les équipements et installations produites dans des États n’offrant pas de conditions de réciprocité quant à l’ouverture de leurs propres procédures de commande publique ».
Produits asiatiques, mais pas uniquement
L’idée est de développer la prise en compte de critères environnementaux et sociaux dans la commande publique. L’amendement ne visait donc pas spécifiquement le matériel fabriqué en Chine. L’exposé sommaire de l’amendement no 1682 mentionne les « produits chinois ou indiens » et, à l’occasion de la séance de l’Assemblée nationale du 15 décembre 2022, c’est plus globalement le « matériel américain ou asiatique qui a été évoqué ». L’Inde y est également citée comme pays interdisant aux pays européens de vendre des canalisations sur son territoire.
Sont concernés par cet article tous les Etats non-membres de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen et tous les autres Etats n’ayant pas signé d’accord comportant des engagements d’ouverture des marchés publics conclus avec l’Union européenne, c’est-à-dire l’ensemble des pays qui ne figurent pas dans l’une des trois listes visées aux pages 4 et suivantes de cette fiche technique de la Direction des affaires juridiques du Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. La Chine ne figure pas dans ces listes et est donc bien « dans le viseur » de l’article 90, mais ce pays n’est pas le seul.
Si le texte proposé par l’amendement no 1682 indiquait que « lorsqu’une offre présentée dans le cadre de la passation d’un marché de fournitures ou de travaux d’installations ou d’équipements de production ou de stockage d’énergies renouvelables, au sens de l’article L. 211-2 du code de l’énergie, par une entité adjudicatrice contient des produits originaires de pays tiers avec lesquels l’Union européenne n’a pas conclu, dans un cadre multilatéral ou bilatéral, un accord assurant un accès comparable et effectif des entreprises de l’Union européenne aux marchés de ces pays, ou auxquels le bénéfice d’un tel accord n’a pas été étendu par une décision du Conseil de l’Union européenne, celle-ci est rejetée comme étant irrégulière au sens de l’article L. 2152-2 », le texte de l’article 90 de l’article indique qu’une telle offre peut être rejetée. Il s’agit donc d’une possibilité et non d’une obligation et, surtout, il n’est pas possible d’interdire les panneaux chinois « de but en blanc » dans le cahier des charges de l’appel d’offres. C’est seulement dans un deuxième temps que l’offre comportant ce type d’équipements peut être rejetée.
Par ailleurs, seules les « entités adjudicatrices » sont visées à l’article 90. S’agissant les collectivités territoriales, cela ne concerne donc, en application de l’article L. 1212-1, 1° du Code de la commande publique, que celles qui exercent des activités d’opérateurs de réseaux au sens de l’article L. 1212-3 du Code de la commande publique, ce qui restreint donc le champ d’application de la disposition.
Enfin, l’article 90 autorise les entités adjudicatrices à rejeter comme irrégulières les offres contenant majoritairement des produits originaires de ces pays. Par conséquent, même si les panneaux représenteront sans doute, dans la plupart des cas, l’essentiel des équipements fournis dans le cadre des offres remises, il faudra néanmoins pouvoir le justifier.
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