D’après pv magazine international.
L’entreprise Vulcan Energy, installée en Australie, a annoncé la fabrication d’hydroxyde de lithium à 57,1 %, surpassant ainsi les caractéristiques de la qualité batterie (56,5 %) exigées par les acheteurs.
Vulcan travaille actuellement à son projet pilote en Allemagne, dans la vallée du Rhin supérieur, l’une des principales sources de géothermie en Europe. Le concept mis au point par l’entreprise pour produire du lithium « zéro carbone » consiste à recourir aux technologies bien implantées de la géothermie pour extraire la saumure riche en lithium dans le Rhin supérieur, puis à créer l’hydroxyde de lithium final à l’aide de l’électrolyse du lithium, une technique plus novatrice.
Étant donné que l’extraction du lithium, de loin le matériau de stockage de l’énergie le plus apprécié sur la planète, est malheureusement très dommageable pour l’environnement, la promesse de Vulcan d’une extraction de « lithium vert » a déjà valu à l’entreprise de conclure des contrats avec d’importants constructeurs automobiles. Désireuse de s’assurer des approvisionnements pour la transition des véhicules à essence aux voitures électriques, Stellantis, qui possède des marques telles que Peugeot, Citroën, Fiat, Chrysler et Opel, a annoncé en juin dernier une prise de participation de 77 millions d’euros dans Vulcan. Cette dernière a également conclu des contrats de vente avec, entre autres, LG Energy Solution, Volkswagen, Reno et Umicore, le spécialiste belge des cathodes de batterie.
En ce qui concerne la manière dont l’entreprise a produit son dernier lot d’hydroxyde de lithium de haute qualité et à faible impureté, Vulcan explique que le chlorure de lithium a été extrait par un sorbant dans son usine pilote, récupéré avec de l’eau et envoyé hors site, « où il a été purifié et concentré par un fournisseur tiers pour préparer le chlorure de lithium pour l’électrolyse afin de produire une solution d’hydroxyde de lithium. La solution a ensuite été cristallisée pour produire de l’hydroxyde de lithium monohydraté de qualité batterie ».
« La chaleur renouvelable incorporée dans notre saumure nous permet d’utiliser la sorption, une méthode commercialement éprouvée d’extraction du lithium à partir de saumures qui nécessite de la chaleur, a précisé Francis Wedin, PDG de Vulcan. La sorption est un processus très sélectif donnant un produit LiCl [chlorure de lithium] de très haute pureté. Celui-ci permet à son tour d’utiliser l’électrolyse du lithium pour produire directement de l’hydroxyde de lithium très pur qui surpasse la pureté exigée pour les batteries de véhicules électriques, en faisant intervenir un minimum de réactifs. »
L’usine pilote de Vulcan en Allemagne fonctionne depuis avril 2021 et dispose aujourd’hui de suffisamment de données pour achever la première phase de l’étude de faisabilité définitive de Vulcan, prévue pour début 2023. En outre, les travaux sur l’usine de démonstration de sorption en conteneur ont démarré en Allemagne, ce qui permettra de former l’équipe d’exploitation de Vulcan dans un cadre pré-commercial, avant la production commerciale prévue pour 2025.
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GEOTHERMIE PROFONDE – LITHIUM – VALLEE DU RHIN SUPERIEUR
La géothermie profonde est appliquée avec succès dans de nombreux sites à travers le monde. Les plus nombreux produisent de la chaleur à partir de puits atteignant entre -1500 et -2000 mètres.
Les sites de la vallée du Rhin supérieur avec des profondeurs de forage plus importantes, jusqu’à 5000 mètres, ont conduit ces dernières années à nombre de sinistres, séismes dépassant le niveau 4 de l’échelle de Richter qui en compte 9. Rappelons, sans être exhaustif, Bâle, St Gall, Landau, Insheim et tout récemment Vendenheim. Dans d’autres régions, Corée du sud par exemple, le 15 novembre 2017, la ville de Pohang a été secouée par un séisme de magnitude 5,4, le plus puissant de l’histoire moderne du pays, au cours duquel plusieurs dizaine de personnes ont été blessées et des dégâts au bâti pour plusieurs millions d’euros ont été constatés.
Le succès de la géothermie profonde dépend en réalité de la connaissance fine du sous sol au niveau de la cible des puits producteur et de réinjection.Le pompage produit une dépression de 25 bars, alors que la réinjection s’effectue sous une pression de 100 bars. Dans une région de failles instables comme le fossé d’effondrement Rhénan une pression de 125 bars explique l’origine des séismes. Certains sites fonctionnent pourtant avec plus ou moins de succès technique. C’est le cas lorsque la circulation de l’eau entre les pieds des 2 forages est assurée, car aboutissant dans une même faille, et permettent un équilibre entre pression et dépression. En l’absence de cette connexion, l’eau réinjectée s’accumule dans des poches avoisinantes où l’augmentation de pression explique les séismes. La meilleure illustration en est le site de Vendenheim.
Les régions parisienne et munichoise sont souvent citées comme des réussites de la géothermie profonde. C’est exact, leur bassin est constitué par une très grande dépression remplie de moraines et d’eau. La circulation entre les deux puits s’effectue naturellement. Les projets en zone volcanique, comme par exemple en Islande, ne peuvent en aucun cas servir d’exemple car très différents de la situation en notre région.
La nappe phréatique
Il faut préciser que ces évènements sont totalement déconnectés de la nappe phréatique rhénane qui circule entre 3 et 100 mètres de profondeur.Le danger pour la nappe vient de sa traversée par les forages dont le cuvelage (casing) peut être soumis à corrosion par la saumure pompée à 150°C (100g de sel par litre) ou endommagé par les séismes. La nappe rhénane est le plus important réservoir d’eau douce en Europe, sa pollution serait une véritable catastrophe.
Prospection géophysique
L’exemple de Vendenheim est caractéristique de l’état de l’art actuel. Un consortium constitué de Fonroche géothermie, le Bureau de recherches géologique et minière, l’École des mines et Electerre de France, s’est fixé comme objectif, à partir de mai 2015, de préciser le modèle structural et la profondeur de la cible du site de Vendenheim. Pour ce faire des camions vibreurs ont parcourus 100 km répartis en 7 lignes sur 28 communes. En complément 1 983 km de lignes parcourus en hélicoptère entre 300 et 500m au dessus du sol devaient permettre d’améliorer la connaissance sur la nature du socle. D’autres outils en complément, imagerie satellite et par drones, magnétisme et magnétotellurie sont venus renforcer les travaux de prospection géologique. Les conclusions de cette étude devaient permettre de maîtriser le risque de sismicité induite par la mise en place de procédures prédictives adaptées et définir les trajectoires des 2 puits.
On connaît le résultat, une succession de plus de 100 séismes plus ou moins forts entre novembre 2019 et l’interdiction de continuer le projet en 2021. Les forages de Vendenheim ont démontrés que les techniques actuelles ne permettent en aucun cas une connaissance précise de la géographie des failles et de leur connexions dans le contexte d’un fossé d’effondrement. Les deux puits n’étant pas connectés, l’eau réinjectée est allée s’accumuler dans des poches inconnues, la pression accumulée est à l’origine des séismes.
Or ce sont exactement les mêmes méthodes de prédiction qui sont actuellement utilisées dans le cadre des permis de recherches signés au printemps 2022 par la préfète du Bas Rhin pour la région de Haguenau. Il est naturellement à craindre que les résultats de ces investigations ne permettent, pas plus que pour le projet de Vendenheim, de maîtriser le risque de séismicité.
Les sinistres, plus de 3800 déclarés pour Vendenheim en France et en Allemagne, ne semblent pas avoir servis de leçon aux autorités.
Il faut noter en plus quelques statistiques, seuls 30-40 % des forages géothermiques réalisés sont productifs, de plus une réduction importante de la productivité est constatée après 5-10 ans, le casing peut perdre jusqu’à 80 % de son épaisseur en une année.(Dr. Maren Brehme, Ecole polytechnique fédérale de Zurich -ETH)
Dangers, Risques et problématiques de la recherche de lithium dans le fossé du Rhin supérieur.
Dans une étude publiée le 21/01/2022, l’Institut technologique universitaire de Karlsruhe (KIT), le professeur Valentin Goldberg, s’inquiète de l’énorme quantité d’eau nécessaire aux procédés d’extraction du lithium des milieux aqueux développés actuellement en Allemagne et en France.Des ajouts d’alcalins et d’acides sont nécessaire pour atteindre la valeur optimal du ph de 7 pour le traitement, modifiant ainsi l’analyse de la saumure rejetée par le puits injecteur. Pour la purge du produit absorbant (Aluminiumhydroxide, titanate de lithium ou autre) de très grandes quantités d’eau fraîche sont utilisées.
L’extraction de 50 % du lithium présent dans la saumure, nécessite une capacité de stockage de 60 minutes dans le réacteur. Avec un débit pompé de 80l/seconde soit 288 m3/heure et une concentration de 200 mg/lithium par litre, l’extraction de 50 % du lithium nécessite 720m3/heure d’eau fraîche pour la purge du produit absorbant. La production d’un kilo de lithium nécessite ainsi 25 m3 d’eau fraîche.
L’installation prototype de Insheim en Allemagne fonctionnant en continue pendant 24 heures produirait 691kg/jour de lithium et consommerait 17,28 m³ d’eau fraîche. L’installation industrielle prévue devrait produire annuellement 1800 tonnes de lithium nécessitant 45 millions de m³ d’eau fraîche. Celle-ci pompée dans la nappe phréatique conduirait à un abaissement important de son niveau au dépens des usages actuels, notamment des cultures, avec les risques de pollution inhérents à toute installation industrielle.
Plusieurs villes allemandes, Renchen, Buehl, Rheinmuenster, Baden-Baden, Neuried, Achern, Rheinau, Windschlaeg, se sont déclarées opposées à une installation sur leur commune. Aussi la société Vulkan a-t-elle déposée des demandes de permis de recherche du coté français pour la production de lithium en sus de celles déposées par les sociétés françaises.
Recharge en lithium.
En géothermie profonde, l’eau est réinjectée à environ 1km du puits producteur. La chaleur des roches à grande profondeur permet à la saumure de se réchauffer suffisamment avant d’atteindre la zone de pompage. Qu‘en est-il de la recharge en lithium ? Une recherche ne nous a pas permis de trouver de littérature sur le sujet sauf un article américain qui avoue ne pas savoir, et pose la question. Celle-ci est importante car elle conditionne la durée d’activité des installations et leur éventuelle rentabilité.
Mais peut être la recherche de lithium n’est elle qu’un prétexte pour relancer la géothermie profonde productrice de chaleur et d’électricité, rencontrant de plus en plus d’opposition en raison des sinistres survenus et la fébrilité des autorités à subventionner des projets qui ne rencontrent pas l’agrément du public.
JDB
12/2022