Des revêtements antigivre pour les modules photovoltaïques

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La vue des flocons de neige tombant par milliers du ciel d’hiver est une expérience ravissante, jusqu’au moment où elle provoque des dégâts. L’accumulation et l’adhérence tenace de glace et de givre sur les surfaces fonctionnelles posent un énorme problème pour un large éventail d’industries allant de l’énergie aux systèmes de transport. Selon un rapport de recherche sur l’énergie publié en 2012, les fortes tempêtes de verglas sont responsables de près de 10 % des coupures de courant pouvant impacter jusqu’à 3 millions de personnes aux États-Unis chaque hiver.

Les technologies permettant de retarder la formation de glace ou de givre sur les surfaces ou de favoriser son élimination passive jouent un rôle essentiel dans les activités industrielles qui opèrent dans des climats glacials – et le marché des matériaux antigivre et antiglace s’élève (selon les analystes de Markets and Markets) à 20 milliards de dollars par an. Mais la plupart des techniques passives d’élimination de la glace ont un coût de fabrication élevé ou souffrent d’une faible durabilité à long terme et l’industrie leur préfère généralement les techniques actives telles que le chauffage électrothermique, le dégivrage chimique et le raclage mécanique pour atténuer les problèmes de givrage/gel, malgré leur coût énergétique et leur empreinte environnementale négative.

Pour résoudre ce problème, une équipe de chercheurs de l’Université de l’Illinois Chicago (UIC) [dont l’auteur fait partie] ont constitué une bibliothèque de plus de quatre-vingts compositions présentant des caractéristiques de protection contre la congélation supérieures. Les revêtements ainsi préparés sont passifs par nature, ce qui signifie qu’ils ne nécessitent aucune source d’énergie active (par exemple, le chauffage) pour fonctionner. Le squelette des revêtements développés est composé de diméthylsulfoxyde, un cryoprotecteur respectueux de l’environnement, solidement enfermé dans une matrice polymère, ce qui lui confère une résistance accrue à la dissolution et à l’élimination par cisaillement. Ces revêtements sont à la fois anti-gel et anti-givre pour offrir à l’utilisateur final un produit tout-en-un. Le même revêtement peut empêcher la formation de glace ou de givre sur les surfaces pendant de longues heures et, si de la glace se forme, elle peut être très facilement éliminée par le vent ou l’inclinaison du support. Par rapport aux surfaces métalliques industrielles non traitées, les nouveaux revêtements que nous avons développés peuvent retarder la formation de givre en surface environ 87 fois plus longtemps et assurer une élimination de la glace environ 665 fois plus aisée, un changement complet de la donne par rapport à la plupart des revêtements actuellement disponibles sur le marché.

Comparaison du potentiel antigivre fonctionnel (à droite) et de la capacité à faire tomber la glace (à gauche) de nos revêtements avec les peintures et revêtements antigivre du commerce les plus récents. Les tests de condensation et de givrage ont été réalisés sur des coupons d’aluminium/cuivre superhydrophiles (taille 6,45 cm2) orientés verticalement et refroidis à -30°C dans un environnement à 90% d’humidité relative. Les tests d’adhérence de la glace (à gauche) ont été réalisés en refroidissant les échantillons à -15°C dans un environnement déshumidifié.

Image : Rukmava Chatterjee

À l’heure où le monde se dirige progressivement vers des sources d’énergie durables et renouvelables, il est impératif d’équiper les vecteurs technologiques concernés de systèmes adaptés aux conditions hivernales pour garantir des performances sûres dans des environnements froids. À cet égard, un haut degré de transparence optique est l’une des exigences fondamentales de diverses applications telles que les panneaux solaires et les dispositifs photovoltaïques, les fenêtres architecturales, les pare-brise automobiles, les structures peintes et les dispositifs optoélectroniques.

Cependant, l’exposition aux précipitations environnementales telles que la glace, le givre, la neige mouillée, etc., encrasse les surfaces susmentionnées en réduisant leur transparence et en altérant leur fonctionnalité de base. La transparence optique et l’antigivrage sont deux propriétés compétitives qui doivent être intégrées pour que de telles installations puissent fonctionner dans des conditions météorologiques défavorables. Nous avons vérifié la transparence effective du gel en recouvrant différents matériaux industriels (verre, aluminium, acier, téflon, etc.) du revêtement en épaisseur variable et en effectuant des tests de transparence pendant le processus de givrage. La figure ci-dessous montre qu’après 60 minutes de givrage continu, la partie non revêtue du disque d’aluminium était recouverte d’une épaisse couche de givre (rendant le logo rouge de l’UIC indiscernable) alors qu’en deux heures, la moitié du disque recouverte de gel permettait de voir le logo sous-jacent.

Un disque métallique à moitié recouvert de notre gel antigel reste optiquement transparent dans des conditions glaciales (température de refroidissement = -30°C et humidité relative = 60%) tandis que la partie nue est enveloppée dans une épaisse forêt de givre. Photographie (la plus à droite) montrant une plaque de verre enduit de gel conservant sa transparence dans des conditions extérieures hivernales (température de l’air = -2°C et humidité relative = 70%) de Chicago, USA (décembre 2020).

Image : Rukmava Chatterjee

La transparence optique est également cruciale pour des applications telles que les feux de circulation pour les véhicules routiers ou les feux de guidage sur la piste qui assistent un avion lors de l’atterrissage et du décollage. Pour simuler ces conditions, des tests analogues ont également été effectués sur une lampe à LED annulaire dans des conditions hivernales glaciales (température de l’air = -5 ° C et humidité relative = 80%), la partie non revêtue de la lampe étant tombée en panne en raison du froid extrême, tandis que la moitié revêtue a conservé sa fonctionnalité. En général ce résultat s’étend à tout dispositif optoélectronique ou photovoltaïque fonctionnant dans de telles conditions. [Même si les tests sur panneaux PV n’ont pas encore été effectués.]

Performance de givrage d’un éclairage annulaire à moitié recouvert de gel développé soumis à des conditions hivernales montrant une défaillance du côté non revêtu comme indiqué par l’assombrissement de la lumière, alors que la section recouverte de gel était fonctionnelle.

Image : Rukmava Chatterjee

Dans les États les plus froids d’Amérique, du Canada et d’Europe, où la température hivernale chute bien en dessous de zéro, le givre sur les pales des éoliennes impacte la production d’énergie. L’équipement d’hiver généralement utilisé pour empêcher le givrage comprend le chauffage électrothermique mais implique ironiquement de consommer de l’énergie pour produire de l’énergie. Dans notre étude, nous avons démontré l’efficacité de nos revêtements pour diverses applications allant des hélices d’éoliennes aux dispositifs optoélectroniques en passant par les câbles de transmission de puissance. Ces revêtements passifs constituent une solution prometteuse pour empêcher le givrage sur les surfaces par temps froid d’hiver sans apport d’énergie active. Il faut cependant noter qu’en fonction de la rigueur de l’hiver, les enduits devront être réappliqués.

Comparaison des performances de résistance au gel dans des conditions météorologiques hivernales simulées (température de l’air 85 %) sur des pales d’hélice nues ou revêtues pendant leur fonctionnement à une vitesse nominale de 24 000 tours par minute. (timelapse)

Image : Rukmava Chatterjee

Les revêtements sont conçus pour être multifonctionnels. Ils fonctionnent en tirant parti de certaines propriétés thermosensibles, leur permettant de générer une couche lubrifiante glissante sur leur surface qui agit comme une barrière protectrice contre les contaminants allant des minuscules bactéries au gel à grande échelle. Les implications de cela sont énormes. Par exemple, le même revêtement qui peut empêcher la batterie d’une smartwatch de mourir pendant l’hiver glacial peut simultanément empêcher toute contamination bactérienne. En raison des applications commerciales polyvalentes, une demande de brevet mondiale intitulée “Compositions et méthodes pour inhiber la formation de glace sur les surfaces” a été déposée par le Bureau de gestion de la technologie de l’UIC.

Toutes les informations de l’étude sont disponibles dans l’article de recherche original : A Family of Frost-Resistant and Icephobic Coatings, Rukmava Chatterjee, Hassan Bararnia, Sushant Anand.

A PROPOS DE L’AUTEUR

Rukmava Chatterjee est chercheur à l’Université de l’Illinois à Chicago. Il a plus de dix ans d’expérience industrielle-académique en gestion thermique, science des matériaux et conception mécanique et est formé pour résoudre des problèmes scientifiques difficiles. Son parcours professionnel est diversifié et lui a permis d’acquérir une expertise pratique en recherche expérimentale dans la formulation de revêtements protecteurs, l’analyse thermique et les solutions énergétiques durables.

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