Centrales PV + stockage avec prévision : solutions vectrices de transition énergétique dans les ZNI

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Les zones non interconnectées (ZNI) sont les territoires non connectés ou connectés de façon limitée au réseau d’électricité continental. C’est notamment le cas de la Corse, des départements et régions d’Outre-mer (Guadeloupe, La Réunion, Mayotte), des collectivités territoriales (Martinique, Guyane), de certaines collectivités d’Outre-mer (Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna), et de l’île anglo-normande de Chausey.

Ces territoires disposent de systèmes électriques de taille réduite (50 GWh – 3000 GWh) et possèdent des spécificités climatiques et géographiques qui introduisent des enjeux importants pour le développement massif des énergies renouvelables et pour la stabilité de leurs réseaux électriques. Actuellement, les ZNI produisent majoritairement de l’électricité grâce à la transformation d’énergies fossiles importées.

La loi de transition énergétique pour la croissance verte a permis la mise en place d’une politique énergétique adaptée à chaque ZNI via des programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) constituant ainsi un outil fort de pilotage local, avec pour objectif commun l’autonomie énergétique de ces territoires en 2030.

Les ZNI vont connaitre une forte évolution de leurs consommations électriques, dont les trois causes principales sont : la croissance ou décroissance démographique, l’augmentation du taux d’équipement des ménages en matériel électrique (notamment de climatisation) mais également le développement du véhicule électrique adapté à la taille des territoires et en adéquation avec les usages.

Le fort développement des énergies non synchrones, essentiellement composées de l’éolien et du photovoltaïque, structurera différemment l’offre sur ces territoires à l’horizon 2030. Dans ce cadre, les projets intégrant des énergies renouvelables ont la contrainte additionnelle de devoir utiliser des technologies matures et maîtrisées, que ce soit pour modérer la dépense publique ou pour garantir la sécurité du réseau électrique [1].

La modélisation des moyens de production et des contraintes garantissant le fonctionnement sûr et stable de ces projets se présentent donc comme un catalyseur pour la transition énergétique dans les ZNI.

Focus sur La Réunion

A La Réunion, les énergies renouvelables produisent entre 752 GWh et 1 079 GWh par an et constituent entre 30,2 % et 46,7 % du mix électrique depuis 2000. En 2019, la part de la production électrique issue du photovoltaïque était de 8,5 % [2]. Ainsi, La Réunion est un territoire engagé dans l’utilisation extensive des énergies renouvelables.

Dans ce contexte, le centre commercial E. Leclerc, sur le site du Portail, a été la première installation réunionnaise utilisant un système combiné photovoltaïque et stockage. Le Portail, mené par Albioma, correspond à une centrale photovoltaïque de 986 kWc installée sur le toit d’un supermarché, couplée à une batterie lithium-ion d’une capacité de stockage de 1 200 kWh.

La centrale Le Portail est tenue de respecter un profil de puissance journalier trapézoïdal, annonçant la puissance maximale délivrée afin de répondre aux exigences inhérentes aux zones non interconnectées. Pourtant, en raison de sa situation au milieu de l’Océan Indien, la couverture nuageuse sur ce site peut fortement varier pendant la journée, ce qui a un impact énorme sur les niveaux d’ensoleillement et donc sur la puissance produite par les panneaux photovoltaïques. Aussi Albioma a sélectionné un système de gestion de l’énergie (EMS – Energy Management System) et une solution de prévision pour définir le niveau d’engagement de production d’énergie et piloter les moyens de production intégrés à la centrale.

Le système de gestion de l’énergie (EMS)

Le système de gestion de l’énergie (EMS) permet d’une part de déterminer l’engagement de production de la centrale qui permettra de maximiser les revenus, et d’autre part d’effectuer les meilleurs arbitrages possibles en temps-réel pour piloter la centrale. Plusieurs heures à l’avance, un gabarit de production trapézoïdal est fixé par l’EMS et annoncé au gestionnaire de réseau. Et chaque quart d’heure, les consignes appliquées à la centrale photovoltaïque et aux batteries sont recalculées pour adapter leur comportement aux nécessaires écarts entre son état prévisionnel et son état réel, en utilisant les flexibilités autour du gabarit.

Ces choix reposent sur les prévisions météorologiques qui permettent d’anticiper la ressource PV disponible. Ces prévisions, combinées à des modèles numériques, permettent de prédire le comportement de l’ensemble photovoltaïque + stockage de manière à maximiser la performance à différents niveaux : minimiser l’énergie solaire écrêtée, éviter les sorties de gabarit qui s’accompagnent de pénalités, éviter les cycles de stockage superflus, maintenir les batteries à des états de charge acceptables…

La combinaison des prévisions météo et des stratégies avancées de gestion de l’énergie permet ainsi de prendre en temps réel des décisions de pilotage qui respectent les contraintes techniques et contractuelles de la centrale tout en anticipant leurs répercussions sur le reste de la journée.

La centrale du Portail est une pionnière de ce type de projets. Les appels d’offres lancés plus récemment par la CRE valorisent encore mieux la capacité d’anticipation du couple EMS/prévisions, puisqu’ils proposent une prime pour l’injection d’électricité après le coucher du soleil, en période de forte demande. L’enjeu est alors de parvenir à charger pleinement les batteries en cours de journée pour maintenir une production élevée en soirée. En cours de journée, l’EMS va rechercher un compromis entre respect des gabarits et recharge pour fourniture d’électricité au réseau en soirée. Les prévisions apportent des informations clefs pour trouver le bon équilibre.

Les solutions de prévision

Les prévisions sont intégrées dans l’EMS, qui effectue les analyses nécessaires pour injecter le profil de puissance requis dans le réseau. Sur ce site, les prévisions sont faites à plusieurs horizons temporels, de quinze minutes à plusieurs jours à l’avance, grâce à une combinaison de trois services :

  • La prévision au lendemain (de 6 heures à 24 heures à l’avance) utilise des modèles de prévision numérique du temps. Celle-ci permet de prendre un engagement conforme aux règles de l’opérateur de réseau pour les prochaines 24 heures.
  • La prévision infra-journalière (de 15 minutes à 6 heures à l’avance) utilise notamment des images satellites pour prévoir le mouvement des nuages et en déduire l’irradiance solaire sur la zone d’étude. Celle-ci permet d’effectuer un équilibrage infra-journalier de l’offre et de la demande et pour le gestionnaire de réseau de démarrer si besoin des centrales de secours.
  • La prévision infra-horaire (de 1 minute à 30 minutes à l’avance) est basée sur l’observation du ciel à partir d’un système de caméra au sol. Elle permet notamment d’optimiser la durée de vie des batteries en limitant les microcycles (alternance rapide entre charges et décharges liées à une variation courte et subite de la production PV).

Le modèle « centrale PV + Stockage », vecteur de transition énergétique 

Le modèle « centrale PV+ stockage » avec prévision est né d’une feuille de route ambitieuse en vue de maximiser la part des énergies renouvelables dans le mix-énergétique des ZNI. Ce modèle a été implémenté avec succès, notamment sur des territoires aux contraintes multiples (limitation des espaces constructibles, fragilité des réseaux électriques, phénomènes météorologiques intenses, climat complexe, etc.). La performance, et donc la rentabilité, de ce type de centrale dépend notamment de la qualité des prévisions et de la performance de l’EMS. Ces systèmes intelligents permettent de maximiser l’énergie injectée sur le réseau, limiter les pénalités (en cas de non-respect du programme de production) et réduire le vieillissement des batteries de stockage.

Dans une logique « Smart Grid », il est possible de répliquer ce modèle à plus large échelle, en disposant de plusieurs centrales photovoltaïques et d’organes de stockage centraux ou disséminés : les réseaux d’informations sont alors nécessaires pour connaître l’état courant des moyens de production, obtenir la prévision de production de chacune des centrales, et piloter les leviers de flexibilité.

 

Auteurs

Amandine Martins, Reuniwatt

Bruno Daugrois, Naldeo Technlogies & Industries

Amélie Belfort, Synergîle

Webinaires à la demande

Reuniwatt, Naldeo Technlogies & Industries et Synergîle ont organisé deux webinaires lors des précédents mois sur cette thématiques que vous pouvez voir ou revoir : un en français et un en anglais.

[1] GAZ & ÉLECTRICITÉ – Transition énergétique dans les ZNI [en ligne]. Commission de régulation de l’énergie, 2020 [consulté le 02 juillet 2021]. Disponible sur : Transition énergétique dans les ZNI – CRE

[2] Horizon Réunion. Bilan énergétique de la Réunion 2019. Edition 2020. ISSN 2551-1920.

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