Pour libérer les énergies renouvelables, desserrer la contrainte réglementaire

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Des leviers pourraient permettre d’améliorer la compétitivité des EnR en France, de débloquer des projets limités par des effets de seuil, et d’améliorer l’intégration au réseau – sans investissements supplémentaires sur les infrastructures.
● Raccorder plusieurs types d’énergies à un même point du réseau
● Lever la limite de 17 MW de puissance installée
● Permettre de stocker ou d’écrêter la production supplémentaire
Parmi les perspectives ouvertes par la levée de ces verrous, celle d’ouvrir la porte au stockage. Avec à la clé des économies de raccordement et optimisation des taux de charges grâce aux meilleurs profils d’injection de ces centrales multi-énergies.

Mutualiser le raccordement des projets éoliens et solaires

Les projets d’énergie renouvelable sont raccordés à puissance nominale, mais la mobilisation de la connexion est faible : entre 0 et 60 % de la puissance nominale de l’installation la plupart du temps. Les derniers mégawatts raccordés, en particulier, sont marginalement utilisés. Pour les producteurs, le problème prend une dimension économique : les montants des quotes-parts payées par le producteur lors d’une demande de raccordement sont en augmentation constante. Ces redevances, qui financent les travaux de renforcement et d’adaptation du réseau, s’élèvent entre 30 000 et 80 000 € du MW aujourd’hui. Or, les derniers MW d’une installation renouvelable ne sont que rarement utilisés, ce qui conduit à un surdimensionnement des réseaux. Les producteurs et la collectivité gagneraient à raccorder moins que la puissance installée, quitte à stocker, voire écrêter, une partie de la production. « En diminuant la puissance raccordée, on diminue les coûts fixes, dont le raccordement et la quote-part », explique Victor Danel, directeur de l’ingénierie chez BayWa r.e. France.

Faire évoluer le cadre réglementaire

BayWa r.e. souhaite également faire évoluer la disposition du code de l’énergie qui prévoit qu’« aucune installation de production ne peut être raccordée à un réseau public de distribution d’électricité en HTA lorsque sa puissance installée excède 17 MW ». Pour se mettre en conformité, les développeurs ont deux options : raccorder des postes de livraison (PDL) distincts, par tranches de 17 MW – et décupler les coûts de raccordement. Ou tout simplement brider les projets à 17 MW.

Dans le premier cas, on aura une augmentation du coût du raccordement, et dans le second, c’est le coût de l’électricité produite qui sera renchéri : si le projet prévoit par exemple 6 éoliennes de 3 MW soit 18 MW en tout, il faudra brider une des machines pour que la puissance installée n’excède pas 17 MW.

« La CRE, qui a bien compris le problème, n’a pas le pouvoir d’octroyer de dérogations à cette limite de 17 MW dans le cadre du bac à sable réglementaire et renvoie le dossier à la DGEC », explique Pierre-Albert Langlois. Elle accorde cependant des dérogations temporaires, d’une durée maximale de 4 ans, renouvelables une fois. A l’issue de ce délai, il est nécessaire pour le producteur de se remettre en conformité si la réglementation n’a pas évolué en faveur du projet. Le fondateur du cabinet de conseil Acajoo Advisory a accompagné BayWa r.e. pour le dépôt de son dossier de Loisy-Sur-Marne au bac à sable de la CRE. « Une modification réglementaire par arrêté est nécessaire pour modifier ce seuil. Mais une telle évolution technique et réglementaire ne fait probablement pas partie des priorités de la DGEC, surchargée », ajoute-t-il.

Une opportunité de développer différemment

« Lever la limite de 17 MW de puissance nominale installée, qu’elle provienne d’une ou plusieurs sources cumulées de production d’énergie, derrière un même point de raccordement aiderait grandement à la réduction des coûts, complète Pierre-Albert Langlois. Il y a 10 ans le raccordement était moins problématique, aujourd’hui c’est un coût prépondérant du fait de son augmentation quasi-constante dans un contexte général de baisse du prix de production de l’électricité via les énergies renouvelables ». Le renforcement des réseaux, mené de manière plus innovante (l’engagement de respect de puissance maximale injectée pouvant être garanti par un automate), pourrait être limité en mutualisant sur un même raccordement éolien et solaire, qui ont l’avantage d’être complémentaires : l’éolien produit plus en hiver et de nuit, et le solaire en été avec un pic à midi.

Le surplus d’énergie pourrait être stocké ou même faire marginalement l’objet d’un écrêtement (moment où le surplus de production n’est pas injecté). Le but : faire baisser le coût de l’énergie plutôt que de maximiser les capacités de production, en privilégiant une approche pragmatique et économique.

Un projet hybride raccordé en Allemagne, un autre à l’étude en France

BayWa r.e. a construit en 2020 en Allemagne un des premiers projets hybrides allemands. Le parc solaire de Berg-Espich (Bavière), 10 MWc, est venu se greffer sur le raccordement du parc éolien de 24 MW mis en service en 2013, créant ainsi un raccordement mutualisé. Le projet a été rendu possible par un travail concerté avec l’opérateur local de réseau. En France, BayWa r.e. s’intéresse aussi aux parcs renouvelables hybrides. Ses équipes en France ont déposé un dossier de demande d’autorisations administratives en juin dernier pour un projet hybride à Loisy-sur-Marne (51). Il se compose d’une surface de 30 hectares de photovoltaïque au sol (soit 30 MWc) et de 6 éoliennes de 5,6 MW (soit 33,6 MW). Du stockage pourrait compléter cette installation. Le projet a été retenu par le premier guichet du dispositif d’expérimentation réglementaire (dit aussi « bac à sable ») prévu par la loi relative à l’énergie et au climat lancé par la CRE. « Le fait que le projet de Loisy ait été sélectionné par la CRE nous conforte dans la légitimité du développement de projets hybrides, explique Victor Danel. Les barrières que rencontre ce projet sont symboliques d’une représentation anachronique de la gestion des réseaux électriques, selon laquelle on développe puis raccorde un type d’énergie sur un réseau, alors qu’il serait possible de mutualiser les infrastructures de raccordement ».

A Loisy-Sur-Marne, BayWa r.e. souhaiterait pouvoir sous-dimensionner le raccordement à 12 MW de puissance injectée par le biais de trois liaisons raccordées à environ 20 MW de puissance installée. La puissance totale du parc hybride de 63,6 MW installés serait ainsi divisée en 3 parcs hybrides éoliens et solaires d’environ 20 MW chacun. La limite des 17 MW de puissance installée (en l’état actuel de la réglementation) rend cette optimisation impossible. « Techniquement c’est envisageable, c’est un verrou à faire sauter : il faut remplacer “installé” par “raccordé” dans l’arrêté qui fixe la limite des 17 MW de puissance du réseau Enedis », résume Victor Danel.

Le stockage, la clé de projets intelligents

Bien interconnecté et bien pourvu en production de base, le besoin en stockage n’est pas ressenti dans l’Hexagone. En offrant la possibilité de stocker une partie de la production des centrales d’énergie, qui sera reversée au réseau plus tard dans la journée, le stockage permet d’économiser des coûts de raccordement et de décharger le réseau pendant les pics de consommation. Il n’y a pour le moment pas d’appel d’offres ni de mécanisme de soutien pour le stockage en France métropolitaine. Un amendement à la loi climat et résilience a été adopté le 9 avril, qui ouvre la perspective d’appels d’offres pour faciliter le développement de la filière du stockage de l’électricité, en corrélation avec les objectifs de développement des énergies renouvelables.

Pour Pierre-Albert Langlois, « lever des verrous réglementaires sur la mise en place de stockage ou l’optimisation des coûts de raccordement, pour des installations de production renouvelables bénéficiant d’un mécanisme de soutien, reste le plus urgent ». Néanmoins, poursuit le consultant, le stockage ouvre des perspectives intéressantes : « Le stockage permet au producteur de faire de la smart production : il n’y pas que les réseaux qui sont intelligents, les ENR peuvent être commandables aussi à l’avenir » grâce à un minimum de stockage associé : « Une éolienne en fonctionnement peut être arrêtée en 30 secondes : toute la technologie est là pour des solutions plus abouties et une meilleure intégration réseau. Si demain chaque parc éolien peut stocker 1h de sa production et la déstocker sur la pointe de consommation, on sera plus en phase avec les besoins du réseau ». D’autant que les délais de raccordement s’allongent. « Aujourd’hui on peut avoir des projets autorisés, mais avec un raccordement prévu en 2028 », alerte Victor Danel.

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