Le C&I en Afrique Sub-Saharienne, un dynamisme qui attire tous les regards

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Le secteur C&I (clients commerciaux et industriels) représente actuellement 75 % de la demande d’électricité en Afrique Sub-Saharienne. Nous pouvons identifier trois raisons principales pour un client C&I de développer une solution solaire d’autoconsommation :

  • Réduire le coût de l’énergie : les tarifs du réseau sont souvent élevés en Afrique Sub-Saharienne, même pour des clients industriels. C’est principalement dû aux importations coûteuses de combustibles fossiles, aux pertes importantes des réseaux de transmission et de distribution, au faible taux de recouvrement des compagnies nationales ou à l’usage de coûteuses centrales diesel d’urgence. En 2018, BloombergNEF estimait que le prix moyen pour un projet solaire d’autoconsommation de 250 kW était compris entre $ 0.10 – 0.14/kWh vs. des tarifs pour les clients commerciaux de plus de $ 0,25/kWh au Ghana.
  • Améliorer l’approvisionnement en électricité : une majorité d’entreprises en Afrique Sub-Saharienne souffre d’un approvisionnement intermittent à cause de coupures régulières. Un projet solaire d’autoconsommation couplé à une solution de stockage peut s’avérer une bonne solution pour couvrir ce risque.
  • Remplacer un système d’autoconsommation existant : beaucoup de clients C&I ont déjà une solution de repli en cas de coupure du réseau national mais il s’agit le plus souvent de générateurs diesels qui sont à la fois coûteux et n’entrent pas dans une stratégie ESG.

Le secteur minier développe des projets d’autoconsommation depuis des années. En effet, un projet minier a besoin de plusieurs MW voire dizaines de MW pour ses opérations mais cela doit être distingué de la croissance actuelle des projets dédiés aux PMEs, aux centres commerciaux ou à des entreprises agro-alimentaires. La taille de ces projets est souvent comprise entre plusieurs centaines de kW et quelques MW. L’objectif est, bien souvent, de rester sous la limite légale d’un cadre généralement plus restrictif pour les grands projets, facilitant ainsi le développement des petits projets C&I. Par exemple, le Kenya permet, dans sa loi de 2019, aux projets de moins d’1 MW d’avoir un cadre réglementaire plus souple.

Avant de donner un aperçu des différents acteurs, il semble important de décrire les deux principaux modèles de financement.

  • L’achat direct par le consommateur de la solution d’autoconsommation. Celui-ci achète, possède et parfois opère directement le système solaire, qui est installé par un contractant EPC. Le client finance donc lui-même l’installation par ses fonds propres par exemple.
  • Une Energy Service Company (« ESCO ») liée à un Contrat d’Achat d’Energie (CAE ou PPA) : le consommateur achète son énergie à une ESCO, une SPV, à un prix par kWh fixé par un CAE pendant une certaine période. Dans ce modèle, l’ESCO prend donc le risque financier et technique mais ses actionnaires peuvent créer plus de valeur en construisant un portefeuille de projets avec des cash-flow stables et à long terme.

Même si l’achat direct par le client est toujours dominant, le modèle de l’ESCO se fait une place de plus en plus importante grâce à l’investissement de nouveaux acteurs qui font du secteur C&I une priorité.

  • Les pure-players de l’autoconsommation solaire : il s’agit souvent de contractants EPC et O&M locaux qui veulent capitaliser sur leurs réalisations pour développer un modèle d’ESCO avec des partenaires financiers.
  • Les acteurs du secteur des centrales solaires connectées au réseau : il s’agit à la fois d’acteurs techniques et financiers qui recherchent des projets avec un développement plus rapide et une profitabilité plus importante.
  • Les acteurs du secteur de l’électrification hors-réseau et de l’électrification rurale : ces acteurs cherchent à capitaliser sur leurs solutions techniques de systèmes hybrides sur des projets plus solides financièrement et au développement plus rapide

Ce panorama des acteurs souligne deux motivations importantes pour investir dans le secteur C&I.

  • Comparé aux projets d’électrification rurale ou d’électrification hors-réseau, les clients sont solvables. En effet, s’ils peuvent payer leurs factures d’électricité tous les mois à la compagnie nationale, ils pourront payer l’ESCO. Ainsi, le risque de demande est bien plus faible.
  • Comparé aux projets connectés au réseau, le développement est plus rapide. Comme expliqué, la majorité de ces projets dispose d’un cadre règlementaire plus favorable. La taille réduite de ces projets permet aussi des études environnementales ou techniques plus simples.

Cependant, malgré des investissements croissants dans les projets solaires d’autoconsommation, le secteur continue de faire face à des défis qui freinent son développement.

  • Des défis opérationnels : quelque-soit le modèle de financement choisi, cela implique de sourcer de nombreux projets pour alimenter le pipeline tout en sachant que chaque projet doit être adapté aux besoins du client. Ainsi une entreprise qui veut se développer dans le C&I doit à la fois avoir des compétences techniques et un bon réseau auprès des différentes entreprises du pays
  • Des défis légaux : En effet, comme le marché de l’énergie est encore peu développé dans la région, la multiplication de projets C&I a un impact financier pour les compagnies énergétiques nationales. Les autorités peuvent donc être tentées de modifier le cadre légal de l’autoconsommation, interdire le « net metering » ou exiger des permis et autorisations diverses.
  • Des défis financiers : comme les autres segments du secteur de l’énergie, le manque de financement est l’un des plus gros défis en Afrique Sub-Saharienne. L’accès au financement bancaire, local ou international, est difficile à cause de la taille réduite des projets, les exigences des bailleurs internationaux ou le coût de la dette. La majorité des projets sont donc généralement financés à 100% par les fonds propres du développeur avant de disposer d’un portefeuille de projets qui pourra être refinancé. Cette situation crée de fait un espace pour des instruments financiers spécifiques comme le financement bridge ou des programmes de bailleurs de fonds.

L’accès des clients C&I à une énergie peu chère et fiable est la clé pour l’industrialisation et le développement économique des pays d’Afrique Sub-Saharienne. Il est ainsi essentiel que les gouvernements (i) mettent en place un cadre opérationnel et réglementaire qui permette d’atteindre cet objectif et (ii) encouragent l’investissement privé dans les solutions solaires d’autoconsommation à travers notamment des mécanismes de soutien fiscaux.

 

A propos de l’auteur

Jean-Jacques NGONO est Managing Partner de Finergreen en charge de l’Afrique. Expert en capital-investissement et en conseil, il est spécialisé dans la structuration et le financement de projets d’énergie renouvelable. Il assiste les développeurs internationaux et locaux, les Gouvernements et les investisseurs à dérisquer les projets et à lever les fonds (dette, capital, subvention) nécessaires pour la réalisation de ces projets. Il dispense également des formations sur le financement de projets ou la modélisation financière dans le domaine des énergies. Son expérience lui permet d’entretenir des relations étroites avec les autorités du secteur de l’énergie de nombreux pays.

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