Comment assurer le succès de l’appel d’offres de 1 GWc en Algérie ?

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L’Algérie a récemment annoncé son intention de lancer un appel d’offres photovoltaïque de 1 GWc, découpé en 10 tranches de 100 MWc chacune. Le pays a en effet l’objectif d’atteindre 4 GWc de capacités solaires en 2024, puis 15 GWc en 2035, contre 420 MWc raccordés à ce jour au réseau. L’une des clés pour faire décoller le photovoltaïque dans le mix énergétique algérien reposera donc sur l’attractivité du marché sur la scène internationale et le succès des futurs appels d’offres. Comment faire en sorte qu’ils soient « bancables » et sécurisés ? Comment attirer les investisseurs de dimension mondiale, tout en laissant la place aux acteurs locaux ? Tel était le thème de la table ronde organisée le 25 mai par le club Energia, dont le rôle est de promouvoir la structuration de la filière PV naissante algérienne, en marge du Salon international des énergies renouvelables (ERA) 2021.

Se conformer aux normes internationales

Leila Hubeaut, avocate au cabinet August Debouzy et spécialisée dans les contrats d’énergie renouvelable, a ainsi rappelé que le lancement de cet appel d’offres prévu pour juin ou juillet intervient dans un contexte très concurrentiel. « L’Algérie a un potentiel solaire gigantesque et a tout pour réussir l’intégration du photovoltaïque dans son mix énergétique car l’intérêt des contractants est là, a-t-elle souligné. Mais il est important de garder à l’esprit qu’en matière d’appels d’offres, les pays se retrouvent en concurrence. Les investisseurs vont donc regarder tous les paramètres : les tarifs, l’implantation, la faisabilité, mais aussi la solvabilité, les garanties take-or-pay, la documentation juridique, un point particulièrement sensible ». D’où l’importance, pour l’avocate, de se conformer aux normes internationales, pour rassurer les investisseurs.

« L’un des prérequis est bien sûr le financement, a abondé Karim Megherbi, président de EPDA Dubai. Quel est l’équilibre souhaité entre banques locales et internationales ? Quels types d’investisseurs souhaite-t-on attirer ? Ainsi, un gros investisseur génèrera par exemple un taux de retour bas. Toutes ces réflexions en amont doivent aussi être menées en fonction des objectifs de prix ». Et d’évoquer le cas de l’Ouzbékistan, pourtant moins ensoleillé que l’Algérie, qui a récemment réalisé un appel d’offres à un prix extrêmement bas, à 1,8 ct$/kWh. « Pour cela, il faut un processus d’appel d’offres structuré et réfléchi sur le long terme, une garantie souveraine de la part de l’Etat, pour que les investisseurs se sentent à l’aise », a plaidé Karim Megherbi.

« Le modèle retenu par le pays est celui de l’IPP (producteur indépendant d’électricité), a ajouté Sophie Aubert, de l’AFD (Agence française de développement) Algérie. Cela sous-entend donc d’intégrer une libéralisation progressive du secteur, pour assurer une forte baisse des coûts des technologies pour rendre le modèle compétitive. Cela nécessite en outre un fort engagement de la partie publique, afin de fournir un ensemble de mécanismes de couverture des risques (défauts de paiement, risques de change…) ». L’Etat a donc un rôle à jouer dans le développement du pipeline et de l’offre, qui doit s’accompagner du renforcement des acteurs locaux.

Soutenir la filière locale

Car au-delà de ces critères financiers et juridiques, le succès repose également sur la capacité de la filière à se structurer. « Pour répondre à la contrainte de contenu local des appels d’offres, il est primordial que l’industrie locale soit prête, a souligné Mouloud Bakli, président d’Energia. Sinon, on s’expose à des clauses de risques importantes et donc à des coûts plus élevés ». Pour cela, il a salué la montée en puissance de toute la chaîne de valeur. A commencer par la fabrication de modules photovoltaïques avec par exemple Zergoun Green Energy et MillTech dont les usines cumulent 300 MWc et bientôt 500 MWc en technologie PERC. Le pays compte également des acteurs dans les structures métalliques, comme SPS-Qi Energy, ou encore dans les câbles avec El-Sewedy et de nombreux ingénieristes et EPC comme Ozgun et Nerta Solar. Autant d’entreprises qui parviennent à exporter, prouvant leurs capacités au niveau international. « Au total, nous atteindrons 44 % de contenu local en 2021, a estimé Mouloud Bakli. Le « made in Algeria » doit être soutenu, mais sur des segments accessibles et qui ont du sens. A l’heure actuelle, il ne sert à rien de faire de la cellule ou du silicium en Algérie ». « Si l’on prend l’exemple d’autres pays qui ont effectué cette mutation, comme l’Inde ou l’Afrique du Sud, cette montée en compétence progressive de tous les acteurs prendra quelques années », a assuré Karim Megherbi.

Mais de son côté, Mohammed Hammoud, le PDG de Milltech, a également fait part de sa frustration face aux difficultés que connaissent les industriels. « Il faut d’abord compter le temps de transport des matières premières depuis la Chine, puis celui de la certification, a-t-il listé. De plus, tandis que nous subissons les retards de la publication des appels d’offres, la technologie évolue rapidement. Alors que nous avons investi dans des lignes de production, nous sommes déjà passés des formats M2 au M3 puis au M6… ». Un point de vue partagé par Zergoune Rahmoune, le PDG de Zergoune Group. Selon les acteurs de la conférence, pour progresser sur la scène internationale, l’Algérie, qui s’est récemment dotée d’un guichet unique, première étape vers la simplification des démarches, devra donc continuer de soutenir ses acteurs privés si elle veut atteindre ses ambitions.

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