Construire sans financement public : quel développement pour les PPAs en France ?

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Comment encourager le développement des Corporate PPA (CPPA), en complément de la politique de soutien public des projets PV ? Tel était l’objet de la table ronde virtuelle organisée le 5 mai par Office franco-allemand pour la transition énergétique (Ofate). Selon le baromètre trimestriel de Capgemini, le premier trimestre 2021 a été marqué par l’annonce d’importants volumes de nouveaux CPPA, contractés avec des fournisseurs variés et liés à la fois à des actifs existants et à de nouveaux parcs. Dans le solaire photovoltaïque, Amazon a ainsi contracté auprès d’Engie plusieurs PPA pour couvrir différentes géographies : la France mais également les Etats-Unis et l’Italie, pour une puissance de 15 MWc, sur une durée non précisée. Orange a quant à lui signé en l’espace d’un mois deux PPA aux puissances importantes et à longue durée sur de nouveaux actifs solaires : 51 MWc avec Engie (sur 15 ans) et 80 MWc avec Total Quadran (sur 20 ans). Au total, Capgemini estime actuellement à 1 TWh le volume de PPAs connus en France (ceux identifiés publiquement), en majorité des PPAs additionnels (à savoir avec des parcs solaires greenfield).

Arthur Arrighi de Casanova

Photo : Capgemini

200 TWh d’électricité d’origine renouvelable à développer d’ici à 2030

« La plupart des entreprises du RE100 se sont fixées des objectifs de sourcing en électricité renouvelable, précise Arthur Arrighi de Casanova, directeur sustainability & energy, Capgemini qui accompagne les développeurs et les utilisateurs dans leur stratégie de green sourcing et le design de leur Corporate PPA. Leurs besoins sont donc énormes : il manque actuellement plus de 200 TWh d’électricité d’origine renouvelable à développer d’ici à 2030, rien que pour les engagements de ces entreprises ». Traditionnellement, cet approvisionnement en électricité verte se fait via deux canaux : la contractualisation de CPPA ou l’achat de Garanties d’Origine (GO) lors des enchères mensuelles, qui s’échangeaient en moyenne pour 0,15€/MWh sur le 1er trimestre 2021. « Mais dans les faits, tous ces systèmes ne se valent pas, poursuit Arthur Arrighi de Casanova. L’impact environnemental des garanties d’origine est extrêmement faible, alors que celui des CPPA est beaucoup plus fort. Mais ils impliquent aussi davantage de risques ».

Yannael Billard

Photo : Linkedin

Partant de son expérience, Yannael Billard, responsable département environnement et énergie au sein du groupe ADP (Aéroports de Paris) est revenu sur cette notion de risque, l’un des principaux freins actuellement. L’entreprise a signé en février 2020 un CPPA de 21 ans en choisissant un montage avec trois parties prenantes : ADP comme contractant, GazelEnergie comme fournisseur d’électricité jouant également le rôle d’agrégateur et Urbasolar comme développeur. Il s’appuiera sur la construction de trois centrales d’une production annuelle totale attendue de 47 GWh (soit 10 % des besoins des trois aéroports parisiens), mises en service en 2021 ou 2022. « Nous travaillons avec les garanties d’origine, mais nous nous sommes aussi orientés vers les CPPA pour leur valeur environnementale plus forte, a fortiori sur les PPA additionnels, afin de renforcer notre contribution à la transition énergétique, relate-t-il. Nous avons étudié plusieurs scénarii de durées : sur 12, 15, 18 et 21 ans. Sans surprise, l’équilibre économique le plus satisfaisant s’obtient sur 21 ans, c’est donc ce que nous avons choisi. Et pour un meilleur équilibre des risques, nous avons décidé de contractualiser sur une durée de trois ans, renouvelable, avec notre fournisseur ».

Obtenir des garanties auprès des banques

Reste que si ADP est un acteur solide, avec une importante capacité de crédits, ce n’est pas le cas de toutes les entreprises. Comment dans ce cas inciter les acteurs plus petits à signer des CPPA ? « On voit apparaître aux Etats-Unis – et cela arrive en France – un système dans lequel un gros corporate signe un PPA, puis s’entoure de petits acteurs pour leur faire profiter de son credit rating, observe Arthur Arrighi de Casanova. D’autres types de garanties peuvent également être demandées comme alternative par les banques, comme celles de la maison-mère, ou si cela n’est pas possible, de bloquer une somme d’argent sur un compte pour la durée du PPA ».

Anne Lapierre

Photo : Linkedin

Autre piste envisagée : passer par un engagement public comme en Norvège ou en Espagne où des fonds de garantie PPA ont été créés ou sont en cours de création. « Il est illusoire de demander à des entreprises de s’engager sur une durée de 15 ans, avec tous les retournements de situation possibles, sachant que les fournisseurs d’électricité sont eux soumis à des durées d’engagement de trois ans, analyse Anne Lapierre, Global Head of Energy chez le cabinet d’avocats Norton Rose Fulbright. C’est un vrai pari sur les prix futurs de l’électricité. C’est pourquoi des discussions au niveau du gouvernement ont lieu pour savoir comment prendre en charge une partie des risques en cas de faillite, de retournement du marché… ».

CPPA vs appels d’offres

Mais passer de consommateur d’électricité à porteur de projets et de risques ne s’improvise pas. « Il y a une vraie montée en compétences dans les entreprises, qui doit bien être identifiée et anticipée », poursuit Anne Lapierre. « Pour les négociations et la préparation de la signature du contrat, il faut prévoir beaucoup de temps en interne et mettre en coordination les directions juridiques et achats, abonde Yannael Billard. Mais l’expérience est concluante ». Lors du renouvellement du contrat avec GazelEnergie en 2023, ADP a ainsi l’intention de lancer un nouvel appel d’offres en vue de signer un nouveau CPPA. « Nous n’en connaissons pas encore les termes, insiste Yannael Billard. De plus, la concurrence vis-à-vis des appels d’offres de la CRE reste importante ».

Thibault Caillé

Photo : Linkedin

Sur la question de la comparaison des prix entre CPPA et AO de la CRE, Arthur Arrighi de Casanova estime ainsi que s’il est difficile de donner une indication générale car elle dépend des durées des contrats, de leur localisation…, les PPA additionnels sont aujourd’hui très compétitifs, « avec des prix plutôt autour de 40 euros/MWh que de 50 euros/MWh », avance-t-il.

« Il ne faut pas opposer appels d’offres et PPA au risque de fragiliser le marché du photovoltaïque. Nous sommes dans une phase intermédiaire dans laquelle nous voulons accompagner le développement des PPA, tandis que les appels d’offres restent essentiels pour atteindre les engagements de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) », a cependant mis en garde Thibault Callé, chargé de mission Appels d’Offres énergies renouvelables à la CRE. Il a ainsi précisé que l’arrêté tarifaire sur les puissances 0 à 500 kW devrait être publié d’ici à l’été, dans l’espoir de dynamiser le secteur du petit photovoltaïque. Au niveau des appels d’offres, la CRE travaille à simplifier les procédures d’appels d’offres. « Nous avons entendu les appels de la filière, assure Thibault Callé. Nous travaillons donc à leur simplification notamment en diminuant le nombre de documents demandés et en clarifiant les critères d’élimination ». Une des hypothèses avancées pourrait également d’être d’augmenter la fréquence des appels d’offres dans l’année. Sur les appels d’offres Innovations, l’idée pourrait être de limiter la puissance appelée 5 à 10 MWc par technologies innovantes, afin de favoriser la diversité.

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