Aurélie Beauvais, de SolarPower Europe : « La stabilité du cadre réglementaire est le garant des coûts de financement du capital »

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Comment réagissent vos adhérents européens au projet d’amendement gouvernemental français sur la renégociation des tarifs d’achat dans le solaire, qui doit passer demain vendredi 11 décembre en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale ?

Aurélie Beauvais :  Cette disposition est observée avec attention et avec inquiétude de la part des acteurs européens du solaire. La position de SolarPower Europe est claire depuis le départ : toute mesure rétroactive de la part de l’État n’est pas favorable à la croissance du marché solaire. C’est également ce que montrent les analyses qui se sont penchées sur les conséquences des renégociations des systèmes de soutien qui ont eu lieu dans plusieurs pays européens au début des années 2010.

D’une part, l’inquiétude générée a entraîné une contraction significative des nouvelles installations solaires dans les années qui ont suivi. D’autre part, la stabilité du cadre réglementaire étant le premier garant des coûts de financement du capital, le coût de déploiement lié aux nouvelles installations solaires a augmenté sur le court-terme. A titre d’exemple, en 2016, le groupe de réflexion allemand Agora Energiewende avait étudié la répartition des coût du capital de l’éolien onshore en Europe: l’Allemagne était entre 3,5 et 4,5 %, la France à 5,7 %, l’Espagne à 10 % et la Grèce à 12 %.

Aurélie Beauvais est Secrétaire-Générale Adjointe de SolarPower Europe, basé à Bruxelles. Avant ce poste et jusqu’en 2017, elle a dirigé le département Affaires Européennes de l’Union Française de l’Électricité (UFE).

Photo : SolarPower Europe

Ces différences, qui vont du simple au triple, sont directement corrélées avec la stabilité politique et réglementaire des pays et la confiance que les investisseurs peuvent avoir dans la parole de l’État. Cela veut aussi dire qu’un Etat qui garantit une visibilité de long-terme aux investisseurs peut réduire fortement le coût de sa transition énergétique!

Quels impacts cela peut avoir sur le développement du solaire en France et la crédibilité du marché français ? 

Avec l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Pologne, la France fait partie des cinq pays en Europe qui selon nous, sont les plus prometteurs en matière de solaire. Pour autant, nous avons des doutes sur les capacités du gouvernement de prendre les bonnes mesures politiques et réglementaires pour concrétiser ce potentiel. Ainsi, si l’on regarde la puissance nouvellement installée en 2019, elle a été de 1,1 GW, alors que les Pays-Bas, pourtant de plus petite taille, ont installé 2,5 GW. L’Espagne a construit 4,7 GW de solaire en 2019 et même l’Allemagne, qui est un marché plus mature, en a installé 4 GW. La croissance du marché est encore beaucoup trop faible et nous craignons que la frilosité des investisseurs et l’augmentation des coûts des projets suite à la renégociation des tarifs d’achat ne freine encore cette progression.

Quels sont les points que la France doit encore améliorer ?

Sur certains aspects, la France a fait de réels efforts, c’est important de le souligner. C’est le cas de la simplification des procédures de permis de construire. La France a mis en place un guichet unique, qui permet de raccourcir les délais d’instruction des dossiers. Plus récemment, le gouvernement français a décidé de réduire de moitié la taxe IFER, portant sur les entreprises de réseau et qui représente 10% du coût total de production, dès le début 2021.

De plus, les projets d’autoconsommation et de solaire sur toiture ont un énorme potentiel, mais se heurtent aux procédures d’appels d’offres qui mettent une pression importante sur les consommateurs qui installent du solaire, ou sur les petits développeurs qui les accompagnent. Nous sommes par conséquent favorables à la mise en place d’un cadre particulier pour les toits solaires dits “commerciaux et industriels” qui devraient bénéficier d’un cadre approprié au vu du potentiel important et de la contribution directe à la décarbonation des entreprises. Et ce quel que soit le seuil. En effet, certains industriels ou grandes surfaces ont parfois la possibilité d’installer des toits solaires qui peuvent même dépasser le 1 MWc, mais nombre de ces acteurs demeurent malheureusement découragés par les procédures administratives.

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