Alors que des entreprises telles que Toyota et Daimler développent depuis des années des voitures à hydrogène et qu’en France, le nombre de bus à hydrogène mis en place dans les collectivités augmente, les grands acteurs de l’hydrogène ne considéraient pas que le vélo soit le véhicule le plus adapté à cette technologie. Pierre Forté, le fondateur et PDG de Pragma Industries, pense exactement le contraire. « La miniaturisation de la technologie à hydrogène n’est pas simple, mais c’est pertinent sur un vélo », explique-t-il à pv magazine.
Sur le vélo Alpha que la société de Biarritz développe, il a été possible d’atteindre une adéquation entre la densité gravimétrique, c’est-à-dire l’énergie stockée par unité de poids (pour lequel l’hydrogène est très performant) et la densité volumétrique (l’énergie stockée par rapport au volume occupé par le système). « Ce serait plus difficile de rendre le système suffisamment compact sur une trottinette », déclare Pierre Forté. « La densité gravimétrique de l’hydrogène est excellente : 33 kWh/kg. La pile à combustible est plus compacte qu’un moteur récent, mais c’est le réservoir à hydrogène qui prend de la place. Les composants auxiliaires (électronique de puissance par exemple) ont beaucoup progressé ces dernières années. »
Le vélo permet de parcourir 150 km en autonomie, une distance bien plus importante que celle permise par la batterie au lithium d’un vélo électrique (50 km environ). Sur le plan du poids, le vélo pèse 29 kg au total, son système hydrogène approchant 7 kg, le même poids qu’une batterie électrique de capacité équivalente ; il est toutefois prévu que le prochain modèle soit plus léger (25 kg) tout en augmentant son autonomie. « L’avantage de la technologie à hydrogène est qu’il est possible d’augmenter l’énergie disponible de 30 % en ajoutant seulement 600 grammes au système, alors que, pour la même puissance sur un vélo électrique, il faudrait 2 kg de batterie supplémentaires », précise Pierre Forté. Pour avoir un vélo plus performant, il suffit d’agrandir le réservoir, la taille de la pile et des composants auxiliaires n’augmentant pas. « L’augmentation de l’autonomie n’implique pas une augmentation linéaire de la taille du système, comme le ferait une batterie électrique », ajoute-t-il.
Au-delà des aspects techniques, Pierre Forté voit dans son produit un fort impact environnemental : sachant que les trajets de proximité en voiture (pour se rendre au travail, à l’école, etc.) représentent près de 25 % des émissions de gaz à effet de serre en France, la mobilité à hydrogène peut avoir une grande influence sur l’environnement – une plus grande influence que celle de la mobilité électrique car son empreinte carbone est plus faible. De sa construction à son démantèlement, le système à hydrogène pourrait même avoir un impact nul en émissions de CO2, et c’est l’objectif de Pragma Industries. « Ce sera possible d’ici 4 ou 5 ans », prévoit Pierre Forté.
L’hydrogène utilisé dans les vélos est « vert » : il s’obtient par une électrolyse que des énergies renouvelables alimentent. La pile à combustible ne nécessite que peu de métaux, dont l’extraction a un fort impact toxicologique sur l’environnement : « Une batterie au lithium de 7 kg, cela représente 5 ou 6 kg de métaux différents », explique Pierre Forte. « Une pile à combustible, ce n’est que 0,3 g de platine – qui, en plus, n’est pas mélangé à d’autres métaux et peut être recyclé à 90 %. »
Sur le plan de la durée de vie, la pile à combustible serait encore utilisable après 15 ans ou 20 ans, et le réservoir n’a pas de limite de vie. Après 15 ans, la pile à combustible n’est certes plus aussi performante qu’à ses débuts, mais elle peut encore avoir d’autres applications. Pragma en a trouvées dans la construction de groupes électrogènes à partir de ces piles usagées, qu’elle fournit au Bangladesh. « Ces groupes électrogènes servent à recharger les portables, et nécessitent peu de puissance, réutiliser les piles est la deuxième mission de Pragma. »
Développement commercial
Cette approche environnementale modifie également la stratégie commerciale : Pragma Industries n’a pas l’intention de vendre ses vélos, la société préfère les louer sur des longues durées, comme cela se fait pour les voitures. Arrivé en fin de vie, le vélo retournerait en possession de Pragma, qui serait responsable de la revalorisation et du recyclage de ses constituants.
« Le prix du vélo est estimé à 7000 euros, mais cela n’a pas de sens puisqu’on ne veut pas les vendre », explique Pragma. Le prix de location envisagé devrait se situer autour de 50 euros par mois.
Du côté de la recharge, si Pragma vante la rapidité de recharge de ses vélos (2 minutes contre 3 ou 4 heures pour des batteries au lithium), il est nécessaire de développer un écosystème où les bornes de recharge seraient suffisamment proches des lieux de vie des cyclistes. « Une borne de recharge serait trop coûteuse pour un particulier ». Le vélo doit donc être commercialisé en flottes : pour les collectivités ou les entreprises, ou sous forme de vélo partagé, comme le Vélib’ à Paris.
Mais si cette commercialisation semble tout à fait correspondre aux habitudes de mobilité et aux attentes des pays du Nord de l’Europe, les demandes que Pragma Industries reçoit proviennent plutôt de pays en voie de développement. Pourquoi ? La raison est notamment liée à l’état du réseau de transport d’électricité. « Le réseau n’est pas stable, les coupures de courant sont fréquentes… et la voiture n’est pas un moyen de transport courant dans ces régions ». Le vélo à hydrogène serait tout à fait adapté à ces marchés, et il peut même y trouver une utilité supplémentaire : « Le vélo peut devenir un groupe électrogène mobile : il serait simple pour nous, et peu cher, de lui ajouter des fonctions supplémentaires qui permettraient par exemple à des habitants de brancher une lampe pour s’éclairer la nuit. » Il s’agit alors de donner d’autres fonctions vitales à ce vélo pour un usage local.
Financement
Sur le plan du financement, c’est en partenariat avec Engie Cofely que les 200 vélos ont été mis à disposition au sommet du G7 la semaine dernière. Concernant la commande des 1000 exemplaires faites par le président chilien Sebastian Pinera, la question du partenariat reste ouverte.
Pragma Industries est dans une phase de levée de fonds, 5 millions d’euros sont nécessaires pour passer à l’étape suivante. « Nous ne recherchons pas forcément des investisseurs industriels. Un déploiement dans les pays émergents nécessiterait plutôt que nous soyons indépendants financièrement », pressent Pierre Forte.
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