Un tournant majeur se dessine pour la politique énergétique française. Ce lundi 28 avril, l’Assemblée nationale a débattu du futur cadre de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), qui fera l’objet d’un autre débat au Sénat le 6 mai prochain. Contrairement à ce qui a été annoncé et défendu jusqu’à aujourd’hui par le gouvernement, la PPE sera finalement inscrite dans la loi, suivant la proposition de loi du sénateur LR Daniel Gremillet, déjà validée par le Sénat et qui sera examinée par les députés mi-juin.
Cette évolution de forme s’accompagne d’un revirement politique notable. La nouvelle mouture de la PPE acte en effet l’abandon progressif des objectifs contraignants en matière d’énergies renouvelables, au profit d’un objectif de développement des « énergies décarbonées ». Cela supposerait donc la disparition de l’objectif initial de 40% de part d’énergies renouvelables dans la production d’électricité, au profit d’une relance ambitieuse du nucléaire, avec notamment l’ouverture de 14 nouveaux réacteurs. Une orientation qui contraste fortement avec la précédente programmation de 2020, qui prévoyait au contraire la fermeture de 14 réacteurs.
Alors que le Premier ministre évoque une adoption « d’ici la fin de l’été », la porte-parole du gouvernement Sophie Primas a laissé entendre que des modifications pourraient encore intervenir après les débats parlementaires de juin. Un flou juridique qui prolonge l’incertitude pour les acteurs de la transition énergétique.
Et le solaire photovoltaïque ?
Le secteur photovoltaïque est relativement épargné par ce changement de cap en comparaison des autres énergies renouvelables. L’objectif de capacité installée est ramené à 50 GW d’ici 2030, contre 54 à 60 GW dans le projet de Stratégie française énergie-climat présenté en 2023. Plus inquiétant, le texte ne prévoit aucun objectif intermédiaire ni feuille de route annuelle, laissant planer le doute sur les moyens alloués au développement de la filière.
Un affaiblissement des engagements climatiques
L’analyse juridique du cabinet Gossement Avocat met en lumière une modification sémantique lourde de conséquences. Dans le code de l’énergie, la formulation « réduire les » émissions de gaz à effet de serre serait remplacée par « tendre vers une réduction des » – selon l’article 11 de la proposition du Sénat. Ce glissement transforme un objectif de résultat en simple engagement de moyens, réduisant considérablement la portée contraignante du texte.
« Cette reformulation permet à l’État de se contenter de ‘faire au mieux’, en contradiction avec les obligations européennes qui imposent un objectif minimal de réduction », précise Arnaud Gossement dans une note d’analyse. Une manœuvre interprétée comme une tentative de limiter les risques de contentieux pour inaction climatique.
Un contexte politique tendu
La proposition de loi bénéficie du soutien affiché du Rassemblement National, qui a déposé une version identique du texte en signe de protestation contre l’éventuelle adoption de la PPE lors de sa mise en consultation publique. « Nous refusons que vous doubliez les éoliennes sur terre, couvriez la France de panneaux solaires chinois et défiguriez nos côtes avec les éoliennes en mer, pour une facture totale de 300 milliards d’euros, en plus des 100 milliards déjà gaspillés », a déclaré Marine Le Pen lors des débats de lundi. Les Républicains, à l’origine de la proposition de loi, devraient suivre avec un potentiel soutient au sein du gouvernement puisque le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, était co-signataire du texte d’octobre 2024 lorsqu’il siégeait au Palais du Luxembourg.
Face à cette offensive, les professionnels des énergies renouvelables s’inquiètent. « L’avenir de la politique énergétique de la France ne peut pas être sacrifié à des fins politiciennes, déplore Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables. Ce nouveau report de la publication de la PPE vise en réalité à permettre aux opposants aux énergies renouvelables de rouvrir un texte qui avait fait l’objet de très nombreuses débats et concertations, et aurait permis de poursuivre sans à-coup la transition énergétique »
Ce contenu est protégé par un copyright et vous ne pouvez pas le réutiliser sans permission. Si vous souhaitez collaborer avec nous et réutiliser notre contenu, merci de contacter notre équipe éditoriale à l’adresse suivante: editors@pv-magazine.com.
En transmettant ce formulaire vous acceptez que pv magazine utilise vos données dans le but de publier votre commentaire.
Vos données personnelles seront uniquement divulguées ou transmises à des tierces parties dans une optique de filtre anti-spams ou si elles s’avèrent nécessaires à la maintenance technique du site web. Un transfert de vos données à des tierces parties pour toute autre raison ne pourra se faire que s’il est justifié par la législation relative à la protection des données, ou dans le cas où pv magazine y est légalement obligé.
Vous pouvez révoquer ce consentement à tout moment avec effet futur, auquel cas vos données personnelles seront immédiatement supprimées. Dans le cas contraire, vos données seront supprimées une fois que pv magazine aura traité votre requête ou lorsque le but du stockage des données est atteint.
Pour de plus amples informations sur la confidentialité des données, veuillez consulter notre Politique de Protection des Données.