[Entretien] « Pour la souveraineté, l’énergie est tout aussi importante que la défense »

Share

pv magazine France : Les objectifs pour le photovoltaïque risquent d’être abaissés dans la future Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). On a assisté fin mars à un sévère coup de rabot sur les tarifs en toiture… M. Nyssen, pensez-vous que le gouvernement veut la peau du solaire ? 

Jules Nyssen : Il y a toujours eu, au sein de l’État, une sous-estimation du photovoltaïque qui est vu comme un élément intéressant du mix énergétique, mais pas fondamental. Il faut aussi souligner que la filière paie encore les conséquences de la tentative échouée de révision des tarifs S06-S10 en 2023, après l’intervention du Conseil d’État. Rappelons que ces tarifs, jugés excessifs, datent de 2006 et arriveront progressivement à échéance à partir de l’année prochaine.

Les nouveaux contrats signés depuis sont bien loin des niveaux qui prévalaient à l’époque. Le gouvernement a statué sur une baisse à 95 euros/MWh pour le segment 100-500 kWc. Pour mettre cela en perspective, la Cour des comptes estime que le prix de l’électricité produite par le réacteur de Flamanville 3 devrait être de 138 €/MWh pour être rentable. On le voit, l’argument budgétaire ne tient pas. 

Pourtant, le solaire semble être perçu par le gouvernement actuel uniquement à travers le prisme budgétaire.  

Le fait que l’énergie ait été rapatriée sous l’égide de Bercy ne pose en soi pas de problème. Ce qui l’est davantage, c’est que le ministre de l’Énergie devrait défendre un mix électrique décarboné plus diversifié. Ce n’est pas le cas, et nous avons le sentiment qu’il défend avant tout les intérêts de la direction du budget, qui cherche à réduire les dépenses. 

En 2024, le guichet ouvert 100-500 kWc a connu une véritable accélération, avec environ 4 GW de projets déposés. Avec le syndicat Enerplan, nous comprenons la nécessité pour le ministère de contrôler cette dynamique. C’est pourquoi nous avons proposé la mise en place d’un appel d’offres simplifié. Mais entre réguler un mouvement trop rapide et tout arrêter brusquement, il y a un écart considérable. 

L’électrification des usages semble ne pas avancer aussi rapidement que prévu. Le manque de demande pourrait-il expliquer le rétropédalage du gouvernement sur le solaire ? 

D’abord, il est important de noter que la lente adoption des véhicules électriques ou des pompes à chaleur est principalement due à un manque de politiques publiques adaptées. Ce n’est donc pas au photovoltaïque de payer le prix de ce retard. D’autre part, cette faible demande est temporaire. Nous savons tous que l’électrification des usages est inéluctable à long terme. 

Toutefois, l’énergie est un secteur qui a beaucoup d’inertie, car les actifs de production ne se construisent pas du jour au lendemain. De fait, ce n’est pas lorsque l’on constatera une hausse de la demande d’électricité qu’il faudra enclencher le développement de nouvelles capacités. Le nucléaire, sur lequel le gouvernement mise, ne pourra pas augmenter sa production dans les 10 à 15 prochaines années. Par conséquent, nous aurons besoin du solaire pour répondre à cette demande future et c’est d’ores et déjà qu’il faut les planifier. 

En 2021-2022, en pleine crise de l’énergie et au début de la guerre en Ukraine, l’État nous a demandé d’accélérer le développement des renouvelables. C’est ce que nous avons fait et maintenant, on nous dit que nous sommes à contrepied de la conjoncture et qu’il y a trop de solaire ! Cette incohérence révèle un manque de vision à long terme, particulièrement dans le contexte actuel. 

Que voulez-vous dire ? 

Nous avons besoin des énergies renouvelables pour sortir de notre dépendance aux approvisionnements fossiles et nucléaires venus des États-Unis, de la Russie et de la Chine. À une époque où l’Europe s’apprête à augmenter ses dépenses de défense, ignorer l’importance stratégique de l’énergie serait une erreur majeure. Réduire notre vulnérabilité énergétique est aussi crucial que de disposer d’une armée nationale solide.

Cet article est tiré de l’édition spéciale publiée à l’occasion de BePositive 2025 et à télécharger sur le site de pv magazine France. 

Ce contenu est protégé par un copyright et vous ne pouvez pas le réutiliser sans permission. Si vous souhaitez collaborer avec nous et réutiliser notre contenu, merci de contacter notre équipe éditoriale à l’adresse suivante: editors@pv-magazine.com.

Popular content

Segula dévoile un système de stockage par air comprimé pour le résidentiel
14 avril 2025 Le système se compose d’un compresseur réversible relié à une unité de stockage pouvant être installée en intérieur ou en extérieur. Le compresseur do...