[Reportage] A Châlons-en-Champagne, Engie Green supervise ses 160 parcs solaires en France

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Derrière une façade beige sans fioritures et une entrée discrète, accessible par interphone, rien ne trahit la fonction de ce bâtiment implanté en plein cœur de Châlons-en-Champagne. L’endroit, à première vue anodin, ne laisse rien paraître de l’activité stratégique qu’il abrite. C’est pourtant depuis ce centre névralgique que sont supervisés en temps réel les quelque 1 400 éoliennes et 160 parcs solaires exploités par Engie Green en France métropolitaine.

Le centre de conduite des énergies renouvelables (CCE) répond à trois missions imposées aux exploitants de parcs : sécurité, conformité aux cadre normatif et performance. pv magazine France a rencontré les équipes de cette “tour de contrôle” lors d’une visite de ce site stratégique.

Le CCE a été implanté dans le Grand Est en 2010, d’abord pour être proche des deux grands parcs éoliens qu’exploitait Engie en Marne et Haute-Marne. « C’est une région que nous avons considérée comme prometteuse pour le développement des énergies renouvelables », explique Nicolas Frapsauce, responsable du pôle Exploitation d’Engie Green. De 150 MW en 2010, le CCE pilote désormais 2 GW de capacité photovoltaïque et 2,6 GW d’éolien.

Avec la montée en puissance de son parc d’énergies renouvelables, Engie Green a renforcé son dispositif de supervision. L’entreprise, qui exploite ses actifs en propre mais également pour le compte de tiers, s’est récemment dotée d’un second centre de conduite à Bordeaux. Ce double ancrage permet de structurer un système de surveillance en « quatre fois huit », assurant le pilotage continu du parc, jour et nuit. Au total, une vingtaine d’employé·es se relaient à temps plein pour garantir la performance et la réactivité des actifs d’Engie Green.

Une surveillance 24/7 pour maximiser la disponibilité

Les actifs sont surveillés à partir des écrans de contrôle qui permettent de superviser les équipements et leur fonctionnement grâce aux capteurs et technologies déployés sur site. Les conductrices et conducteurs photovoltaïques sont les premiers à repérer d’éventuels dysfonctionnements, sur lesquels ils vont investiguer. Globalement, ils sont en charge de mesures préventives, comme l’anticipation des opérations de maintenance ou l’encadrement à distance des interventions sur site, mais l’équipe gère également les mesures correctives, par exemple en cas de diminution ou d’arrêt de la production sur une chaîne de modules, ou lors d’une intrusion.

L’objectif est de maintenir une haute disponibilité des installations, avec une cible comprise entre 97 % et 99 %. « Cela ne signifie pas que l’on produit, mais que l’on est prêt à produire. On ne peut pas contrôler le vent et le soleil », rappelle Nicolas Frapsauce. Pour y parvenir, Engie Green s’appuie sur un maillage d’équipes d’exploitation réparties sur l’ensemble du territoire et qui coordonnent les nombreuses équipes d’intervention, en particulier les prestataires sous-traitants. Chaque équipe d’exploitation, composée d’une dizaine de personnes, prend en charge la gestion opérationnelle de 5 à 15 parcs EnR.

Sans être des spécialistes de chaque domaine, les membres de ces équipes doivent naviguer au quotidien entre des sujets techniques, environnementaux, contractuels et réglementaires. Cela peut aller du suivi des équipements électriques à l’accueil des écologues pour l’évaluation de la biodiversité sur site, en passant par des questions juridiques ou la relation avec les investisseurs, lorsque la centrale n’est pas détenue en propre par Engie Green. « Ce sont les couteaux suisses du parc », résume-t-on en interne.

Les agences d’opération et de maintenance d’Engie Green en France métropolitaine.

Image : MB

La sécurité des sites est sous-traitée et personne n’est en poste à la centrale. Les seules personnes qui interviennent sur les actifs sont les exploitants, les mainteneurs, les bureaux de contrôle (une fois par an), les bureaux d’études environnementaux et les équipes d’entretien. Depuis trois ans, 20% des actifs sont en maintenance internalisée. « Cela nous permet d’avoir une meilleure disponibilité et une maîtrise technique de l’actif, explique Nicolas Frapsauce. Nous envisageons d’augmenter nos équipes, notamment grâce à notre nouvelle base de maintenance à Poitiers, mais nous n’avons pas vocation à aller à 100 % ».

Adaptation aux marchés : 720 MW effaçables en temps réel

Engie Green exploite actuellement 167 centrales photovoltaïques réparties sur l’ensemble du territoire métropolitain. Parmi elles, 94 bénéficient du mécanisme de complément de rémunération qui est généralisé depuis 2017. Contrairement au contrat d’obligation d’achat, ce régime incite les exploitants à déconnecter temporairement leurs installations lorsque les prix de marché deviennent négatifs. En pratique, ce périmètre représente environ 720 MW pour Engie Green. Les déconnexions s’opèrent sous la supervision des gestionnaires de réseau, mais ce sont les aggrégateurs qui décident des actifs à délester, en fonction des équilibres et arbitrages locaux.

Concrètement, les déconnexions sont devenues quasi quotidiennes au cours de l’année écoulée. Alors que le réseau français ne comptabilisait que 4 heures à prix négatifs en 2022, ce chiffre est passé à 147 en 2023, puis à 361 en 2024. Une tendance qui semble appelée à se poursuivre. L’effacement est compensé par une prime, dont le montant varie selon les aggrégateurs et les plages horaires et qui peut représenter entre 30 et 50 % de la production maximale de la centrale.

S’agissant des contrats de gré à gré (PPA), les modalités de déconnexion sont définies dans les clauses contractuelles, au cas par cas. En dehors des dispositifs subventionnés, Engie Green ne commercialise qu’une part marginale de sa production directement sur le marché. Cette option est généralement transitoire, utilisée entre deux régimes de soutien ou en fin de contrat.

L’un dans l’autre, les gestionnaires de réseau ont un droit d’action sur les parcs, pour des raison de sécurité et d’équilibre. Un boitier de contrôle est installé sur toutes les centrales depuis 2003, et un dispositif intelligent permet à Enedis de vérifier la production (et l’effacement) de chaque site – sachant que les actifs solaires standards exploités par Engie sont d’environ 10 MW.

Est-ce qu’il est possible de valoriser l’énergie effacée dans les épisodes de prix négatifs via le stockage ? Engie Green n’a pas encore tranché cette question mais a confié être en prospection réglementaire, technique et juridique, notamment pour évaluer les modèles d’affaires possibles, entre batteries sur site ou centrale de stockage en propre par exemple. Le groupe a récemment déposé une demande de permis de construire pour son premier projet de batteries (10MW) qui sera couplé à une centrale photovoltaïque d’environ 20 MW dans l’ouest de la France. Par ailleurs, Engie Green a lancé un projet ambitieux de retrofit solaire dans le sud, « un sujet qui arrive en priorité dans ces régions ». Côté développement, l’entreprise prévoit de mettre en service entre 300 et 400 MW par an entre 2025 et 2030, en navigant au gré des évolutions réglementaires et légales, récentes et à venir !

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