Le GPPEP (Groupement des Particuliers Producteurs d’Électricité Photovoltaïque), association qui défend les intérêts des petits producteurs solaires, alerte sur les conséquences des récentes annonces concernant les installations photovoltaïques en autoconsommation. pv magazine France s’est entretenu avec Joël Mercy, président de l’association pour parler des répercussions à prévoir sur les petites installations, notamment résidentielles (3-9 kWc).
La baisse des subventions : une mesure acceptée mais trop brutale
La baisse des tarifs d’achat et des primes à l’autoconsommation n’a en fait rien de surprenant pour la filière. « On a été parmi les premiers à suivre de près ce dossier et à comprendre que l’obligation d’achat allait disparaître tôt ou tard », rappelle Joël Mercy. « On imaginait que ça arriverait dès 2019, ou du moins, dès le moment où le tarif d’achat passerait sous le prix de l’électricité. » C’est d’ailleurs pour cette raison que le GPPEP conseille depuis quelque temps aux particuliers de ne plus forcément s’engager dans l’obligation d’achat. « On ne sait absolument pas quel sera le prix de l’électricité dans 20 ans, donc il vaut mieux ne pas se lier les mains avec un contrat aussi long. »
Selon le texte présenté au Conseil Supérieur de l’Énergie (CSE) qui rendra son avis demain, le 6 mars 2025, le tarif d’achat du surplus pourrait être réduit à 4 centimes par kilowattheure. Une mesure rétroactive, qui s’appliquerait à toutes les installations signées à partir du 1er février 2025. Concrètement, cette “perte” serait en fait compensée par la baisse de TVA, “à quelques euros prêts” selon Joël Mercy. « La TVA à 5,5 %, elle est prête et actée », confirme -t-il. « Il reste quelques détails techniques à préciser, mais normalement, ce sera en place au 1er octobre. »
Mais le vrai problème aujourd’hui, c’est la brutalité de la nouvelle mesure qui se profile. « Sur le fond, on n’a rien contre », reconnaît Joël Mercy. « Beaucoup de professionnels partagent cet avis. Ce qui coince, c’est la manière dont ça arrive et surtout le décalage dans le calendrier : la TVA réduite, c’est pour octobre. La baisse des tarifs, c’est pour février. Si les deux étaient arrivés en même temps, on aurait eu une cohérence. Là, on se retrouve avec huit mois d’incertitude totale. Comment on récupère ce délai ? », s’inquiète-t-il.
Le parcours sécurisé menacé
Le GPPEP, via son « parcours sécurisé », accompagne depuis plusieurs années des collectivités souhaitant proposer à leurs habitants de s’équiper en solaire de façon efficace, économique et surtout sécurisée. Ce dispositif repose des achats groupés de matériel et sur le travail avec des installateurs de confiance, vérifiés par l’association. Mais ce modèle vacille face à la nouvelle donne.
« Lors des dernières réunions locales, environ 30 % des participants se disaient prêts à s’engager dans le parcours sécurisé », explique Joël Mercy. « Mais dès que nous leur avons exposé les annonces du gouvernement, la réaction a été unanime : ils préfèrent attendre. » Cette attente pourrait durer près de neuf mois, jusqu’à la clarification du cadre économique. Problème : d’ici là, de nombreux installateurs risquent de ne pas survivre.
L’exemple du projet du parcours sécurisé à Grand Poitiers illustre cette inquiétude. « Nous avons contacté quinze installateurs. Aucun n’a répondu. Ils sont dans l’expectative, dans l’incertitude totale sur leur avenir. » Si le gouvernement revenait sur le calendrier et alignait la baisse des tarifs avec l’entrée en vigueur de la TVA réduite, « cela rétablirait l’équilibre », estime Joël Mercy. « Les ménages auraient une visibilité correcte sur leur retour sur investissement. Mais dans tous les cas, nous recommanderons de ne pas s’engager dans le tarif d’achat, trop risqué sur 20 ans. »
Sans installateur, qui réparera les petites centrales ?
Si le CSE maintient le calendrier tel quel, les conséquences sur la filière pourraient être dramatiques. « Il y aura des carnages chez les installateurs », prévient Joël Mercy. Beaucoup d’entre eux, fragilisés par la conjoncture, risquent de mettre la clé sous la porte, laissant leurs clients sans interlocuteur.
Et c’est là qu’émergent de nouveaux risques pour les producteurs déjà équipés. Car en France, un installateur ne peut pas, pour des raisons d’assurance, intervenir sur une installation qu’il n’a pas lui-même réalisée. « Si votre installateur ferme, qui viendra entretenir ou réparer votre installation ? », interroge le président du GPPEP. Ce problème existe depuis plusieurs années, mais il pourrait s’aggraver fortement avec la contraction du marché.
Les syndicats et organisations professionnelles alertent depuis longtemps les compagnies d’assurance sur la nécessité de créer une filière dédiée au dépannage. Pour l’heure, aucune solution viable n’a émergé. Pourtant, la question devient urgente : certaines installations ont aujourd’hui 15 à 20 ans, certaines en « intégré bâti », une technique aujourd’hui largement abandonnée. Sur les 400 000 installations de ce type encore en service, combien trouveront un installateur prêt à intervenir en cas de panne ou de fuite ?
« Si les assurances ne bougent pas, les gens ne s’équiperont pas », prévient Joël Mercy. « Ce problème existait déjà, mais il devient dramatique. Aujourd’hui, on a exactement les mêmes intérêts que les professionnels de la filière. On a besoin d’une filière forte, saine et compétente. »
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Effectivement pourquoi attendre octobre pour baisser la TVA. Beaucoup d’entreprises ne vont pas s’en remettre !