La crise énergétique a catalysé la dynamique de croissance de l’autoconsommation solaire mais a urgemment posé la question de la main d’œuvre qualifiée nécessaire pour déployer les panneaux. Sur les années 2022 et 2023, la demande massive a pressé la filière à se structurer autour de ses installateurs et notamment en ce qui concerne la formation. L’organisme de certification Qualit’EnR compte aujourd’hui près de 4 800 installateurs, alors qu’ils étaient 3 200 en 2023 et quelque 2 000 professionnels en 2022.
« La crise énergétique a donné un grand coup d’accélérateur, entraînant un pic de création d’entreprises avec notamment des couvreurs, des électriciens ou des chauffagistes qui ont fait les démarches de qualification », explique Hadrien Gerard, de la Fédération Française du Bâtiment (FFB) Grand Est, qui a vu doubler le nombre d’entreprises indiquant un intérêt pour le photovoltaïque entre 2022 et 2024.
La qualité de l’installation solaire est aujourd’hui bien encadrée, après des débuts plus difficiles dans le secteur. Le label « QualiPV », qui fait foi pour obtenir la certification RGE, est accessible en une formation courte de trois à cinq jours pour les professionnels ayant des compétences en électricité – qui peuvent aussi se former à monter sur les toits. Créé en 2005 par l’Ademe, Enerplan, la Fédération française du bâtiment (FFB) et le syndicat patronal de l’artisanat du bâtiment (CAPEB), l’organisme Qualit’EnR qui délivre ces qualifications compte aujourd’hui une centaine de centres agréés dans toute la France.
Le besoin de main d’œuvre qualifiée : un enjeu central
D’autres initiatives de formation se sont aussi développées, portées par un besoin important en main d’œuvre qualifiée : le CNAM a, par exemple, lancé un diplôme de niveau 4 « installateur photovoltaïque ». Le FARE (Formation acteur rénovation énergétique) propose un certificat « installateur » de niveau 3, tandis que le centre de formation La Solive a lancé un programme de reconversion de 8 mois (dont 6 en alternance) pour la pose de panneaux solaire. France Travail met aussi la main à la pâte avec des partenariats locaux ponctuels, souvent directement avec des entreprises d’installations qui cherchent à recruter.
Sous l’effet d’aubaine, la concurrence pour la main d’œuvre s’est intensifiée avec l’arrivée d’acteurs généralistes de l’isolation ou des pompes à chaleur et des distributeurs d’équipements « plug and play ». Comme les acteurs historiques et les nouveaux entrants, tous cherchent à se doter d’un portefeuille d’installateurs sous-traitants répondant à un cahier des charges qualitatif et véhiculant une bonne image de marque. « Mais le secteur a besoin de visibilité et de stabilité pour développer les infrastructures de formation », rappelle Frédéric Pierre, directeur général de Soleriel qui a notamment lancé une offre de location de panneaux comprenant l’installation et la maintenance des équipements.
De ce fait, certains acteurs ont développé des formations en interne, à l’instar de Dualsun qui forme depuis 2023 quelque 500 installateurs par an sur l’installation, la configuration et la mise en service de centrales en toitures équipées de ses modules hybrides. Pour Octopus Energy, qui se lance sur le marché français, la stratégie est d’internaliser complètement l’installation, sans passer par la sous-traitance. « Après le recrutement, nos installateurs sont formés dans nos centres de formations en entrepôt, les parcours sont adaptés en fonction des compétences des recrues. L’objectif étant de fidéliser les techniciens, puis les former sur les autres produits que nous allons bientôt proposer », explique Guillaume Bodson, directeur de la filiale française.
Vers de nouveaux services pour les particuliers ?
Pour Hervé Druon, directeur de l’INES PFE (Plateforme Formation & Évaluation), « le goulot d’étranglement se situe plutôt sur les parcours administratifs que sur le manque de main d’œuvre de pose pour lesquelles des formations sont en cours de déploiement ». Car le travail de l’installateur d’aujourd’hui, c’est aussi la relation client, la propreté du chantier et le conseil sur le choix du matériel ou le dimensionnement. Il y aurait même un potentiel à développer l’entretien et la maintenance de ces centrales déployées partout en France, d’autant que certains particuliers sont peu enclins à gérer une installation électrique dont la production peut être affectée par les pluies de sable, les feuilles mortes ou les fientes d’oiseaux.
Tendance : le passage à la grande toiture
Hervé Druon évoque l’intérêt d’un service de suivi et de maintenance qui pourrait être mutualisé et géré par l’installateur ou d’autres entreprises spécialisées. Il permettrait de surveiller plusieurs petites centrales à l’échelle locale, réduisant ainsi les coûts de suivi pour les clients tout en assurant la productivité des installations. Ce modèle nécessite cependant une acceptation du surcoût de suivi par les utilisateurs et une définition claire des responsabilités.
L’arrivée des batteries bon marché, des bornes de recharge et des systèmes de pilotage changent aussi la donne pour les installateurs de demain. « Le marché ne fait que démarrer et on aura besoin de nouveaux acteurs », analyse André Joffre, président de Qualit’EnR qui observe déjà des échanges intergénérationnels sur les chantiers, notamment en ce qui concerne les installations avec logiciels. « Quand on doit paramétrer des dispositifs électriques innovants, il faut être un peu geek » !
Complexité assurantielle
L’assurance reste un défi majeur pour les installateurs, bien que les assureurs reconnaissent le potentiel du marché. « Les lignes bougent, mais sans doute pas assez vite », souligne Hervé Druon. En cause : les technologies évoluent si vite que les procédures administratives peinent à suivre. Typiquement, une assurance couvre un modèle de fixation avec des panneaux compatibles listés ; mais dès sa publication, le document peut devenir caduc si de nouveaux modules plus performants apparaissent. Les conditions climatiques imposent aussi de nouvelles exigences avec des épisodes de forte grêle ou des bâtiments qui bougent. Sur un même périmètre, les assureurs peuvent devenir déficitaires, ce qui les pousse à revoir leurs modèles.
Les aléas météorologiques ont aussi un impact concret sur le métier des installateurs : en plus des épisodes croissants de forte chaleur et de grêle, l’augmentation des épisodes pluvieux à des périodes où ce n’était pas le cas avant peut perturber le planning de pose. Et cela implique souvent une gymnastique logistique et une gestion de calendrier plus complexe. Pour certaines entreprises, cela peut aussi poser une question de liquidité puisque les paiements sont généralement effectués à la livraison de la centrale. Le gâteau de l’autoconsommation est de plus en plus gros, mais les installateurs devront s’inscrire dans une structuration durable de la filière pour en tirer leur juste part.
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