Rosi Solar a fait le pari du recyclage à haute valeur ajoutée pour les panneaux photovoltaïques en fin de vie en développant une solution brevetée industrielle qui permet de récupérer le silicium de haute pureté, l’argent et le cuivre contenus dans les modules solaires. Son usine de Saint-Honoré, dans les Alpes, peut traiter 3 000 tonnes de modules par an, ce qui correspond à environ 150 000 panneaux. « Nous exploitons déjà à quasi capacité », explique Antoine Chalaux, directeur de la société, lors d’une visite de l’usine à laquelle pv magazine France a pu participer.
Depuis son lancement en 2022, Rosi Solar a déjà convaincu plusieurs acteurs de l’industrie et notamment l’éco-organisme Soren qui gère la fin de vie des panneaux photovoltaïques en France et qui prône le recyclage à haute valeur ajoutée. Cette prise de position fait d’ailleurs son chemin dans le secteur industriel européen qui commence à comprendre l’intérêt financier et stratégique, en plus de la logique environnementale – car la récupération des métaux contribuent à limiter la demande mondiale et donc l’exploitation minière.
Portée par un segment en croissance, un actionnaire solide (le japonais Itochu) et une technologie éprouvée, Rosi poursuit son développement. Après avoir levé 7,5 millions d’euros il y a deux ans pour construire son usine, la jeune entreprise est en plein tour de table pour financer de nouveaux projets. En 2025 et 2026, elle prévoit d’ouvrir deux nouvelles unités de recyclage en Espagne (10 000 tonnes de capacité) puis en Allemagne (30 000 tonnes), en optimisant les coûts. En France elle prévoit de doubler sa capacité et d’optimiser son outil de production pour augmenter la circularité de son modèle, y compris sur son approvisionnement énergétique.
40 000 tonnes de capacité en 2030
A moyen terme, elle mise d’ailleurs sur une croissance exponentielle dans son usine française puisqu’elle veut atteindre 40 000 tonnes de capacité en 2030. Pour financer les outils industriels sur site, Rosi compte logiquement sur la hausse de ses revenus, liée à la croissance de son activité. Pour cela, Rosi assure les débouchés de ses matériaux recyclés. Elle a par exemple récemment signé un contrat d’approvisionnement pour fournir du verre recyclé au fabricant de verre allemand AGC. Afin d’augmenter son volume recyclé, elle veut aussi développer de nouveaux canaux d’approvisionnement de panneaux en fin de vie, et notamment avec des modules encore non laminés, afin qu’elle puisse en récupérer le verre.
La première étape du processus industriel de Rosi consiste à passer les modules au four à pyrolyse – qu’ils soient avec ou sans cadre en aluminium+verre, le procédé est le même. Installés sur des palettes verticales, les panneaux sont soumis à un traitement thermique au terme duquel sont éliminées les couches de polymères retenant les différents éléments du module entre eux. Via une combustion entre 400 et 600 degrés sur plusieurs heures, les plastiques sont ainsi transformés en gaz qui seront lavés avant d’être rejetés dans l’air sous la forme de vapeur d’eau.
« A terme, la pyrolyse nous permettra d’alimenter l’usine en électricité, puisque nous envisageons de récupérer le gaz de la combustion », explique Antoine Chavaux. Rosi souhaite investir dans un système de production d’énergie thermique à partir de l’étape de pyrolyse afin de garantir une emprunte carbone toujours plus faible pour ses matériaux sortant, mais aussi pour faire baisser les coûts de production via la facture d’électricité.
Les restes de la pyrolyse sont ensuite soumis à un tri physique qui permet de séparer les matériaux. Le cuivre et le verre recyclés sortent du processus industriel puisque leur qualité est largement assez haute pour entrer dans les filières de recyclage existante. Reste ensuite la partie la plus sensible à traiter : les déchets de cellules solaires qui intègrent les matériaux les plus chers, à savoir, l’argent et le silicium de très haute pureté.
La technologie développée par Rosi repose justement sur sa capacité à récupérer ces deux éléments via un processus de « chimie humide » : les restes de cellules sont plongés successivement dans différentes bassines réactives qui créent des environnements et des températures particulières permettant de détacher les fils d’argent et le silicium.
« Aujourd’hui nous récupérons entre 80 et 90 % de l’argent, mais nous pouvons atteindre les 100 % et nous nous y attelons », explique Antoine Chalaux qui rappelle que les fils d’argent représentent 0,08 % de la masse mais 50 % de la valeur d’un module. Un investissement est prévu pour se doter d’un traitement supplémentaire permettant d’augmenter la pureté de l’argent récupéré.
Côté silicium, les taux de pureté atteints (99,999 %) ne permettent pas une réutilisation directe dans l’industrie solaire, mais en font une très bonne alternative pour tout autre marché. « Le silicium recyclé est aujourd’hui un peu plus cher que le silicium non recyclé, mais pas beaucoup plus sinon les industriels n’y voient pas d’intérêt, explique le dirigeant. L’objectif est de faire fonctionner l’usine avec les contraintes de marché et notre “chance” c’est que le prix des matériaux grimpent ». Pragmatique et bien positionnée, Rosi mise sur un modèle d’économie circulaire en boucle ouverte dans lequel les matériaux recyclés, plutôt que d’être valorisés dans leur branche initiale, sont réutilisés par des industriels pour répondre aux besoins en Europe.
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