Faute de projet de loi défendu par le gouvernement sur la programmation énergétique, pourtant prévu par la loi « Énergie‑Climat » de 2019, le Sénat a pris les choses en main et a adopté mercredi 16 octobre 2024 sa propre proposition de loi. La programmation, approuvée par 220 voix pour et 103 voix contre, vise des taux de décarbonation de 50 % pour le mix énergétique et de 90 % pour le mix électrique ainsi qu’un recours aux matières recyclées de 20 %.
Pour y parvenir, la majorité sénatoriale propose clairement la relance de la filière française du nucléaire. Ainsi, dans son article 3, le texte propose d’accroître de 27 GW la production d’énergie nucléaire d’ici 2050. Une mesure qui nécessite la construction de 14 EPR2, mais aussi de 15 SMR – des petits réacteurs modulaires de faible puissance – et de 6 EPR2 supplémentaires, dans le cas où la France se lancerait dans une réindustrialisation coûteuse en énergie. Au total, ces nouveaux réacteurs devront permettre de conserver deux tiers de nucléaire dans le mix électrique d’ici 2030 et au moins la moitié d’ici 2050, précise le texte du Sénat. « Six EPR2, c’est 67 milliards d’euros. Aujourd’hui, EDF ne les a pas », a toutefois estimé le sénateur communiste Fabien Gay dans son intervention.
Un consensus avec le gouvernement critiqué
Une orientation également critiquée par les écologistes, qui proposent la suppression de cet article 3. « Dans cet hémicycle, vous avez une passion pour les EPR, mais dans la passion il y a aussi de l’irrationnalité. Parce que, si on se dit la vérité sur le nouveau nucléaire, l’EPR de Flamanville, c’est 12 ans de retard et 16 milliards de surcoût », a regretté Yannick Jadot à la tribune, dénonçant un « sacrifice permanent des énergies renouvelables ». En effet, la filière des EnR doit se contenter d’objectifs a minima avec 50 GW de photovoltaïque d’ici 2030 ou 2035, au moins 29 GW d’hydroélectricité, 297 TWh de chaleur renouvelable, 50 TWh de biogaz et 50 TWh de biocarburants. Enfin, la loi prévoit au moins 6,5 GW de capacité hydrogène, nucléaire et renouvelable, d’ici à 2030.
De son côté, la nouvelle ministre déléguée chargée de l’Energie Olga Givernet a affirmé que chaque amendement déposé par le gouvernement avant l’été avait été repris et retravaillé avec les rapporteurs du Sénat. « Avec ce travail en commun, je souhaite que nous puissions aboutir à un texte dans lequel nous pouvons tous nous retrouver. Nous sommes parvenus à de nombreux points d’accord et consensus », a estimé la ministre. Certains termes pourraient être reformulés : le gouvernement souhaite par exemple le remplacement de la formule « construire au moins 27 GW de production nucléaire », défendu par la majorité sénatoriale, par la volonté de « tendre vers » 27 GW supplémentaires.
Un compromis entre le Sénat et le gouvernement qui a fait réagir le Sénateur Fabien Gay (PCF) : « Comment ce texte, à l’origine prévu pour déclencher le débat avec le gouvernement suite à son refus de légiférer sur les objectifs énergétiques de la France est devenu entre temps un projet de loi gouvernemental ? Car ce n’est plus du tout la même chose. Construire 6,8, 14 ou 20 EPR ne peut pas être décidé en deux jours. Il faut une étude d’impact et l’avis du Conseil d’Etat », a-t-il justifié, rappelant que les communistes sont pourtant également favorables à la relance du nucléaire.
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