En France comme ailleurs en Europe, les filières de recyclage ont pour objectif de valoriser 87 % des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) et 85% de leur poids. Pour les panneaux solaires, la vision quantitative du recyclage est toutefois limitée.
téraEn effet, si le verre et l’aluminium représentent ensemble 83 % du poids d’un module, soit quasiment l’objectif européen, ils ne combinent qu’un peu plus de 20 % de sa valeur. C’est bien l’argent (0,08 % du poids) et le silicium de haute pureté (2,98 % du poids) qui sont les matériaux stratégiques de la filière, représentant respectivement 20 et 40 % de la valeur d’un module classique en silicium. Et ce sont justement ces métaux, au côté du cuivre, qui intéressent la filière française de recyclage, coordonnée par l’éco-organisme Soren.
« Il faut sortir de la vision quantitative du recyclage », explique Nicolas Defrenne, directeur de Soren lors d’un entretien avec pv magazine. La société est en charge de la collecte et du traitement des panneaux photovoltaïques usagés en France et a décidé de miser sur le recyclage à haute valeur ajoutée et sur le développement d’un marché durable et régulé de la réutilisation de modules.
Côté pratique, le dirigeant rappelle que les propriétaires des panneaux en fin de vie ont l’obligation de remettre les modules usagés à la filière agréée, soit, en France, Soren. Deux procédés sont possibles : la collecte en apport volontaire pour les détenteurs de moins de 40 panneaux , sur des points définis, pour les propriétaires résidentiels et les petites centrales (qui représente environ 10 % des flux totaux) et la collecte sur site pour les centrales à grande échelle qui bénéficient de l’envoi d’un conteneur pour des quantités importantes de panneaux.
Développer une économie circulaire sur les matériaux stratégiques du solaire : une nécessité
Pour le dirigeant, améliorer la qualité du recyclage n’est pas seulement une nécessité dans le cadre d’une filière « verte », mais aussi un enjeu économique. « Si l’on prend une projection à 25 ans, soit la garantie moyenne d’un panneau solaire, il est plus intéressant d’investir dans des solutions innovantes de recyclage afin de récupérer la plus grande valeur au fil des années, affirme Nicolas Defrenne. C’est bien d’un point de vue économique et d’un point de vue industriel puisque cela nous pousse à développer des unités de recyclage plus innovantes. C’est aussi un pas vers la souveraineté industrielle avec moins de dépendance dans les métaux stratégique. »
C’est aussi le point de vue de l’IEA qui affirmait dans son rapport sur les perspectives énergétiques mondiales de 2022 qu’une forte dépendance à l’égard de pays autonomes tels que la Chine pour l’approvisionnement en minéraux stratégiques (et les chaînes d’approvisionnement de technologies vertes rattachées) constitue un risque pour la transition énergétique à l’échelle mondiale.
Pour Nicolas Defrenne c’est aussi une question de pragmatisme : « 1 térawatt crète de panneaux solaires, cela représente 94 % de la production annuelle mondiale d’argent ». Il faudrait donc miser sur une économie circulaire avec un recyclage de très bonne qualité pour atteindre les objectifs de déploiement photovoltaïque annoncés.
« La directive DEEE n’est pas parfaite mais on peut l’améliorer en y ajoutant des objectifs sur les métaux stratégiques par exemple », soutient Nicolas Defrenne. La réglementation européennes sur les batteries (connue sous le nom de Battery Act) qui est parue un peu plus tôt cette année affiche déjà des objectifs spécifiques par matériaux, ce qui est un signal encourageant pour le dirigeant.
Les défis de la filière : bonnes et mauvaises pratiques
Si tous les panneaux passaient en phase de recyclage ou de réemploi, le dynamisme de la filière en serait surement démultiplié. Mais près de 40 % des panneaux en fin de vie en Europe sont finalement exportés vers d’autres marchés (souvent en Afrique) et passent entre les mailles du filet de Soren. « C’est une problématique nouvelle, nous n’étions pas confrontés à ce type de procédé il y a quelques années, explique Nicolas Defrenne. Et ce sont des flux difficiles à estimer car certains modules peuvent effectivement être éventuellement réutilisés. »
Dans les cas de figure reportés, les différentes parties s’accordent sur une inspection visuelle sommaire assortie, parfois, d’un test de performance. Aucun test de sécurité et de durabilité ne vient encadrer ces opérations qui s’inscrivent dans une zone grise, parfois à la limite de l’exportation de déchets illégale. En effet, si certains acteurs de la filière peuvent se permettre de ne pas respecter les bonnes pratiques, c’est aussi parce qu’il manque une définition du panneau en fin de vie. Et une alternative à la seconde vie « sauvage » des panneaux, dans un marché qui se développe sans bonnes pratiques.
Pour y remédier, Soren a lancé en 2023 un cycle de travail avec l’IPVF sur les sujets liés à la seconde vie. « Nous avons constaté un engouement fort de la filière puisque plus de 50 entreprises du secteur ont souhaité participer », se réjouit Nicolas Defrenne. En 2024, l’organisme va également lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour développer une re-certification technique des panneaux avec un acteur du réemploi.
La filière s’est aussi dotée d’un fonds de 3 millions d’euros pour la période 2023 et 2027, destiné à soutenir les acteurs de la seconde vie qui respectent un cahier des charges spécifiques, garantissant la sécurité, la durabilité et la performance des modules usagés en France. Un label, obtenu à l’issu de quatre tests actuellement en développement, sera délivré pour donner de la visibilité sur ce marché en pleine croissance. « L’idée sera de trouver un équilibre entre la réalisation de tests qui garantissent un cadre satisfaisant notamment au niveau de l’assurance mais aussi la viabilité économique du secteur de la seconde vie », résume Nicolas Defrenne.
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