D’après l’édition papier d’avril 2023 de pv magazine.
L’interdiction du travail forcé proposée par la Commission européenne s’appliquerait aux marchés intérieurs de l’UE et mettrait en place des contrôles à l’importation et à l’exportation. Conformément au plan présenté par la Commission en septembre 2022, les produits présentant des traces de travail forcé à n’importe quel stade de leur chaîne d’approvisionnement seraient retirés du marché et éliminés. Les produits ayant déjà atteint les utilisateurs finaux dans l’UE sont en revanche exclus du champ d’application de la proposition de règlement.
Un examen approfondi des éléments relatifs au travail forcé serait obligatoire et constituerait l’instrument clé pour enquêter sur toute présence potentielle de travail forcé dans la chaîne d’approvisionnement. L’UE prévoit de fournir des orientations dans les 18 mois suivant l’entrée en vigueur de la proposition. Bien qu’une interdiction soit un puissant stimulant pour s’attaquer au problème du travail forcé et du travail des enfants, les ONG de défense des droits de l’homme voient des lacunes dans le projet de proposition de la Commission.
Contrairement à la législation américaine similaire, l’interdiction proposée par l’UE ne s’applique pas en cas de suspicion de travail forcé, mais bien à partir du moment où il a été prouvé.
En outre, la législation européenne proposée ne met pas les victimes du travail forcé au premier plan puisqu’elle ne prévoit aucune mesure de réparation pour les personnes concernées. Par ailleurs, elle ne comporte pas de mécanisme de retrait et/ou de destruction des produits issus du travail forcé, ce qui pourrait entraîner le réacheminement de ces produits vers des pays qui n’ont pas mis en place des politiques saines.
Du point de vue de l’industrie, les développeurs et les investisseurs dans le domaine des énergies renouvelables se sont inquiétés de la hausse des prix des matières premières, qui augmente les coûts de production et exerce une pression sur les marges. Les coûts de mise en conformité liés à l’exercice de la diligence raisonnable nécessaire pour se conformer à la législation proposée par l’UE devraient toutefois constituer une charge mineure par rapport à la pression globale attendue sur les prix.
Six mesures préventives
Les entreprises peuvent prendre six mesures pour se préparer aux règles de l’UE en matière de travail forcé.
- Faire preuve de vigilance raisonnable sur la base des lignes directrices existantes de l’UE et de l’OCDE afin de lutter contre le risque de travail forcé dans leurs opérations et leurs chaînes d’approvisionnement.
- Recueillir des informations sur la traçabilité des technologies achetées afin d’identifier et d’évaluer le risque de traces de travail forcé. Ces données peuvent prendre la forme de nomenclatures, d’audits réalisés par des tiers ou de certificats. Toutefois, lorsqu’il s’agit de fournisseurs chinois, l’évaluation vérifiable de leurs chaînes d’approvisionnement par une tierce partie est difficile en raison de la loi contre les sanctions à l’encontre des étrangers introduite dans le pays en juin 2021. Dans ce cas, avant de s’engager avec un fournisseur de technologie, une évaluation initiale des risques doit être effectuée, conformément au point suivant, et des modèles de contrat modifiés peuvent servir à atténuer les risques.
- Commencer à recenser les sources de risque potentielles et élaborez un plan d’assainissement. Identifiez la région où la technologie est fabriquée, la provenance des matériaux et si ces régions sont connues pour leurs violations des droits de l’homme.
- Adopter un plan d’atténuation et une procédure d’assainissement axés sur les victimes du travail forcé. Les entreprises qui participent au travail forcé sans le savoir doivent faire partie de la solution et le type de mesures correctives nécessaires pour répondre aux circonstances particulières des victimes peut inclure une compensation financière, une réhabilitation, etc.
- Modifier les modèles de contrat pour atténuer les risques. Les obligations contractuelles doivent être réfléchies pour protéger les entreprises contre le risque de toute forme de violation des droits de l’homme à tous les stades de la chaîne d’approvisionnement, et pour prévoir des mesures correctives au cas où de tels risques seraient identifiés. Les mesures correctives doivent porter à la fois sur les risques encourus par l’entreprise et sur les victimes des violations des droits de l’homme. Il convient de noter que la législation des territoires d’origine peut différer et qu’une promesse de respect de la législation du pays d’origine ne garantit pas l’absence de violations des droits de l’homme.
- Commencer à changer de fournisseur ou augmenter la teneur en matériaux recyclés afin de minimiser l’utilisation des ressources primaires. Par ailleurs, s’approvisionner directement auprès des fournisseurs permet de réduire la complexité de la chaîne d’approvisionnement et d’améliorer la traçabilité. L’approvisionnement direct permet aux entreprises de connaître leurs fournisseurs, de visiter leurs installations de production et d’observer le bien-être des communautés avoisinantes.
Appel à la mobilisation
De plus en plus d’études se concentrent sur les violations des droits de l’homme dans les chaînes d’approvisionnement et les processus de fabrication des énergies renouvelables. Il y a une prise de conscience croissante de la gravité de ce problème. Le travail forcé et le travail des enfants sont présents dans des secteurs tels que l’alimentation, l’électronique, le textile et l’automobile, pour n’en citer que quelques-uns.
Le consommateur lambda risque de participer aux violations des droits de l’homme et à l’injustice. Le véritable coût de ce que les consommateurs achètent est souvent payé par quelqu’un d’autre, quelqu’un que les utilisateurs finaux n’ont jamais rencontré. L’amélioration des normes morales a parfois un coût économique, mais elle doit être faite coûte que coûte, pour la simple raison qu’il s’agit de la bonne chose à faire.
Le secteur des énergies renouvelables a l’occasion de montrer une fois de plus la voie, en s’appuyant sur l’incroyable contribution qu’il a apportée à la lutte contre la crise climatique. Cette fois-ci, joignons le geste à la parole en matière de politique environnementale, sociale et de gouvernance d’entreprise en nous efforçant d’éliminer le travail forcé des chaînes d’approvisionnement.
À propos de l’auteur : Diana Zadorozhna est une consultante en changement climatique et en durabilité chez Everoze qui a commencé à travailler sur l’atténuation du changement climatique en 2009. Depuis 2017, elle travaille sur la transition vers les énergies propres et la réforme du secteur de l’énergie en Ukraine. Elle est titulaire d’un diplôme en sciences et politiques environnementales.
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