Une année en demi-teinte s’achève pour le secteur du solaire photovoltaïque français. Si nombre de distributeurs rapportent un exercice exceptionnel en termes de vente de matériels photovoltaïques, la situation a été plus compliquée pour les développeurs et porteurs de projets. En effet, beaucoup n’ont pas été en mesure d’absorber la hausse des coûts de financement et des prix des systèmes photovoltaïques, continue depuis deux ans. Ils ont donc été contraints de suspendre la construction de certaines de leurs centrales solaires, pourtant lauréates CRE.
Pour les aider à retrouver rapidement des financements, une mesure d’urgence a été adoptée en août 2022, leur permettant de profiter de la forte hausse des prix de l’électricité sur le marché spot. Dans ce cadre, ils sont autorisés à conclure des contrats d’agrégation ou PPA hors complément de rémunération pendant une durée de 18 mois. Mais il faudra attendre plusieurs mois pour qu’elle commence à faire effet.
Les capacités nouvellement installées
De fait, il est peu probable que la France égale le record qu’elle avait réalisé l’année dernière, qui avait été de plus de 2,8 GW raccordés en 12 mois. Sur les trois premiers trimestres de 2022, le tableau de bord du Ministère de la transition écologique faisait état de 1,7 GW. A la même époque en 2021, 2,2 GW avaient déjà été installés. Par conséquent, plusieurs représentants de la filière tablent sur une croissance pour 2022 tournant autour de 2,5 GW. SolarPower Europe, dans son rapport EU Market Outlook for Solar Power 2022-2026 , se montre plus optimiste, avec 2,7 GW installés.
C’est bien et très peu à la fois. « Sur la même période, l’Allemagne devrait installer près de 8 GW de nouvelles capacités solaires, rappelait ainsi Gaëtan Masson, directeur général du Becquerel Institute, lors d’une conférence organisée sur le salon Energaïa en décembre à Montpellier. Et les Pays-Bas, un pays grand comme une région française et peuplé de 17 millions d’habitants, est parvenu à installer près de 4 GW sur 2022. Il ne faudrait pas que la France, en raison de ses procédures administratives compliquées et de la politisation des questions sur l’énergie, décroche par rapport à ses voisins ».
D’autant que l’Hexagone, qui bénéficie d’un des meilleurs taux d’ensoleillement du continent, au moins dans sa partie sud, est encore très loin de son objectif national : 44 GW d’ici à 2028 et 120 GW en 2050. Des chiffres à mettre en regard des 15,2 GW actuellement installés. Il est donc indispensable d’accélérer la cadence et il faudrait atteindre 5 GW de capacités nouvelles chaque année.
L’autoconsommation décolle
Or, tous les éléments sont là. Le contexte de très fortes tensions engendrées d’abord par l’épidémie de Covid-19 puis depuis février par la guerre en Ukraine est venu mettre en évidence le besoin de retrouver de la souveraineté et de l’indépendance énergétiques. Face à l’explosion des prix de l’électricité, 2022 aura aussi marqué un tournant dans la prise de conscience des citoyens-consommateurs sur le fait qu’installer des panneaux photovoltaïques sur leur toiture est non seulement un moyen de verdir leur électricité, mais aussi d’alléger fortement leur facture électrique.
En dépit de démarches administratives qui restent (trop) lourdes et d’une fiscalité peu incitative, le Ministère de la transition écologique fait donc état d’une forte progression de l’autoconsommation solaire. Au troisième trimestre 2022, 208 371 installations étaient recensées, représentant 994 MW. De plus, les fabricants de batteries résidentielles indiquent que le segment du stockage solaire domestique, traditionnellement marginal en France, commence à intéresser de plus en plus de particuliers. Certains fournisseurs lanceront pour 2023 de nouveaux produits sur le marché national.
De la même manière, le photovoltaïque séduit aussi les entreprises, poussées par la réglementation et la hausse des coûts de l’énergie. Dans ce cadre, la dynamique amorcée depuis deux ans dans les signatures des PPA, qui permettent de se protéger des fluctuations du marché, n’a fait que se confirmer, avec des volumes de plus en plus importants. En témoigne le contrat d’achat d’électricité de 350 MW signé entre Renault et Voltalia en novembre dernier.
La loi d’accélération des énergies renouvelables
Mais encore faut-il que le cadre réglementaire suive. Or, en la matière, après des jours de débats à l’Assemblée nationale et au Sénat, il semble que la montagne ait accouché d’une souris. Pourtant, la loi d’accélération sur les énergies renouvelables portait tous les espoirs de la filière pour enfin simplifier les procédures et réduire les délais de déploiement des EnR.
Si certains points positifs sont à noter, comme l’obligation de solariser les parkings extérieurs de plus de 1500 mètres carrés, dans l’ensemble, les députés et sénateurs ont surtout accouché d’un millefeuille administratif, qui complexifie encore certaines procédures d’autorisation. En particulier, la création des zones prioritaires ou encore le nouveau régime pour le solaire en milieu agricole suscitent inquiétudes et crispations. « Au lieu d’un enthousiasme pour la transition énergétique, j’ai vu remonter beaucoup de peurs lors des débats à l’Assemblée nationale et au Sénat. Nous avons donc encore beaucoup de travail de communication à faire et de convictions à partager auprès des élus et des citoyens », estime Xavier Daval, PDG de KiloWattsol et président de SER-Soler.
Et pour 2023 ?
Après cette année 2022 mitigée, un vent d’optimisme et d’enthousiasme souffle en revanche sur 2023. Tous les acteurs interrogés, que ce soient les développeurs, EPC, exploitants, fournisseurs…, prévoient une forte accélération, avec cette fois les 3 GW dépassés. « Les conditions du marché redeviennent plus favorables, souligne Xavier Daval. Si les taux d’intérêt devraient continuer à rester à un niveau haut, nous avons atteint un pic concernant les prix des matériels. En effet, les prix du silicium et des panneaux photovoltaïques commencent à baisser ». De quoi espérer la sortie de terre de tous les projets qui avaient été retardés. En parallèle, à fin septembre, la puissance des projets en file d’attente a augmenté de 40 % depuis le début de l’année pour s’établir à 16,1 GW, dont 3,4 GW ayant une convention de raccordement signée.
En outre, alors que les syndicats professionnels SER et Enerplan ont alerté le gouvernement sur les conditions d’appels d’offres désormais trop rigides au regard de la volatilité des prix et de la conjoncture, ils espèrent que le principe d’indexation des prix entrera en vigueur en 2023. Toujours au niveau législatif, un nouveau régime de feed-in-tarif (FIT) débutera en 2023 pour les projets au sol de moins de 1 MW installés sur terrains dégradés. Enfin, un décret ad-hoc sera bientôt publié pour modifier le régime d’autorisation des projets PV au sol. Concrètement, selon le décret, seuls les projets de plus de 1 MW nécessiteront un permis de construire. Les projets de moindre envergure devront faire l’objet d’une déclaration préalable, mais les longs délais d’obtention du permis pourront être évités.
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