Entre sept et huit ans. C’est actuellement le délai de développement d’un projet éolien, des premières prospections jusqu’à la mise en service d’une installation. Une durée qui s’allonge au fil des années. « L’éolien devient très compliqué en France, regrette Antoine Pedersoli, président de la société ADE lors d’une interview avec pv magazine France. Pour des raisons supposées de nuisances visuelles ou sonores, les oppositions aux projets deviennent de plus en plus vives et structurées. Par ailleurs, il y a eu une cristallisation des débats pendant la campagne présidentielle française, où plusieurs candidats ont fait de l’éolien leur cheval de bataille. Ça s’est ancré dans la tête des gens ».
Petite structure basée à Nancy, dans le Nord-Est, ADE est à l’origine une entreprise familiale baptisée « Les vents Meuse sud ». Elle a mis en service son premier parc éolien en 2006, qui vient d’être revendu à VSB. « Résultat de ce contexte défavorable, beaucoup de nos projets sont freinés et de nombreuses prospections n’aboutissent pas », poursuit Antoine Pedersoli.
Pour des raisons supposées de nuisances visuelles ou sonores, les oppositions aux projets deviennent de plus en plus vives et structurées. Par ailleurs, il y a eu une cristallisation des débats pendant la campagne présidentielle française, où plusieurs candidats ont fait de l’éolien leur cheval de bataille. Ça s’est ancré dans la tête des gens.
Antoine Pedersoli, président de ADE EnR
En comparaison, le développement de projets solaires, avec des délais d’instruction de quatre à cinq ans, apparaît donc comme beaucoup plus simple et rapide. « Nous sommes un développeur et exploitant bi-énergie (éolien et solaire), relate un acteur qui a souhaité rester anonyme. Bien sûr, quand les équipes de développement éolien doivent sans cesse repousser les projets, la réflexion de se focaliser davantage sur le photovoltaïque prend son sens. Les volumes raccordés en solaire sont en comparaison plus rapides à obtenir et il y a surtout moins de recours quasi-systématiques ».
Une accélération dans le solaire
Historiquement présent dans l’éolien, ADE a également fait ce cheminement il y a un an et demi. « Nous nous sommes alors rapprochés de nos partenaires pour accroître notre connaissance dans le PV en menant des co-développements de projets », raconte Antoine Pedersoli. Désormais, l’entreprise envisage d’accélérer son activité sur le développement en propre. « Notre ambition est d’atteindre dans trois à quatre ans entre 50 et 80 MWc de capacité solaire à différents stades de développement et peut-être de devenir exploitant de quelques parcs ». Par exemple, l’entreprise a actuellement un projet de développement de 15 hectares, pour une puissance de 15 à 17 MWc e’ Moselle.
Parallèlement, elle a engagé une fusion avec son partenaire, la petite société 3N Développement, basée à Nîmes. « ADE compte cinq collaborateurs et 3N, quatre personnes, poursuit Antoine Pedersoli. L’idée est donc de mettre nos forces et compétences en commun pour atteindre prochainement une équipe de 12 personnes, pour peser plus lourd dans le secteur du développement qui est de plus en plus concurrentiel ». La société cherche aussi à s’associer avec un tiers investisseur, « soit un fonds d’investissement, soit un autre développeur ».
De son côté, Windvision, un développeur belge, a commencé son activité en 2002 dans le développement de parcs éoliens. Repris en 2020 par le fonds d’investissement GRPIII, géré par BlackRock, l’entreprise présente sur les marchés belge, français et espagnol, a alors réfléchi à sa diversification. « Nous avons regardé les autres technologies EnR, se souvient Simon Neerinckx, son CEO. Avec des délais de développement plus raisonnables, le solaire nous a semblé tout à fait pertinent. Le taux de rentabilité est certes moins important que dans l’éolien, mais les projets peuvent aller plus vite et les puissances sont plus élevées ».
Au début, la société prospecte sur le solaire en toiture. « Mais en tant que développeur, la valeur ajoutée était assez limitée, c’est pourquoi nous avons décidé de nous focaliser sur les grands projets au sol de plus de 1 MWc », complète Simon Neerinckx. Dans ce cadre, Windvision fait l’acquisition de Terre & Watts Développement, une société de 8 personnes, qui a apporté un portefeuille solaire en développement de 1 GW. « En septembre 2021, nous étions à 90 % dans l’éolien et à 10 % dans le solaire, chiffre le CEO. Désormais nous sommes à 50/50 et cela nous convient très bien, cela permet de mieux panacher notre pipeline de projets en développement ».
Le marché s’oriente vers un développement multi-énergie
Car pas question, pour autant, d’abandonner l’éolien. « Nous ne voulons pas nous désengager de l’éolien, nous sommes convaincus que le mix électrique décarboné des pays a besoin des deux, remarque Simon Neerinckx. Nous voulons par ailleurs continuer à faire fructifier nos compétences dans le développement de projets éoliens ». Tous les acteurs sont formels, le marché s’oriente plutôt vers un développement bi ou multi-énergie.
Avec des délais de développement de quatre à cinq ans, le solaire nous a semblé tout à fait pertinent. Le taux de rentabilité est certes moins important que dans l’éolien, mais les projets peuvent aller plus vite et les puissances sont plus élevées.
Simon Neerinckx, CEO de Windvision
« Le réseau électrique a de toute façon besoin de machines tournantes pour des services de stabilisation et pour le foisonnement électrique entre éolien et solaire pour réduire les coûts de raccordement », confirme un autre acteur. Selon le dernier Tableau de bord du Ministère de la transition écologique, environ 13 GW de projets solaires sont actuellement en cours d’instruction, alors que la France est déjà en retard sur les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). « A l’heure actuelle, les postes sources dans les Hauts-de-France sont saturés d’éolien et le coût du raccordement atteint les 90 000 euros le Wc. Il est donc indispensable de mutualiser les postes sources pour accélérer le raccordement », propose un développeur.
Windvision travaille ainsi sur plusieurs projets hybrides en France et en Allemagne permettant de mutualiser les infrastructures de raccordement. L’atout des développeurs multi-énergies serait alors de créer des synergies entre leurs équipes de développement. Certaines différences essentielles existent entre les parcs éoliens et solaires. Par exemple, une grande partie des contraintes dans l’éolien réside dans les contraintes techniques (couloirs aériens, radars de l’armée, habitations, lignes électriques). Du côté du solaire, les contraintes d’urbanisme (PLU, carte communale…) sont plus importantes. « Mais il existe aussi beaucoup de points communs, telles que les études d’impact environnemental, la concertation avec les parties prenantes et le dossier de raccordement, poursuit Simon Neerinckx, dont les équipes françaises pour le solaire sont à Bordeaux et celles de l’éolien à Reims.
Des difficultés qui guettent le solaire ?
De par leur expérience dans l’éolien, les acteurs mettent toutefois en garde contre un durcissement de l’acceptation des projets solaires. « Les anti-éoliens sont très organisés, assure Antoine Pedersoli, de ADE. Le risque est qu’avec la montée en échelle du solaire, en particulier sur des projets au sol, ils se reportent sur les projets photovoltaïques pour monter des initiatives ».
Un autre acteur interrogé émet ainsi des réserves autour du projet Horizeo, d’une capacité de 1 GW, et qui nécessite le défrichement de 1000 hectares dans la forêt landaise. Selon lui, si la taille du complexe se justifie économiquement, il craint qu’il n’attire l’attention des antis-photovoltaïque.
« Nous essayons de tirer notre expérience de l’éolien en passant du temps sur les concertations avec les parties prenantes pour les intégrer à notre approche du développement de projets solaires et éviter les oppositions, illustre par exemple Simon Neerinckx. Il est en effet primordial d’être très pédagogique et de rappeler à chaque fois le cadre dans lequel s’inscrit le développement d’un projet d’EnR, à savoir le changement climatique et la nécessité de réduire la consommation d’énergies fossiles. Il est aussi important de faire perdurer le lien avec les élus et la population une fois les parcs construits, pour ne pas donner l’impression de les abandonner une fois le projet terminé ».
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