par Denis Viennot, associé-fondateur d’AltRaise.
43 %, c’est le taux d’accès à l’électricité moyen des personnes constaté par la Banque mondiale en Afrique subsaharienne (ASS) dans un rapport datant de 2020. C’est deux fois moins que la moyenne mondiale (87 %), mais près de deux fois plus que le taux d’électrification dans les zones rurales de l’ASS. Avec près de 600 millions de personnes encore non raccordées, l’électrification universelle est une priorité dans la région.
Par ailleurs, ces chiffres ne reflètent pas une autre réalité locale de l’équipement électrique : la mauvaise qualité du réseau justifie souvent l’emploi d’une source complémentaire d’énergie pour ne pas se retrouver dans le noir ou pour continuer son activité. Sans le concours de l’énergie solaire distribuée, ces chiffres risquent au mieux de stagner, au pire, d’amorcer une baisse d’ici 2040 ou 2050, notamment du fait de la croissance démographique.
Aussi, le concours attendu du solaire distribué est loin d’être marginal : l’Agence Internationale de l’Énergie prévoit ainsi que, dans son scénario optimiste « Africa Case », fondé sur les objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, plusieurs centaines de millions de personnes pourraient en bénéficier à horizon 2030 et que les investissements liés pourraient représenter quelque 200 milliards de dollars entre 2020 et 2030.
Le marché du solaire distribué atteindra sa maturité en 2030
Les programmes de développement de l’énergie solaire distribuée en ASS ont une histoire et des horizons divers, mais il existe un consensus général sur le fait que ledit marché devrait atteindre la maturité dès 2030. De nombreux pays d’Afrique de l’Est, du Sud et de l’Ouest comptent déjà des succès réels en la matière, telle que l’Afrique du Sud dans le domaine sur solaire commercial et industriel ou le Kenya, l’Éthiopie et, plus récemment, le Togo dans le domaine des kits solaires individuels.
Plusieurs facteurs motivent le déploiement de solutions énergétiques off-grid (c’est-à-dire, non connectées au réseau) et notamment la « sous-électrification » de la région, la très forte baisse des coûts du solaire sur la dernière décennie, les plans de soutien financier nationaux et internationaux pour la région. Toutefois les deux raisons principales de la croissance constatée et à venir sur les dispositifs PV distribués sont le potentiel solaire hors normes de l’ASS, et la défaillance chronique des réseaux centralisés.
Sur le premier point, rappelons que l’ASS dispose d’un potentiel théorique de production d’énergie issue du soleil de 60 millions de TWh par an (37,5 pour l’Asie et 3 pour l’Europe). Sur le second point, un chiffre vaut mille mots : 80 % des entreprises subsahariennes subissent des coupures d’électricité fréquentes entraînant des pertes économiques substantielles selon les chiffres de l’Agence Française de Développement (AFD).
Qu’il s’agisse de kits solaires, de systèmes en toitures, de petites centrales individuelles photovoltaïques ou de mini-réseaux (mini-grids), le solaire distribué est plébiscité pour la simplicité de sa mise en œuvre. Ces dispositifs se composent généralement d’un panneau photovoltaïque, de lampes à LED et d’une simple batterie. Au prix et à la capacité relativement modestes, les kits solaires sont l’apanage de millions de familles en zones rurales pour alimenter luminaires, portables et téléviseurs, tandis que les systèmes en toitures et les mini-grids sont capables de fournir de l’énergie aux PME ou aux zones industrielles et commerciales – notamment en régions rurales et périurbaines.
Soulignons que le déploiement du solaire distribué a été stimulé par l’adoption rapide du paiement mobile en Afrique. Tant sur la partie « particuliers » que sur celle « petites entreprises », les investisseurs et créanciers sont rassurés par le principe du pay-as-you-go, qui solutionne un problème récurrent sur le continent : les impayés de factures d’énergie.
L’avenir énergétique de la région doit se penser aujourd’hui
L’ASS jouit donc de nombreuses et prometteuses initiatives d’électrification par les technologies décentralisées, et notamment le solaire, mais celles-ci ne sauraient se substituer à la croissance des réseaux électriques centralisés. L’un dans l’autre, l’Afrique connait un fort taux d’urbanisation et sa croissance démographique rapide devrait porter à 4,4 milliards le nombre d’habitant du continent d’ici 2100, soit 40 % de la population mondiale.
L’avenir énergétique de la région doit donc reposer sur un développement complémentaire du conventionnel et du renouvelable, du centralisé et du distribué (off-grid ou interconnecté au réseau), de manière à se rapprocher au mieux d’une électrification « universelle » tout en limitant au maximum pollution et émissions de CO2. La filière solaire pourrait répondre à ces exigences et créer en même temps des dizaines de milliers d’emplois dans la région.
Cela passera donc aussi par une amélioration de la santé financière et opérationnelle des énergéticiens nationaux. Selon la Banque Mondiale, 12 des 39 pays d’ASS sont dans l’incapacité de recouvrir ne serait-ce que la moitié des coûts de fonctionnement du secteur électrique national et 18 ne réunissent pas les revenus suffisants pour couvrir leurs coûts d’exploitation. En effet, entre l’extrême vétusté des installations, les vols sauvages de matériel technique et l’insolvabilité des clients, les problèmes ne manquent pas.
L’enjeu est colossal : une électrification complète de l’Afrique entraînerait, selon les estimations de la Banque mondiale, une hausse de sa croissance annuelle de 10 à 15 % sur une période de 15 ans. Ce chiffre est toutefois à relativiser compte tenu du rythme de développement très variable en fonction des pays et des sous-régions.
L’auteur, Denis Viennot cumule plus de vingt ans d’expérience en corporate finance et en investissement gagnée chez UBS Warburg, GE Capital ou encore la Banque Européenne pour la Reconstruction et Développement (EBRD) où il a acquis une connaissance particulière du financement de la transition énergétique et de la clean tech. AltRaise est une banque d’affaires dédiée à l’accompagnement en levée de fonds et fusions-acquisitions d’entreprises innovantes ayant un impact environnemental ou social positif.
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