« La Polynésie française se compose de 118 îles, réparties sur un territoire aussi grand que l’Europe », décrit Samy Hamdi, Conseiller technique Energie au Ministère des finances et de l’économie de cette collectivité d’outre-mer située dans le Pacifique sud. Parmi elles, 56 possèdent un réseau électrique non interconnecté, dont la taille varie de 50 abonnés, soit une consommation électrique de moins de 600 MWh par an, à plus de 70 000 abonnés pour l’île principale, celle de Tahiti, qui consomme près de 550 GWh d’électricité par an. « Cet éclatement géographique et ces typologies très différentes génèrent de forts enjeux en matière de politique publique énergétique », poursuit Samy Hamdi. Autre contrainte : l’impact du tourisme, qui fait fortement fluctuer la consommation en fonction de la saison.
L’autoconsommation photovoltaïque favorisée par le prix élevé de l’électricité
En dépit de cette complexité, la Polynésie française s’est fixé comme objectif ambitieux de porter le taux de pénétration des énergies renouvelables, majoritairement du photovoltaïque, à 75 % d’ici à 2030. « Nous sommes actuellement à 30 % sur tout le territoire », rappelle Samy Hamdi. Selon l’Observatoire polynésien de l’énergie, en 2020, la majorité de la production photovoltaïque correspond à de l’autoconsommation d’électricité produite par des installations connectées aux réseaux (21,2 GWh). Ces installations sont retrouvées principalement à Tahiti et dans les îles et atolls en concession EDT (Electricité de Tahiti) – Engie. La production totale livrée aux réseaux atteint 16,9 GWh. « Comme pour l’autoconsommation, elle augmente significativement d’année en année du fait d’une augmentation du nombre d’installations photovoltaïques en Polynésie française », poursuit le bilan de 2020. En effet, comme le confirme Samy Hamdi, l’électricité chère en Polynésie (36 francs du kWh en 2020, soit 30 ct d’euros) favorise l’autoconsommation solaire, le tarif de rachat du photovoltaïque étant de 16 francs du kWh (13 ct) pour 2021. Par ailleurs, comme la plupart des pays insulaires, la Polynésie présente une forte dépendance aux importations d’hydrocarbures : en 2020, 93,4 % de la consommation d’énergie primaire provenait de l’importation des dérivés du pétrole.
Pour favoriser le développement du photovoltaïque, la collectivité, qui a échoué sur son premier objectif d’atteindre 50 % d’énergies renouvelables en 2020, a donc revu son corpus réglementaire et législatif. Indépendante en matière de politique énergétique, la Polynésie française s’est ainsi dotée en 2019 d’un Code de l’Energie et au regard du titre 3 sur la production d’électricité, a été ajoutée la possibilité de recourir à des appels à projets sur le modèle des appels d’offres de la CRE.
« Trois îles concentrent 90 % de la consommation électrique : Tahiti, avec 60 % de la population totale, l’île de Moorea et l’île de Bora Bora, souligne Samy Hamdi. C’est en intensifiant nos efforts de développement des énergies renouvelables, et en particulier du photovoltaïque, sur ces trois zones que l’on parviendra à augmenter leur taux de pénétration dans le mix électrique ». Un appel à projets, dont le cahier des charges prévoyait un prix plafond de 21 francs (18 ct) du kWc, a donc été lancé en avril 2021 sur l’île de Tahiti pour la construction d’une centrale de 30 MWc avec stockage, permettant d’augmenter la part des EnR de 6 à 7 %, pour passer de 37 % actuellement à 42 ou 43 % à sa mise en service prévue en 2023. Elle viendra notamment compléter une centrale PV de 30 MWc déjà opérationnelle et gérée par EDT-Engie.
Concernant Moorea, petite sœur de Tahiti qui compte 18 000 habitants, un autre appel à projets a retenu le groupement constitué de SOG Solar (ingénierie photovoltaïque), du bureau d’études CAPSE PF et du cabinet d’architecte MAUI Architecture pour mener une étude de faisabilité visant à solariser entièrement l’île. Celle-ci est actuellement alimentée par une centrale thermique, et dispose d’un peu plus d’1 MWc de solaire photovoltaïque déjà installé par les particuliers et les entreprises de l’île (deux supermarchés et une usine de jus de fruits). « Le périmètre complet du programme de solarisation porte sur un gisement de 24 MWc identifié en toitures, en ombrières de parking et au sol, complète Frédéric Metayer, directeur des services publics environnementaux de la commune de Moorea-Maiao. La première tranche sera composée d’une première centrale au sol de 5 MWc, qui permet d’atteindre 30 % d’énergies renouvelables, sans modifier l’équilibre du réseau. Pour la suite, les partenaires emmenés par SOG Solar sont chargés de réaliser le dimensionnement des installations de stockage centralisées nécessaires pour assurer la stabilité du réseau ».
Electrifier les îles isolées
L’île de Maiao, qui compte 352 habitants parmi lesquels de nombreux producteurs de coprah, fait également partie des projets prioritaires de la commune. Pour l’heure, la plupart des résidents recourent au système D pour s’approvisionner en électricité à partir de groupes électrogènes au diesel et/ou de panneaux solaires. L’électrification de l’île, à un tarif équivalent à celui en vigueur du Moorea, est donc en cours. « A fin 2023, nous mettrons en service une centrale hybride au sol de 170 kWc, avec en secours deux groupes électrogènes de 75 kWh. Après le développement espérer d’une industrie sur place (magasins, éco-tourisme), une seconde phase est prévue, en fonction des besoins qui seront à évaluer », ajoute Frédéric Metayer.
En effet, selon l’Observatoire polynésien de l’énergie, 17 îles habitées de la Polynésie française ne disposent encore pas de réseau de distribution d’électricité. « Cela concerne 1 254 habitants dont les moyens individuels de production d’électricité se résument à des groupes électrogènes ou des installations photovoltaïques en site isolé », note l’Observatoire. Grâce à des programmes comme Photom (ciblant l’équipement de sites isolés en panneaux photovoltaïques) mis en place dans les années 2010, sept centrales hybrides (solaire + stockage) ont été installées dans l’archipel des Tuamotu, formé par 76 atolls coralliens d’une superficie totale de 780 km² et qui regroupe 15 450 habitants. « L’objectif est de poursuivre dans le futur ce type de programmes pour installer dix centrales hybrides supplémentaires, assure Samy Hamdi. Leur puissance reste faible et n’augmente que marginalement le taux de pénétration des énergies renouvelables à l’échelle du territoire. Mais ce développement est indispensable pour améliorer la qualité de vie des habitants et la résilience des réseaux ».
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