D’après pv magazine international.
L’Afrique sera l’une des priorités de l’agenda lorsque les dirigeants politiques et les négociateurs sur le climat se réuniront à la COP26 début novembre. Il ne fait aucun doute que nous entendrons des appels pressants à mettre plus d’argent sur la table pour financer les énergies propres dans le Sud, ainsi que des promesses du monde riche en ce sens. C’est important, mais l’Afrique n’a pas besoin de nouvelles promesses pour susciter l’intérêt des investissements dans les énergies vertes.
Des milliards de dollars privés et publics sont prêts à être investis dans des projets d’énergie solaire et d’autres énergies renouvelables en Afrique. Les gouvernements devraient se concentrer sur la suppression des obstacles qui freinent ces investissements, tant pour les centrales électriques raccordées au réseau national que pour les centrales solaires décentralisées, qui font l’objet de cet article. Ces obstacles peuvent se résumer aux limites posées par la réglementation, par les subventions et les devises.
Coûts élevés de l’électricité
Les entreprises africaines sont confrontées aux coûts d’électricité les plus élevés du monde. L’Afrique est la seule région du monde où la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique stagne depuis la signature de l’accord de Paris, il y a six ans. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la part de l’hydroélectricité, du solaire et de l’éolien dans la production d’électricité du continent est toujours inférieure à 20 %. Par conséquence et pour répondre à la demande d’électricité en forte croissance, l’Afrique est devenue encore plus dépendante du charbon, du gaz naturel et du diesel, des combustibles dont le prix a récemment doublé, voire triplé.
Pour inverser cette dynamique, l’Afrique devrait pouvoir tripler les investissements annuels dans les énergies à faible émission de carbone pour atteindre au moins 60 milliards de dollars de financements verts par an. Une part importante de ces investissements sera nécessaire pour financer de grands projets solaires destinés aux réseaux publics. Mais les investissements destinés à accélérer le déploiement de l’énergie solaire et du stockage dans le secteur privé sont tout aussi importants. Les gouvernements africains devraient prendre exemple sur l’Afrique du Sud et l’Égypte, et permettre aux entreprises d’investir plus facilement dans la production d’énergie solaire destinée à leurs propres besoins.
L’investissement d’Empower New Energy dans un projet solaire ghanéen, lancé et en opération depuis maintenant plus d’un an, est un bon exemple. Cette centrale solaire sur toiture de 0,7 MWp à Accra a été rendue possible grâce à un contrat d’achat d’électricité (PPA) de 20 ans avec le client, une entreprise de fabrication locale au Ghana. Le tarif payé représente une économie de 20 % sur la facture énergétique, et les 800 MWh d’énergie propre produits permettent d’éviter l’équivalent à 400 tonnes d’émissions de CO2. En outre, de nouveaux emplois ont été créés pendant la construction ainsi que pour l’exploitation et la maintenance de l’installation. En outre de nouveaux postes auraient indirectement été ouverts grâce à l’amélioration de la compétitivité du client.
Réglementation
Malheureusement, la réglementation interdit aux consommateurs d’énergie dans la plupart des pays africains – à l’exception du Kenya, du Nigeria, de l’Égypte, de l’Afrique du Sud et de quelques autres – d’acheter de l’énergie solaire à des fournisseurs privés comme cela se fait dans les PPA. (Au Ghana, cette possibilité est d’ailleurs limitée aux gros utilisateurs d’énergie, appelés « clients de masse »). Pour la plupart des pays africains, la seule option pour investir dans l’énergie solaire avec des fournisseurs privés est de conclure un contrat de location ou de location avec option d’achat. Les contrats dans lesquels les bénéficiaires de l’électricité doivent financer l’équipement sont généralement moins intéressants pour ledit consommateur que les contrats dans lesquels le client paie uniquement l’électricité livrée. A noter que ces derniers sont les contrats les plus courants dans le monde.
Un deuxième obstacle réglementaire qui freine les investissements solaires en Afrique est l’absence de facturation nette. À l’exception notable de l’Afrique du Sud, de l’Égypte et de quelques autres pays, les utilisateurs d’énergie en Afrique ne peuvent pas monétiser leur surplus d’électricité. Dans la plupart des régions du monde, les consommateurs d’énergie produisent leur propre électricité dans le cadre de contrats de facturation nette signés avec les sociétés de distribution locales. Cela signifie que quand la centrale électrique produit plus d’électricité que nécessaire, pendant la maintenance ou les vacances, par exemple, l’usager peuvent « revendre » l’électricité excédentaire au fournisseur local. En l’absence de facturation nette, l’entreprise doit payer l’électricité solaire non utilisée, rendant l’investissement solaire moins intéressant.
Subventions
Les subventions sur le prix du diesel et les tarifs du réseau sont également des obstacles aux investissements solaires, toutefois et heureusement moins qu’auparavant. Le coût du diesel en Égypte et au Nigeria, par exemple, est de 0,5 à 0,6 USD par litre, soit environ la moitié du prix aux États-Unis et en Chine, et moins d’un tiers du prix en Europe. Ce n’est qu’en éliminant les subventions aux combustibles fossiles et en s’assurant que ce prix recouvre tous les coûts découlant de son utilisation que les gouvernements pourront garantir que les projets d’énergie solaire deviendront pleinement compétitifs. Il existe des moyens plus efficaces que les subventions aux combustibles pour protéger les pauvres et les groupes vulnérables de la population.
Monnaie
Enfin, la devise constitue également un problème majeur, pour la simple et bonne raison que les pays africains doivent attirer des milliards de dollars d’investissements étrangers. Les investisseurs étrangers ne sont généralement pas prêts à assumer le risque de change et les preneurs d’assurance non plus. En outre, sur certains marchés comme le Nigeria, le Mozambique, le Zimbabwe, etc., l’accès au dollar américain est très limité, ce qui rend les investissements étrangers presque prohibitifs. Un marché des devises liquide et une politique de change stable et transparente sont essentiels pour les pays qui souhaitent attirer plus d’investisseurs solaires.
Qu’est-il alors possible de faire lors de la COP 26, afin d’adresser le besoin urgent d’augmenter l’accès à l’énergie solaire en Afrique ? Il faut appuyer les gouvernements qui veulent encourager l’autoconsommation et les PPA pour les entreprises. Il est également essentiel de financer davantage les mécanismes de garantie et les prêts à taux réduit. Mais nous devons être plus ambitieux. Mon souhait pour la réunion de Glasgow serait un accord mondial pour remplacer le MDP (Mécanisme de développement climatique), qui est arrivé à expiration, par un nouveau crédit carbone automatique et non bureaucratique pour toutes les énergies renouvelables distribuées dans les pays en développement. Un prix plancher de, disons, 30 dollars par tonne de CO2, permettrait de débloquer des milliers d’investissements solaires supplémentaires à travers l’Afrique, ce qui permettrait de remplacer des millions de litres de combustibles fossiles tout en créant plus d’un million de nouveaux emplois dans les pays qui ont le plus besoin d’un coup de pouce économique – notamment à la suite de l’épidémie de Covid.
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