Le rapport « Electricité : le devoir de lucidité » présenté par le Haut-Commissariat au Plan il y a quelques semaines n’est pas conforme à sa mission « d’éclairer les choix des pouvoirs publics ». Avec des arguments souvent biaisés, voire faux, sur les énergies renouvelables et le photovoltaïque en particulier, ce rapport éclipse un pan entier de cette filière énergétique, renouvelable et à faible empreinte carbone.
Le bilan carbone du photovoltaïque en question
Le rapport évoque, pour le solaire, « un bilan carbone ambivalent » car le raffinage du silicium est énergivore et donc carboné. Cela est vrai mais valable pour tout composant d’un système énergétique. C’est pourquoi il est nécessaire de réaliser des analyses de cycle de vie pour évaluer, de manière systémique, les impacts environnementaux depuis l’extraction des matières premières jusqu’à la fin de vie.
Aujourd’hui, on estime l’empreinte carbone d’un système photovoltaïque installé en France métropolitaine, intégrant la fabrication, l’acheminement, l’installation et in fine le démantèlement des modules photovoltaïques, des câbles, des onduleurs ou encore les supports à moins de 50 gCO2eq/kWh, même si les cellules sont produites avec de l’électricité issue à 100 % de centrales à charbon. Dans les configurations les plus favorables, si le bouquet électrique est davantage décarboné, que l’on utilise les procédés de production de cellules les plus efficients, et des panneaux dotés d’un haut rendement, on peut descendre en deçà de 20 gCO2eq/kWh. Il est important de noter que l’empreinte carbone de l’énergie photovoltaïque évolue tendanciellement à la baisse avec une amélioration continue du rendement des systèmes photovoltaïques et une amélioration du rendement des procédés nécessaires à leurs productions, notamment celles des cellules en silicium cristallin. Ainsi, même si les systèmes photovoltaïques sont produits à partir d’énergie carbonée, ils constituent néanmoins un moyen de production électrique à faible empreinte carbone. Il est évidemment préférable de produire ces systèmes à partir d’énergie la moins carbonée possible, l’empreinte carbone s’en trouve alors réduite. On peut d’ailleurs saluer le projet de création d’une usine de productions de panneaux photovoltaïques à Hambach en Moselle.
À titre d’information, l’outil web viewer.webservice-energy.org/incer-acv/app permet d’évaluer différents impacts environnementaux par unité d’énergie générée sur la durée de vie (e.g. gCO2eq/kWh) ou par unité de puissance crête installée (e.g. gCO2eq/kWc) ainsi que leurs incertitudes. Cet outil a été développé dans le cadre du projet INCER-ACV. L’estimation précise d’un temps de retour carbone nécessite de faire des hypothèses toujours discutables sur la nature de l’énergie substituée, mais l’énergie photovoltaïque fait incontestablement partie des modes de production présentant une faible empreinte carbone, au même titre, entre autres, que les énergies nucléaire, éolienne ou hydroélectrique. Du fait des progrès précédemment évoqués, le temps de retour énergétique, qui évolue lui aussi à la baisse, est désormais estimé à un ou deux ans suivant la localisation.
La consommation de superficies en terres arables et boisées du photovoltaïque
En plus de la question du bilan carbone, le rapport du Haut-Commissariat au Plan aborde le sujet, complexe, de l’artificialisation des sols induite par la consommation « de grandes superficies de terres arables ou boisées ». Cependant, le rapport omet d’ajouter que le déploiement du photovoltaïque peut tout à fait dépasser les objectifs prévus pour 2028 de la Programmation pluriannuelle de l’énergie, tout en évitant ces écueils, par plusieurs moyens :
- le déploiement sur des zones délaissées et artificialisées, mais propices aux centrales photovoltaïques : le rapport de l’ADEME de 2019 recense l’équivalent d’un gisement d’une puissance crête de 49 GWc sur ces zones, en territoire national. Ces 49 GWc sont à mettre en relation avec la PPE16 planifiant l’équivalent de 20,6 à 25 GWc de puissance installée photovoltaïque au sol en 2028. Un très bel exemple d’une centrale photovoltaïque de grande puissance (145 MW) déployée sur une zone délaissée de 149 ha est celle sur l’ancienne base OTAN de l’aéroport de Montmédy-Marville dans la Meuse, portée conjointement par les sociétés TSE et Enerparc AG. Le rapport de la mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) Grand-Est souligne d’ailleurs la grande qualité de l’étude d’impact avec, en outre, la délégation de « la gestion des espaces enherbés à un élevage ovin en agriculture biologique » ;
- le déploiement sur le toit de bâtiments ou sur des ombrières de parking (potentiel de 4 GWc). Une étude faite en 2016 estime le potentiel des toits pour le photovoltaïque à plus de 360 GWc. Même si cette estimation est complexe (ombrages, orientations des toits, etc.) et le résultat sûrement assez approximatif, son ordre de grandeur est très largement supérieur à la puissance crête du photovoltaïque en toiture entre 14,5 et 19 GWc, telle que planifiée par la PPE pour 2028 ;
- l’hybridation de l’agriculture et du photovoltaïque : il s’agit d’un sujet complexe car certaines expérimentations notamment avec de serres photovoltaïques se sont révélées pas ou peu productrices sur le plan agricole, avec notamment des serres « alibis » pour du développement purement énergétique19. Cela étant dit, des innovations technologiques comme les modules bifaciaux ou encore les supports de modules orientables et actionnables permettent d’envisager de vrais modèles soutenables de développement agricole (culture, élevages ovin, bovin, etc.) avec, en outre, une production soutenable d’énergie photovoltaïque. Cette hybridation photovoltaïque / agricole peut donc être, sous conditions, tout à fait bénéfique en soutenant et en redynamisant l’agriculture, en favorisant le développement économique locale de manière durable et soutenable et en permettant une meilleure acceptabilité sociale de la filière photovoltaïque ;
- le déploiement du photovoltaïque flottant : cette voie est émergente au niveau mondial et a fait l’objet en 2019 d’un rapport de la Banque Mondiale au nom – partiellement – poétique « Where the Sun meets Water : Floating solar market report ». Les aspects positifs annoncés sur les impacts environnementaux (limitation de l’évaporation et de l’eutrophisation des lacs) comme l’absence d’impacts négatifs sur la vie aquatique sont à vérifier, à évaluer et éprouver par des retours d’expérience et des études scientifiques. De même des retours d’expérience sur le long terme sont à analyser pour évaluer les impacts de l’environnement sur le matériel. Le premier projet de photovoltaïque flottant en France a vu le jour fin 2019 avec 17 ha de modules photovoltaïques flottants pour une puissance crête de 17 MWc.
L’intégration du PV en courant continu
Un autre sujet présenté à charge pour le photovoltaïque est son intégration difficile au réseau électrique à cause de la nature continue de son courant. Cette partie est étonnante car les systèmes de production photovoltaïque, qu’ils soient de petite taille (système individuel sur un toit de quelques kWc) ou de grande taille (parc photovoltaïque de plus de 100 MWc), sont tous composés de modules photovoltaïques et d’onduleurs. Ces onduleurs permettent la transformation du courant continu (DC) produit par un ensemble de modules photovoltaïques en courant alternatif (AC, alternating current). Ces onduleurs fonctionnent avec une efficacité de plus de 95 %, avec une moyenne de l’ordre de 98 %, voire plus.
Maintenant ils offrent des services au réseau électrique comme l’écrêtage actif ou la production de puissance réactive pour la régulation de tension. Cette capacité d’écrêtage actif de la production photovoltaïque rend les systèmes photovoltaïques partiellement pilotables. Avec la baisse tendancielle des couts des modules photovoltaïques (et des onduleurs), cette capacité d’écrêtage actif de puissance permet d’envisager un certain niveau de surdimensionnement des infrastructures photovoltaïques et d’être capable de réduire de manière proactive la puissance produite en fonction de la demande et du reste des capacités de production et de stockage en fonction de considération économique et technique du moment.
Au-delà de l’empreinte carbone, les impacts environnementaux, nominaux ou risqués, relatifs aux écosystèmes, à la santé humaine et à l’utilisation de ressources au sens large sont également à considérer afin de réfléchir non seulement aux moyens et aux ressources pour la production d’énergie, mais aussi, en amont, aux moyens de moins – sobriété – et de mieux – efficacité – la consommer.
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