Quelle est la situation du marché français de l’énergie photovoltaïque ?
Le développement de l’énergie photovoltaïque (PV) en France est sans conteste promis à un bel avenir. La question n’est en fait pas de savoir si le marché va croître mais à quel rythme. La puissance raccordée chaque année est restée pratiquement stable depuis 2017, sans franchir la barre du gigawatt. D’ici 2024, nous anticipons toutefois un triplement du rythme annuel de raccordement qui passera alors le cap des 3 GW pour atteindre une puissance installée cumulée de 20,1 GW, soit avec un an de retard sur l’objectif de la PPE (20,1 GW installés en 2023). Toutes les conditions sont en effet réunies pour un décollage effectif et massif du marché français. Le réservoir de projets en développement se trouve à un niveau record (8,6 GW fin 2020). L’afflux de liquidités, des taux d’intérêt au plancher et l’intérêt inédit des banques et des fonds d’investissement pour les actifs verts devraient en outre permettre de boucler le montage financier des projets des développeurs. Par ailleurs, indépendamment des coûts financiers, la compétitivité du PV s’améliore de façon continue. Les grands énergéticiens (Engie, EDF et Total) prévoient aussi d’augmenter fortement leurs investissements dans la construction de parcs, notamment pour répondre à la demande croissante de contrats d’achats d’électricité verte de gré à gré (PPA). Enfin, avec l’intérêt croissant des particuliers pour l’autoconsommation, le segment des installations sur toiture de petite et moyenne puissance va décoller. Mais pour tenir les prévisions, il va falloir passer d’un rythme annuel de raccordement de moins de 1 GW à 3 GW. Il faudra donc davantage de développeurs dans les bureaux d’études mais surtout de personnel pour construire les installations et pour les raccorder, étant entendu que la capacité de raccordement (qui dépend des gestionnaires de réseaux) pose problème comme le montre l’envolée des parcs en attente. Le manque de compétences sur le segment du photovoltaïque sur toiture, en particulier pour le résidentiel ente les mains de petits artisans, constitue également un frein à l’essor du PV dans l’Hexagone.
Quel va être l’impact de l’autoconsommation ?
Historiquement, l’essor du secteur reposait sur le système des obligations d’achat, des contrats de long terme garantis par l’Etat et à prix fixes. Avec la mise en place en 2016 du système de complément de rémunération, une première évolution a eu lieu. Avec le développement de l’autoconsommation et surtout des contrats de gré à gré (PPA pour Power Purchase Agreement), les acteurs du photovoltaïque accélèrent désormais leur transition vers un nouveau modèle, beaucoup moins régulé. Le secteur passe en effet d’un interlocuteur unique, EDF Obligation d’achat, à une multitude de clients. D’un système dépendant des appels d’offres organisés par l’Etat à un marché répondant directement à la demande d’acteurs privés. Autoconsommation et PPA ne représentent encore qu’une part marginale du marché. Les garanties d’achat sont en outre encore indispensables à l’essor de l’autoconsommation dans le pays. Mais la bascule est inévitable. De nombreux spécialistes des EnR s’y préparent en investissant dans l’aval pour devenir des acteurs intégrés à même de commercialiser eux-mêmes leur électricité et de maîtriser les compétences pour répondre aux besoins des nouveaux clients. De fait, le décollage des renouvelables, et en particulier du photovoltaïque, offre la possibilité aux consommateurs de reprendre la main sur leur approvisionnement en électricité. A travers des communautés énergétiques, il s’agit bien d’obtenir, avec l’autoconsommation privée ou encore des contrats de gré à gré, une électricité verte et sur la durée à moindre coût que celle du réseau. Une transformation majeure qui ouvre aux opérateurs du secteur un potentiel de marché immense.
Peut-on légitimement s’attendre à une concentration du marché ?
Aujourd’hui, le paysage concurrentiel de l’exploitation de centrales solaires est encore très éclaté. Demain, il sera certainement plus concentré. Alors que les 15 premiers exploitants accaparaient seulement 54% de la puissance exploitée en 2020, cette part grimpera à environ 70% à l’horizon 2024, d’après notre scénario. Le mouvement de consolidation se fera à la fois par croissance organique, avec davantage de grands opérateurs toujours plus présents dans les appels d’offres, et par croissance externe, avec de nombreux rachats de parcs en projets et en exploitation ainsi que d’acteurs de petite et moyenne taille. Compte tenu des capitaux disponibles et des plans de croissance accélérés des énergéticiens tricolores et étrangers dans les renouvelables, nous estimons que les fusions et acquisitions d’envergure reprendront rapidement après une pause sur le marché français en 2020. Dans cette recomposition du paysage concurrentiel, trois grandes catégories d’acteurs endosseront les premiers rôles. Les grands énergéticiens généralistes – avec d’un côté les énergéticiens français (Engie, EDF et Total) et de l’autre les filiales d’énergéticiens étrangers – seront en position de force dans les grandes centrales au sol mais ils tenteront également de se renforcer dans les installations sur toiture. Viennent ensuite des ETI indépendantes des énergies renouvelables à forte composante solaire (comme par exemple Neoen ou Voltalia). Enfin, plusieurs grands spécialistes du solaire, surtout français, feront partie du peloton de tête des acteurs indépendants du marché tricolore. Tenergie, Reden Solar ou encore Technique Solaire présentent ce profil.
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