L’année dernière, PV Cycle France avait collecté environ 5000 tonnes de panneaux photovoltaïques usagés. L’épidémie de Covid-19 a-t-elle eu un impact sur les chiffres de 2020 ?
Nicolas Defrenne : Effectivement, nous avons collecté l’année dernière environ 4100 tonnes de panneaux en fin de vie, soit moins qu’en 2019. En raison de la pandémie, des chantiers de démantèlement ont été décalés ou annulés. La baisse, particulièrement visible sur le deuxième trimestre, n’a pas pu être entièrement rattrapée en dépit d’un quatrième trimestre meilleur que les années précédentes.
De plus, du fait des gestes barrières imposés, les centres de de regroupement et de traitement ne peuvent plus recevoir autant de camions qu’en temps normal. Le nombre de créneaux par jour est plus faible, ce qui réduit le roulement.
Nous ne savons pas encore si la diminution sera compensée l’année prochaine. En effet, de très nombreux paramètres interviennent dans le choix de changer ou non des panneaux. Par exemple, nous estimons que la renégociation des tarifs d’achat votée par l’Assemblée nationale aura peut-être un impact sur les volumes de panneaux à recycler. Si le prix d’achat de l’électricité baisse, le modèle financier initial sur le plan de rentabilité des panneaux évolue également.
Enfin, sur 2021, certains distributeurs nous ont annoncé qu’ils allaient fermer. Ce n’est pas dans des proportions énormes, mais nous devrions perdre quelques points d’apport volontaire parmi les 329 que nous recensons actuellement.
Malgré tout, la tendance est à une augmentation des volumes de panneaux à recycler. Quelles sont les prévisions ?
Depuis 2015, nous observons une croissance constante et elle va s’intensifier de manière logique, en raison de l’augmentation du nombre de projets de centrales solaires. En 2020, nous avons ainsi enregistré 136 000 tonnes de panneaux neufs mis sur le marché. En 2019, ce chiffre était de 92 000 tonnes. Etant donné le décalage de 20 à 30 ans entre l’installation et le recyclage, nous estimons qu’en 2021, nous devrions recycler 7768 tonnes de panneaux PV, puis nos prévisions tablent sur 19 000 tonnes en 2025, 38 000 tonnes en 2030, 80 000 tonnes en 2035, puis 120 000 tonnes en 2040, rien qu’en France.
La filière de recyclage actuelle permet-elle de suivre ces cadences ?
Clairement non. Il va falloir faire un effort considérable pour structurer la filière. A ce jour, il existe une seule unité de traitement entièrement dédiée au recyclage des panneaux photovoltaïques, celle de Véolia à Rousset, dans les Bouches-du-Rhône. Mais elle va arriver à saturation. C’est pourquoi nous avons lancé lundi 8 février des appels d’offres visant dans le cadre d’appels à projets à faire émerger deux unités supplémentaires sur le territoire national capables de traiter les différentes technologies : cristallin, cSi, aSi, CI(G)S, CdTe. La date limite de l’appel à consultation est fixée au 29 mars 2021. Nous contractualiserons avec les lauréats dès 2021, pour une mise en service en 2023.
Que deviennent ensuite les panneaux recyclés ?
A ce jour, en Europe, la majorité des panneaux PV est recyclé dans des unités de traitement de verre plat et termine en sous-couches routières. Ce ne sont pas des solutions dédiées et nous sommes persuadés que l’on peut faire bien mieux. Notre cheval de bataille repose donc sur la qualité des fractions obtenues et sur la mise en place d’une filière de recyclage à haute valeur ajoutée.
Selon nous, ce qui est important, ce n’est pas le coût de traitement, mais la différence entre la recette matière et le coût de traitement. Certains industriels recyclent par exemple à moins de 100 euros la tonne. Ils extraient l’aluminium et broient le verre, ce qui permet d’atteindre 80 à 90 % de taux de recyclage, conformément à la réglementation. Mais peut-être y avait-il des métaux précieux intéressants à récupérer.
C’est ce que nous faisons déjà avec Véolia et ce que nous voulons mettre en place en France : récupérer toutes les fractions, y compris le silicium, l’argent, le cuivre… et maximiser leur niveau de pureté. Certes, ces coûts de traitement sont alors plus élevés, mais le recycleur partage la revente des matériaux. Le silicium ainsi récupéré peut par exemple être utilisé dans la fabrication d’acier décarboné.
Nous sommes donc persuadés que c’est le bon modèle économique pour la filière. L’IRENA a confirmé cela en 2016 et estimé que la revente des matières premières extraites des panneaux solaires pourrait être valorisée à hauteur de 15 milliards de dollars en 2050.
Il s’agit d’une stratégie différente de ce qui se fait aujourd’hui en Europe. Cette différenciation sera renforcée par le changement de nom de notre éco-organisme.
Ce changement de marque est un acte symbolique ?
Oui, à travers cela, nous voulons ainsi signifier notre singularité, notre positionnement de pointe en Europe et également mieux refléter notre rôle de catalyseur d’innovation dans le domaine du recyclage à haute valeur ajoutée des panneaux photovoltaïques. Le nouveau nom sera révélé en juin, lors du salon BePositive.
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