Colloque national photovoltaïque : « les entreprises sont extrêmement dynamiques », insiste Jean-Louis Bal, président du SER

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pv magazine : D’abord l’actualité, avec un sujet qu’il est impossible d’éviter, la renégociation des tarifs avant 2011.

Jean-Louis Bal : Nous avons fait tout ce qui était possible de faire. Suite au recours au Conseil constitutionnel de parlementaires sur le projet de loi de finances 2021, nous avions également déposé, dans le cadre de la procédure dite de la « porte étroite », des éléments d’information. Le recours a été rejeté. Maintenant, le texte est adopté et nous allons passer aux textes réglementaires. Il y aura d’abord un décret définissant la notion de « rentabilité excessive », notion largement critiquable et critiquée, mais qui n’a pas de définition pour l’heure. Ensuite, il faut définir le fonctionnement de la « clause de sauvegarde », puisque la loi explique que la réduction tarifaire ne doit pas mettre en péril le fonctionnement des projets existants. Sur ce point, le SER va être consulté, comme Enerplan d’ailleurs. Le rapprochement déjà en cours entre les grands acteurs avant cette bataille commune qui n’a fait que ressouder les liens au sein de la profession.

Suivra un arrêté tarifaire qui va définir de nouveaux tarifs sur ces projets prè-2011. Pour l’heure ce que l’on sait de cet arrêté tarifaire, c’est que les tarifs seront fixés en fonction des zones géographiques (plus bas dans les zones ensoleillées et plus élevés dans les zones au nord) et un autre critère sera pris en compte, en fonction des équipements : centrale au sol ou sur bâtiment.

Cette renégociation se fonde sur un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) qui lui-même avait été élaboré à partir de données de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) sur les projets de cette époque. Nous avons demandé de disposer de ces données, mais, pour le moment, nous n’avons eu aucune réponse. Ce qui pose question car l’arrêté va être calculé à partir de ce rapport, c’est pourquoi il serait essentiel que la profession puisse en disposer.

Nous pensons que si la renégociation est appliquée de façon aveugle, cela mettrait en péril beaucoup de projets. Notamment, jusqu’à présent l’Etat ne veut pas prendre en compte le fait qu’il y a eu des changements d’actionnaires, et se fonde sur le niveau d’investissements consenti au moment de la mise en service des projets. Or, ce point est essentiel pour nous dans l’inventaire, car 60% des centrales ont été, depuis, acquises sur le marché secondaire, avec des achats de projets clé-en-mains.  Le développeur initial , souvent, n’est plus sur le marché. Par ailleurs, sur quelle base la clause de sauvegarde, qui sera actionnée dans tous les projets concernés va-t-elle se faire ? Sur le prix initial ou sur le prix d’acquisition par le porteur actuel.

Autre conséquence, pour les projets futurs, les institutions bancaires considéraient que le solaire et l’éolien à financer l’étaient sur des tarifs garantis par l’Etat. C’était donc « sans risque », avec des conditions de financement très favorables, notamment le ratio fonds propre et endettement et sur le niveau des taux d’intérêts qui est fonction du niveau de risque. Comment cela va-t-il se répercuter sur les nouveaux projets, nous ne le savons pas encore. Pendant la crise, en se fondant sur ce que disaient les banques, le LCOE des projets allait augmenter jusqu’à environ 15%… Bien, sûr, c’est un plafond, mais le risque est qu’il soit très conséquent et se reporte sur le niveau des projets et sur le coût pour la collectivité. En résumé, les économies faites d’un côté vont se répercuter sur le financement des nouveaux projets de l’autre.

Enfin, la question se pose aussi de la remise en cause de la parole de l’Etat, qui peut aussi avoir un impact sur d’autres filières, notamment l’hydrogène, qui va recevoir également des subsides. Or, à l’aune de cette remise en cause de la parole de l’Etat, rien ne dit que les tarifs d’achat de cette année en faveur du développement de la filière hydrogène seront pas remis un jour en cause aussi.

De plus, entre la phase des textes réglementaires et leur application (tout le premier semestre probablement), sans oublier qu’il risque d’y avoir énormément de contentieux, tout cela va prendre du temps. Si le SER ne pourra pas s’impliquer sur les projets individuels (ce sera le rôle des porteurs de projets), la procédure va prendre du temps et les recours à la clause de sauvegarde seront à instruire par la CRE ou DGEC… Quand on connait l’insuffisance des effectifs sur ces sujets, cela ouvre une période d’incertitude…

Jean-Louis Bal président du SER

EDM

Revenons maintenant sur l’année écoulée et sur les différents marchés. Où en sommes- nous ?

Nous n’avons pas encore les chiffres du dernier trimestre, mais au 30 septembre, 10 200 MW étaient installées en France métropolitaine. Pour rappel, nous devrions être à 20 000 MW en 2023. Sur le troisième trimestre, 283 MW ont été installés, ce qui, si on extrapole, permet d’approcher le GW annuel… Ce qui n’est pas extraordinaire, car il faudrait être entre 3 GW et 4 GW par an, suivant que l’on prend en compte la fourchette haute ou basse de la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie).

En outre, face à l’énergie consacrée au premier point (la modification tarifaire), il n’est pas possible de consacrer du temps à l’édification du futur, c’est-à-dire les nouveaux appels d’offres, même du côté de la DGEC.

Nous atteignons, en solaire, une couverture de 3% de la conso d’électricité. Avec l’éolien, cela représente de 11% à 12% de couverture des besoins ; ce qui signifie que nous ne sommes plus du tout dans l’épaisseur du trait. Dans le bilan à fin septembre 2020, la couverture de la consommation par les renouvelables est de 27%, motivée en partie par la diminution de la consommation, mais la production a augmenté de 22% par rapport à 2019.

Côté segments de marché, sur 2020, il y a environ 49% de centrales au sol, en termes de puissance, le reste est sur bâtiments, avec des chiffres très disparates en fonction de la taille des bâtiments.

Sur les centrales au sol, dont la part est en hausse, au sein de cette part, on voit apparaître les projets innovants (agrivoltaïque, ou le flottant), qui ont un potentiel de développement relativement très important. Concernant le flottant, ce qu’on a constaté, notamment sur le projet « historique » de Piolenc, c’est que si les coûts sont certes supérieurs à une centrale classique, le différentiel n’est pas énorme.

Flottant et agrivoltaïsme ouvrent des perspectives en termes de nouveau foncier. Un sujet sur lequel il y a une réflexion à avoir. De plus en plus, les centrales au sol sont critiquées.

Dans le cadre des AO CRE, elles doivent être sur des terres dégradées ou friches, mais cela limite fortement le développement possible. Nous avons regardé les impacts des centrales au sol sur l’implantation dans les territoires. En restant sur moitié implantations au sol et moitié sur bâtiment, on devrait installer quelque 17 GW en centrales au sol d’ici à 2028, soit occuper entre 18 000 et 27 000 hectares suivant les sites, soit 0,04% à 0,06% de la superficie de la France. C’est un premier point de repère.

Autre élément à mettre en perspective : l’artificialisation des sols par d’autres moyens, aujourd’hui c’est 55 000 hectares par an, alors que pour le PV les chiffres s’étalent sur huit ans. Sans oublier l’extension de la forêt, qui représente 85 000 ha/an, en reforestation sauvage. Pour le PV, il en suffirait de 3 000 ha, sous lesquels on peut conserver de la biodiversité, qui n’imperméabilise pas le sol, contrairement à des équipements commerciaux etc., et qui est démantelable, tout en continuant de faire prospérer de l’élevage ovin par exemple…

Il faut donc absolument mener une réflexion sur ce sujet. Il est nécessaire de consacrer une partie des terres agricoles abandonnées à de la production d’énergie par solaire PV et ainsi assurer de nouveaux revenus aux agriculteurs et conforter cette profession. C’est l’une des raisons pour laquelle l’agriculture allemande est plus compétitive, car beaucoup d’énergies renouvelables ont été développées sur de telles terres agricoles (du PV au biométhane, en passant par l’éolien), autant de moyens qui confortent leur activité.

Quels sont les grands chantiers pour 2021 ?

En 2021, il faudrait engager cette réflexion sur le nouveau foncier. Les autres chantiers qui nous attendent : d’abord l’ouverture aux tarifs d’achat des installations allant jusqu’à 500 kW, annoncée par Elisabeth Borne (alors ministre de la Transition écologique) au salon de l’agriculture fin février 2020, et toujours pas mis en œuvre. Ce guichet ouvert n’est toujours pas fonctionnel.

C’est un gros chantier, mais cela fait onze mois que cela dure. Nous avons écrit à la ministre fin décembre, car c’est un chantier qui prive de visibilité le secteur.

L’autre chantier, c’est le lancement des nouveaux AO, car nous avons clôturé celui des AO précédents. Or, juste avant l’ouverture de notre colloque (une réunion entre professionnels et pouvoirs publics est prévue pour ce jour, 19 janvier), nous ne connaissons toujours pas le cahier des charges, et nous n’avons pas de réponse de la ministre. Ces sujets – guichet ouvert 500 kW et AO -, sont aussi le reflet des insuffisances de moyens humains de la DGEC sur les ENR…

En outre, pour nous, 2021 sera une année pré-électorale, avec un colloque annuel décalé au 7 octobre. Comme pour les élections précédentes, nous allons publier notre Livre blanc, mais cette fois avec quelques mois d’avance. Ce sera l’occasion d’exprimer toutes nos revendications pour accélérer sur les ENR, notamment sur le PV, pour lequel nous sommes loin des objectifs.

Il y aura aussi, au niveau européen, la révision de l’encadrement des aides d’Etat. Pour le moment, nous n’avons pas de craintes particulières pour le solaire…

Autre sujet à mettre sur la table, la préparation de la prochaine PPE. Normalement la PPE devra faire objet d’une loi et on ne pourra réviser la nouvelle PPE qu’après les élections à venir. Mais depuis le lancement de la PPE actuelle, l’UE a augmenté les objectifs 2030 d’émissions de GES ; nous sommes passé de 40% de recul à 55%. Cela implique de revoir la PPE, et on ne peut pas attendre 2023 pour réviser une PPE en fonction d’objectifs à atteindre en 2030. Quand on se souvient que l’actuelle PPE a mis 2 ans et demi à être élaborée… Sans compter le passage au Parlement…

Une note positive ?

Oui, la souveraineté industrielle. Quand le président Macron a parlé lors de sa visite au Creusot, au-delà du nucléaire, qui a été retenu, il a également évoqué les usines pour l’éolien en mer (Saint-Nazaire, Cherbourg et Le Havre). Il y a maintenant en plus des projets d’implantation industrielle dans le PV, avec deux exemples. D’abord, REC Solar à Hambach, et 680 M€ d’investissements. La procédure de concertation préalable, sous égide de la CNDP, devrait se terminer le 5 février, et permettra aux différents investisseurs de se lancer (REC Solar, CEA , BPI et la Caisse des dépôts). En outre, le projet utilisera la technologie de l’hétérojonction développée à l’INES ; Un très beau projet, avec 1 500 emplois pour le premier niveau à 2 GW et l’objectif de passer à 4 GW par an ensuite.

Il faut se féliciter que la France apparaisse comme le premier choix, grâce à sa proximité avec les centres de recherche et avec les différents marchés européens (Allemagne, Italie Espagne et France).

Ensuite, le deuxième projet industriel, c’est Belenos, le rapprochement de deux fabricants français de panneaux Systovi et Voltec Solar qui ont pour objectif une capacité de production de 1 GW par an, dès cette année.

Sans oublier les projets d’usine de tuiles solaires, ou de fabrication de flotteurs pour le solaire, qui vont aussi faire objet d’investissements industriels.

Au niveau des indicateurs positifs, il y a aussi le développement de l’autoconsommation, qui reste marginale, mais qui montre une croissance assez forte quand même, ce qui amènera certainement à diminuer progressivement le soutien public.

Enfin, il y a aussi les nouvelles formes de commercialisation, plus particulièrement les PPA. Encore marginal, ce segment devrait se développer. Nous travaillons à la mise en place d’un fonds de garanties pour favoriser ces PPA, plus particulièrement pour les plus petites entreprises. La question qui se pose actuellement pour pouvoir signer de tels contrats est notamment : Est-ce que mon fournisseur va survivre, est-ce que mon client va survivre sur la durée du contrat, soit jusqu’à 25 ans ?

En conclusion ?

Avec l’administration et les cabinets gouvernementaux, nous sommes dans une crise de confiance et il faut rétablir un climat de confiance pour pouvoir avancer sur les dossiers, notamment sur le PV.

Par ailleurs, les entreprises sont extrêmement dynamiques, elles l’ont montré lors de cette crise sur le solaire. Elles sont combattives et compétitives, notamment les trois grands (EDF, Engie et Total), mais aussi beaucoup de grosses PME qui montrent un vrai dynamisme et nous devons nous attendre à une montée forte.

Lors de la visite du Président Macron au Creusot, la presse a rapporté ce qu’il y avait sur le nucléaire, mais il a aussi confirmé l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 2035, une PPE en faveur de renouvelables compétitives, et de la souveraineté dans le secteur des ENR. Au-delà de 2035, bien malin qui pourra dire quel sera le mix énergétique, selon le Président.

Côté électrification des usages, avec le véhicule électrique qui semble se développer plus rapidement que ce qui était anticipé, dans le bâtiment aussi, essentiellement avec des pompes à chaleur notamment géothermiques, la consommation d’électricité, cela sera favorable au développement des ENR électriques.

 

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