Dans la nuit du 15 au 16 décembre, à cinq heures du matin, les députés ont adopté en deuxième lecture l’amendement 54 Sexies, sur la renégociation des tarifs d’achats signés entre 2006 et 2010. L’article, pourtant supprimé par les Sénateurs, avait été rétabli par la Commission des finances de l’Assemblée. Parmi les députés qui sont intervenus, la députée Véronique Louwagie (Orne) a rappelé que de nombreux agriculteurs avaient investi dans des centrales photovoltaïques pour assurer l’équilibre économique de leurs exploitations. « J’en appelle à la sagesse des députés pour que les agriculteurs ne subissent pas ce changement de tarif », a-t-elle invoqué.
Eric Woerth, président de la commission des finances, a une nouvelle pris la défense du secteur solaire. « Tout cela n’est pas très glorieux pour l’Etat de casser des contrats de cette façon-là, a-t-il plaidé. On peut se dire que les tarifs étaient trop payés, mais c’est aussi le prix du risque de l’époque, les contrats ont été revendus etc... Ce n’est pas non plus ordinaire que de le faire avec une telle brutalité, pour une bonne raison c’est qu’il n’y a pas eu de concertation. Il n’y a pas eu une mise en commun du sujet et puis une tentative de conciliation, c’est vraiment extraordinairement brutal ». En dépit de ces arguments, les députés ont voté à la majorité l’amendement.
Les réactions des syndicats professionnels
Pour le Syndicat des énergies renouvelables, malgré la mobilisation de nombreux parlementaires ces dernières semaines, pour repousser ou aménager la remise en cause des contrats solaires antérieurs à 2011, le gouvernement est resté inflexible en imposant à l’Assemblée Nationale le vote de son amendement dans sa formulation initiale. « L’approche qu’a choisie le gouvernement impliquera de réouvrir des centaines de contrats, ce qui va nécessairement prendre beaucoup de temps et risque de geler les activités des entreprises concernées pendant des mois. Cela va bloquer l’activité de la filière et accentuer encore le retard de la France au moment où le changement climatique nous impose au contraire d’accélérer la transition énergétique », déplore Jean-Louis Bal, Président du SER.
Pour Daniel Bour, président d’Enerplan, « le gouvernement est passé en force malgré la grande mobilisation des parlementaires de tout bord pour rejeter ou au moins atténuer le texte de cet amendement. Pourtant, la profession unie a travaillé dur depuis deux mois pour lui faire des propositions courageuses qui n’ont malheureusement pas été jugées recevables. Enerplan le déplore. Alors que les décrets d’application vont être préparés, il est plus que temps d’entamer la concertation que le gouvernement affirme appeler de ses vœux. Nous sommes prêts à nous y impliquer aux côtés de l’administration, mais nous attendons des pouvoirs publics qu’ils nous permettent de trouver une solution acceptable pour les producteurs d’électricité concernés ».
« Une deuxième phase débute désormais, au cours de laquelle il est essentiel que puissent s’ouvrir de véritables négociations avec les pouvoirs publics, cette fois-ci sur la base d’une vraie étude d’impact des conséquences de cette mesure sur la filière en lieu et place des calculs théoriques dénués de tout fondement dont l’administration s’est contentée jusqu’ici. En particulier, tout le raisonnement des pouvoirs publics s’appuie sur une notion de « rentabilité excessive » qui n’a jamais été ni démontrée ni même quantifiée. Le SER, ENERPLAN et l’ensemble des producteurs seront pleinement mobilisés au cours des prochaines étapes réglementaires et en particulier pour éclairer les services de l’Etat sur les réalités économiques des installations solaires concernées – cet échange devant évidemment se tenir au plus vite et très en amont de la publication des textes d’application ».
Enfin, Solidarité Renouvelables rappelle que le projet de révision des contrats photovoltaïques, mené sans étude d’impact ni consultation préalables, était lourd de conséquences pour la filière française des énergies renouvelables :
– Risque de faillite pour plusieurs centaines d’agriculteurs engagés dans le photovoltaïque (environ la moitié des 850 contrats visés),
– Risque d’insolvabilité pour la très grande majorité des centrales qui sont endettées, menaçant directement la viabilité des producteurs qui les opèrent, essentiellement des acteurs indépendants ancrés dans les territoires,
– Dégradation des conditions de financement des énergies renouvelables, fragilisant l’atteinte des objectifs de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE),
– Perte d’attractivité de la France aux yeux des investisseurs, notamment étrangers, engagés dans le déploiement des énergies renouvelables,
– Gain financier nul, et potentiellement perte, pour les finances de l’Etat.
« Solidarité Renouvelables poursuivra sa mobilisation en continuant de faire entendre la voix des professionnels du renouvelable pendant la phase d’élaboration du décret d’application, tout en étudiant tous les recours juridiques possibles. Le vote qui s’est tenu aujourd’hui à l’Assemblée n’est qu’une étape, et il est encore temps pour le Gouvernement de renoncer à ce projet néfaste et anachronique. A l’heure où le Président Emmanuel Macron annonce un référendum pour inscrire la défense du climat dans la Constitution, le moment ne saurait être plus mal choisi pour saborder notre filière renouvelable française », conclut le texte.
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