« Dans le contexte de l’Accord de Paris, la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050, ce qui implique des émissions quasiment nulles en CO2 dans la production d’électricité à cet horizon, souligne Philippe Quirion, chercheur au CIRED (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement) et au CNRS (Centre national de la recherche scientifique). Or, en 2050, quasiment toutes les centrales nucléaires auront dépassé 60 ans d’activité et devront être mises à l’arrêt. D’où la question : par quoi remplacer cette source d’énergie dans le futur, par les renouvelables, le nucléaire et/ou la capture-stockage du CO2, qui sont trois familles de technologies permettant de produire de l’électricité sans émission de gaz à effet de serre ? ».
Dans un premier temps, l’équipe de chercheurs du CIRED s’est uniquement penchée sur les énergies renouvelables et a mis en ligne un outil interactif étudiant 315 scénarios différents pour permettre de répondre à deux interrogations : quel parc de production et de stockage satisfera la demande d’électricité pour un coût minimal, en France, en 2050 et quelle est la sensibilité du modèle aux données météo et aux hypothèses de coût ?
« Pour extrapoler le mix énergétique en 2050, nous avons étudier le profil de production sur 18 années passées (2000-2017), souligne Behrang Shirizadeh, docteur au CIRED, financé par Total R&D, qui a participé à l’étude présentée le 19 novembre dernier. Cela nous permet de couvrir à peu près tous les cas de figure, quand le vent ne souffle pas, ou quand l’ensoleillement est très important ». Le changement climatique à prévoir pour les prochaines années a également été pris en considération. « Mais contrairement à d’autres pays, nous partons du principe qu’il n’aura qu’un impact minime (5 %) sur la production solaire et éolienne », complète Philippe Quirion. Parmi les sources de surestimation du coût total de la production d’électricité en 2050, les chercheurs ont aussi exclu tout import-export d’énergie, l’optimisation spatiale (PV au sud du pays et éolien au nord) et le vehicle-to-grid.
Concernant le solaire, l’outil en ligne mis à disposition propose ainsi comme hypothèse de prix moyen 423,4 euros/kW, qui peut être modulé vers le haut (+ 25 % et + 50 %) et vers le bas (- 25 % et – 50 %) pour prendre en compte toutes les hypothèses d’évolution des prix des installations PV.
Par exemple, avec un prix du solaire à 317,55 euros/kW en 2050, le modèle détermine que le mix énergétique optimal sera composé de solaire (150 GWc), d’éolien terrestre (75 GWc), le biogaz (25 GWc), l’hydraulique (20 GWc) et d’éolien en mer (10 GWc). Le solaire génèrera plus de 200 TWh/an et le coût moyen de production (LCOE) sera à 20 euros/MWh pour le solaire et le double pour l’éolien. Parmi les conclusions :
– Le coût total de ce scénario est de 20.54 milliards d’euros par an, en incluant les coûts d’investissement, de raccordement au réseau électrique, de fonctionnement et de maintenance (mais pas les coûts de transport et distribution d’électricité).
– Le coût moyen de production pour l’ensemble du système est de 48.64 euro/MWh.
– Le stockage représente 17.05 % du coût total.
– L’écrêtement est de 13.35 % de la production annuelle.
– Les pertes de stockage représentent 6.81 % de la production annuelle.
« Notre objectif est d’éclairer le débat public pour faire des choix de développement et de financement des énergies », complète Philippe Quirion. Ainsi, l’un des premiers enseignements concerne le stockage. « Contrairement à ce qu’on entend actuellement, le coût du stockage ne va pas exploser. Il va rester relativement raisonnable, autour de 15 à 20 % du coût final, y compris en prenant toutes les marges de sécurité recommandées aujourd’hui par les régulateurs français et européen », avance Quentin Perrier, chercheur sur les politiques publiques de transition bas-carbone à l’Institut de l’Economie pour le climat (I4CE).
Autre conclusion : « le mix électrique optimal est très dépendant des coûts des technologies que l’on suppose pour 2050 », poursuit Quentin Perrier. Autrement dit, moins une technologie sera chère, plus elle sera privilégiée. « Mais finalement, ce n’est pas si important, car le coût total du système électrique varie peu quelles que soient les hypothèses. De fait, choisir un système électrique sur la base d’une anticipation erronée des coûts ne cause selon nos calculs qu’un surcoût de 4 % en moyenne sur le coût du système électrique, poursuit le chercheur. Donc, le message de notre étude est qu’il ne faut pas forcément attendre de trouver le mix électrique optimal, mais de débloquer dès maintenant les investissements dans les énergies renouvelables pour les faire avancer ».
Afin de poursuivre sa réflexion, le CIRED présentera le 14 janvier 2021 une étude sur la place respective du nucléaire, des énergies renouvelables et du CCS dans le mix électrique de 2050.
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