La problématique concerne la participation aux frais d’utilisation et de maintenance du réseau de distribution d’électricité. Jusqu’à présent, en Wallonie, les « prosumers » (les autoconsommateurs) n’y contribuaient pas. Dotés d’un compteur qui tourne mécaniquement dans un sens lorsque l’on prélève l’électricité et dans l’autre sens lorsqu’on en injecte, ils bénéficiaient d’un système de net-metering (facturation nette) basé sur la différence entre l’énergie solaire produite et l’énergie consommée annuellement. « Si, sur l’année, le prosumer produit la même chose que ce qu’il consomme, il ne paye presque plus rien en fin de compte », explique Benjamin Wilkin, le secrétaire général de l’APERe, l’association pour la promotion des énergies renouvelables, à pv magazine. « D’un côté, ce système d’incitation est motivant pour l’achat de systèmes photovoltaïques résidentiels, mais, de l’autre côté, il constitue une charge financièrement plus lourde à mesure que les prosumers se généralisent. »
En outre, la situation n’est pas équitable pour tous les utilisateurs du réseau, estime le régulateur de l’énergie wallon, la Cwape. Pour y remédier, il préconise depuis longtemps l’introduction d’un « tarif prosumer », un tarif qui « vise à ce que tout utilisateur, prosumer comme non-prosumer, qui soutire de l’énergie sur le réseau (par exemple en hiver, par temps nuageux ou encore la nuit) contribue de la même manière pour la même utilisation du réseau, ce qui n’est pas le cas actuellement. En cas de surproduction, le compteur des prosumers tourne à l’envers (tant pour la composante énergie que pour la composante régulée). Le prosumer peut injecter gratuitement son énergie dans le réseau (il n’y a pas de tarif d’injection dans son cas), mais il est équitable qu’il participe aux frais du réseau lorsqu’il prélève de l’énergie qu’il n’a pas produite lui-même au même instant », explique la Cwape à pv magazine.
Les échanges au sujet de cette redevance ont été nombreux au sein du gouvernement wallon. Initialement prévu pour une application au 1er janvier 2020, la Cwape lui avait donné quatre mois pour trouver un accord. Bien que tous les contours ne soient pas définis, c´est maintenant chose faite : le gouvernement est parvenu à un accord le samedi 2 mai au sein de la coalition PS-MR-Ecolo.
« Les prosumers payeront pour l’usage supposé qu’ils font du réseau, selon la puissance de l’installation et selon le taux d’autoconsommation annuel théorique », explique Benjamin Wilkin. « Il sera également possible de demander à changer de compteur pour installer un compteur double-flux. Dans ce cas, on pourra payer la redevance selon le prélèvement réel et non le prélèvement supposé. »
Report et compensation du tarif
Des mesures d’accompagnement au tarif prosumer seront mises en œuvre, précise le ministre wallon de l’Énergie Philippe Henry, par exemple une prime à l’installation de domotique ou la compensation financière pour partie de la redevance. Ces mesures, encore floues à l’heure actuelle et pour lesquelles une enveloppe de 200 millions d’euros devrait être dégagée, devraient être précisées début juin.
Le report du tarif prosumer au 1er octobre 2020 a, lui, bien été acté.
« On arrive donc à un système où les prosumers contribuent au frais du réseau, et reçoivent en contrepartie une aide financière » souligne B. Wilkin. « Cela peut leur permettre de mieux autoconsommer, par exemple en déplaçant leur charge, en veillant à consommer en même temps qu’ils produisent – et éventuellement en achetant une batterie, bien que cet investissement soit encore très coûteux », ajoute-t-il reconnaissant que les comportements de consommation jouent désormais un rôle important pour les prosumers.
Un secteur dominant en Belgique
Dans l’entretien avec pv magazine, Benjamin Wilkin rappelle que la Belgique est l’un des pays les plus développés en ce qui concerne le photovoltaïque résidentiel : en nombre d’installations sur le territoire, plus de 85 % sont des systèmes résidentiels. Le système de net-metering est ainsi très développé. « Il y a l’équivalent d’à peu près une maison sur 10 qui est équipée de solaire », précise-t-il. « Le système d’aides pour l’autoconsommation mis en place était devenu trop généreux », ajoute-t-il.
Critique envers les nouvelles mesures gouvernementales, le mouvement contestataire Touche Pas à mon Certificat Vert (TPCV) questionne notamment la notion d’équité quant à la participation aux frais de réseau, les prosumers ayant par exemple reversé une taxe via la TVA lors de l’acquisition de leur système photovoltaïque. « Nous sommes bien évidemment au cœur de ce dossier en ce qui concerne l’intérêt de nos membres et feront le maximum pour que l’accord et le tarif n’ait aucune incidence sur la facture jusqu’en 2024 », déclare le mouvement sur les réseaux sociaux.
« Les mouvements citoyens de prosumers, tels que Touche Pas à mon Certificat Vert sont très réactifs et n’hésitent pas à défendre leur droit sur le plan pénal », explique Benjamin Wilkin. Si ce mouvement illustre bien l’essor de l’énergie décentralisée, lié au développement des énergies renouvelables, il ne permet pas toujours de trouver les compromis nécessaires à la croissance de la filière, ajoute-t-il.
« Il faut que le système d’aides persiste, mais différemment. Le marché PV n’est pas intégré de manière structurelle. Une réflexion sur un mécanisme de soutien par tranche de puissance serait souhaitable », estime-t-il. « Le système d’aide doit être couplé à des mécaniques de marché jusqu’à ce qu’il soit autoporté. »
Pour conclure, Benjamin Wilkin rappelle que le système de net-metering tel qu’il existe actuellement devra de toute façon s’arrêter d’après la Directive européenne (UE) 2019/944. « Selon le new market design européen, au 1er janvier 2024, on ne pourra plus octroyer un système de net-metering sans participer aux coûts de réseaux. »
Ce contenu est protégé par un copyright et vous ne pouvez pas le réutiliser sans permission. Si vous souhaitez collaborer avec nous et réutiliser notre contenu, merci de contacter notre équipe éditoriale à l’adresse suivante: editors@pv-magazine.com.
Extrait de mon dossier : “ÉVALUATION DE LA PERTINENCE DU TARIF PROSUMER”
http://www.retrouversonnord.be/TARIF_PROSUMER.doc
Dans l’élaboration du tarif prosumer, les responsables de la CWAPE se sont donc bornés à reprendre intégralement, tel un copier-coller, la partie “frais de réseau” de la facture des consommateurs, en mettant finalement et erratiquement les prosumers sur le même pied que les consommateurs ordinaires, ce qui, par-dessus le marché, les discrimine par rapport aux autres producteurs d’électricité.
En tant que régulateur indépendant et à l’égard entre autres des prosumers, la CWAPE a pourtant été contrainte par l’UE de respecter notamment les principes fondamentaux de non-discrimination et de réflectivité des coûts ; on a pu constater qu’elle ne les remplissait finalement et manifestement pas à l’adresse des prosumers.
Pour arriver à un tel constat affligeant, j’ai d’abord mis en exergue que factuellement, l’électricité injectée ne devait finalement souffrir d’aucun frais de prélèvement.
Ensuite j’ai observé que l’électricité injectée, mais non reprise à terme, n’était pas rémunérée, ce qui constitue une évidente discrimination par rapport aux gros producteurs d’électricité photovoltaïque (installations supérieures à 10 KW).
J’ai fait aussi état qu’en participant à la baisse progressive, inéluctable et continue du prix de vente l’électricité, les prosumers ont contribué et continueront de faire économiser de nombreux frais aux non-prosumers, mais aussi au réseau et donc aux GRD et autre ELIA.
Pourtant, il était de toute façon normal et attendu que les non-prosumers financent la manière dont l’électricité est produite et ce, d’où qu’elle vienne ; en conséquence il est particulièrement malvenu qu’ils s’insurgent contre le fait de n’apporter en fait qu’une maigre quote-part financière pour subventionner le photovoltaïque, via une modique somme payée par an, en regard des centaines d’eruos épargnés grâce aux EnR, ce qui ne pourra que perdurer encore dans le temps.
Enfin, j’ai démontré que tous les autres postes des frais de prélèvement réclamés ne devaient en rien être supportés financièrement par les prosumers : ils contribuent en effet au réseau d’une manière bien excédentaire et ils le subventionnent déjà concrètement depuis toujours : leur participation engendre des gains bien supérieurs au montant du tarif prosumer réclamé, tout au bénéfice non seulement des non-prosumers, mais de toute la collectivité, sans parler de tous les bénéficiaires directs ou indirects des “frais de réseau” (Etat, GRD, Elia…).
.
Cerises sur le gâteau offertes par les constatations et analyses argumentées extraites du Mémoire de droit (UCL) cité par rapport à la méthodologie tarifaire utilisée par la CWAPE :
1. le fait que, concernant les prosumers, « il n’est objectivement pas permis de conclure à une insuffisance de contribution au réseau, et a fortiori d’imposer une redevance particulière à une catégorie d’utilisateur.
Cela irait directement à l’encontre des principes de régulation des tarifs ».
2. un défaut manifeste dans le chef de la CWAPE est de ne pas avoir pris la peine de procéder à une évaluation chiffrée préalable des coûts évités entre autres pour le réseau grâce aux prosumers ; c’était pourtant une obligation européenne : « La Directive Électricité impose en effet aux ARN de prendre en considération les coûts évités ».
.
La seule prise en considération de seulement l’une des deux carences décrites ci-avant, invalide ipso facto la démarche tarifaire en question à laquelle s’est livrée la CWAPE, parce que cela a donc complètement faussé sa méthodologie en se basant sur des présupposés dogmatiques et partagés par ceux beaucoup de non-prosumers et mêmes des spécialistes : entre autres et principalement le fait qu’il apparaît donc manifestement simpliste et réducteur que, puisque le prosumer utilise le réseau, il doit y contribuer financièrement, comme le fait un consommateur courant.
Payer le réseau de la part du prosumer ne repose en effet que sur une apparente mais donc fausse évidence. Il faut donc en déduire que l’attitude de la CWAPE, aussi bien dans la préparation que dans le scellement du tarif prosumer, a donc été résolument arbitraire !
>>>
Suite :
Dans la cours de cet argumentaire, il a été nécessaire de rappeler ensuite le contenu précis des directives de l’UE confortées par les prises de position de son Parlement, notamment à l’adresse des organes de régulation comme la CWAPE : la prise en compte de coûts qui reflètent la réalité, les “coûts évités” comme les “coûts de réseau marginaux évités”, les “réductions de coût réalisables grâce au raccordement de l’installation au réseau”, l’évitement de toute discrimination…
De telles prises en considération semblent donc avoir été en tout ou en partie absentes dans la méthodologie tarifaire utilisée par la CWAPE.
Force est de constater que le processus qui a abouti au tarif prosumer a donc éludé le recours à de telles prises en compte, entre autres comme démontré, par défaut d’études préalables précises et destinées à les évaluer précisément et correctement.
A cet égard, la CWAPE semble en plus en infraction avec les directives européennes, comme démontré largement.
Dans de telles conditions, l’attitude de la CWAPE surprend, car elle se rapporte au fait que, pour elle, le tarif prosumer est justifié et elle fait donc erronément croire qu’autrement il y a, d’une part un manque de solidarité des prosumers à l’égard des non-prosumers et d’autre part que les prosumers augmentent les coûts des GRD.
En fait, comme démontré, vu les nombreux coûts évités entre autres pour le réseau grâce aux prosumers, c’est tout le contraire en fait qui se passe et depuis le début : l’importante quote-part des prosumers a déjà permis de limiter entre autres les coûts des GRD.
Une réelle solidarité serait alors de faire participer financièrement autant les non-prosumers que les prosumers à un tel processus pour que la solidarité soit effective.
Cet état de fait qui témoigne d’un déséquilibre évident à la manifeste défaveur des prosumers rend alors d’autant plus injustifiée l’imposition de quelque tarif prosumer que ce soit…
Il y a donc manifestement une inversion des rôles !
.
En conséquence, confortée par plusieurs angles concordants, la conclusion de tout l’argumentaire développé ici est que l’instauration d’un tarif prosumer ne se justifie finalement en rien et en tout premier lieu, à fortiori pas à l’égard des pionniers qu’ont été les prosumers qui se sont équipés d’une installation photovoltaïque avant 2014
et qui se voient alors doublement injustement mis à contribution.
En effet, avant cette date, il n‘a jamais été question d’un quelconque tarif prosumer : ce n’est qu’en 2014 qu’on a commencé à en faire allusion ; en conséquence, le principe juridique de la non-rétroactivité doit leur être indiscutablement appliqué et ne peut être bafoué.
De plus, en toute équité, vu les colossaux avantages entre autres financiers que les non-prosumers ont généreusement reçus des non-prosumers, ainsi que le fait qu’ils ont permis l’évitement de nombreux coûts consécutifs au bénéfice des non-prosumers, mais aussi de toute la collectivité, il serait attendu et juste qu’on accorde à vie des subsides aux prosumers et par exemple sous forme d’une prime par kWh injecté.
C’est en effet conforme au respect de tout équilibre économique et de l’équité.