De la nécessité de réexaminer la robustesse du système électrique européen (France Stratégie)

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D’abord, les auteurs de la note, Etienne Beeker et Marie Dégremont, confirment que « la très grande majorité des producteurs d’énergie renouvelable ne sont pas touchés par la crise puisque les quantités d’électricité produite dépendent de l’apport éolien et de l’ensoleillement, et que le prix d’achat est garanti sur la quasi-totalité des volumes produits. » Les seuls producteurs qui « font état de difficultés » sont ceux de biométhane et de chaleur renouvelable, une conséquence, estiment les auteurs du déficit de main-d’œuvre agricole, laquelle est réservée en priorité à la récolte des cultures vivrières.

Equilibre offre-demande

Côté demande, la chute de l’activité, notamment industrielle et tertiaire, a fait fortement reculer la consommation, faisant augmenter la part, dans l’offre globale, de moyens de production « non pilotables », au titre desquels le solaire et l’éolien, mais aussi certaines centrales nucléaires (la moitié du parc environ) voire certaines installations au gaz non flexibles. « La part de ces moyens de production non pilotables peut même dépasser la demande. Dans ce cas, la priorité d’injection sur le réseau des énergies renouvelables conduit les gestionnaires de ce réseau à arrêter des centrales conventionnelles – au charbon, gaz ou nucléaire –, pourtant par nature flexibles et permettant d’assurer l’équilibre offre- demande à court terme, » explique France Stratégie. En outre, l’arrêt de certaines productions industrielles empêche un recours aux moyens « interruptibles », « privant le système d’un levier important d’ajustement de la consommation. De fait, la marge assurée par certains industriels ayant la possibilité de faire varier leur production et ayant contractualisé le fait de moduler leur consommation d’électricité à la demande de RTE se réduit. »

En outre, le mois de mars et la première période d’avril (mais cela se prolonge actuellement) qui incluent la période de confinement ont été particulièrement ventés et ensoleillés et sont typiques d’une telle situation. « La demande y a été si basse par moments, les week-ends en particulier, que plusieurs centrales nucléaires et conventionnelles ont été mises à l’arrêt en Europe, générant des épisodes de prix négatifs particulièrement longs, » signalent les auteurs. Un pic de chute de la demande a d’ailleurs été enregistré par RTE le week-end de Pâques. Conséquences, les centrales à gaz (au le coût marginal de fonctionnement est généralement le plus élevé) sont les premières à être arrêtées, alors que ce sont souvent les plus flexibles, insistent-ils.

Côté prix, les auteurs indiquent que « la baisse des prix du marché de gros va également augmenter mécaniquement le coût du soutien public aux énergies renouvelables disposant d’un tarif d’achat garanti sur la presque totalité des volumes produits – soit la quasi-totalité des installations hors grande hydroélectricité. Avec un tarif d’achat de 70€/MWh (une valeur moyenne pour l’éolien) et un prix de marché de 55 €/MWh, le coût du soutien est de 15 €/MWh. Avec un prix de marché de 20 €/MWh, ce coût passe à 50 €/MWh. Il va entraîner un déséquilibre du compte d’affectation spécial Transition énergétique rattaché au budget de l’État et alimenté par la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE), dont les recettes sont par ailleurs en forte diminution : les dernières estimations faisaient état d’une perte de 1,5 milliard d’euro, en raison de la chute de la consommation de produits pétroliers suite aux mesures de confinement. Rappelons qu’au titre de 2020, le soutien aux énergies renouvelables électriques représente 65% des charges de service public de l’énergie, soit environ 5,2 milliards d’euros selon la CRE. »

Ainsi, concluent les auteurs, « la chute impressionnante de l’activité économique engendrée par le confinement aurait pu créer des marges de manœuvre facilitant la gestion du système de production, de transport et de distribution de l’électricité. Il n’en est rien. Plusieurs effets de la crise fragilisent ce système plutôt qu’ils ne le consolident ». La crise augmente la part relative des énergies renouvelables intermittentes dans la production d’électricité, ce qui accroît la volatilité des volumes produits (et de manière corollaire des prix de marché) et nécessite la présence de plus de moyens flexibles sur le réseau, alors que ceux-ci se trouvent mis à l’arrêt. En outre, la crise conduit, « pour des raisons tenant aux règles du confinement ou aux difficultés d’approvisionnement, à décaler un certain nombre de travaux de maintenance ou de chargement de combustible qui devaient avoir lieu d’ici l’hiver prochain sur divers moyens de production (centrales thermiques – nucléaires ou fossiles – mais aussi énergies renouvelables). » Or, insiste le « point de vue, « ce décalage risque de peser sur la disponibilité des centrales pilotables au moment où le froid pourrait conduire à les solliciter davantage. Les fragilités intrinsèques du système électrique européen pourraient ainsi être exposées dans les mois à venir. »

Enfin, « la chute des cours de gros résultant de la baisse des volumes pèsera sur les comptes d’EDF ; les bénéficiaires du mécanisme de l’Arenh (Accès réglementé à l’énergie nucléaire historique, ndlr) ne pourront tirer parti de la baisse des cours, puisqu’ils ont le plus souvent opté pour un prix fixe. Ils pourront en outre subir la concurrence des opérateurs ne l’ayant pas fait dans des conditions défavorables. »

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